tag:blogger.com,1999:blog-57038211683837735132024-02-20T12:24:37.713-08:00MitaghoulierDe la zik, des livres, des films, des écrits, de la peinture... Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.comBlogger233125tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-90909648256845581272021-07-07T05:34:00.001-07:002021-07-07T05:35:31.263-07:00Nouveau site <p style="text-align: left;"><br /></p><h1 style="text-align: left;"><a href="https://lesruminants.com/">https://lesruminants.com/</a></h1><h1 style="text-align: left;"> </h1><p style="text-align: left;"> <a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgoP7uh01gQ3yu83-F_jgtIG3UOXs98z_e336RiEaXL99O-FTBsMeMApQPU9U7C4apvL-fTeqZ-wTT8z7840ZLigaMkMwqbn-TG4jm8Imbj-fzH-mb_97wn5b8jXhyphenhyphenLHral0aOj1TwtKoI/s2048/La+tute+du+p%25C3%25A9lerin.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1344" data-original-width="2048" height="332" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgoP7uh01gQ3yu83-F_jgtIG3UOXs98z_e336RiEaXL99O-FTBsMeMApQPU9U7C4apvL-fTeqZ-wTT8z7840ZLigaMkMwqbn-TG4jm8Imbj-fzH-mb_97wn5b8jXhyphenhyphenLHral0aOj1TwtKoI/w506-h332/La+tute+du+p%25C3%25A9lerin.jpg" width="506" /></a></p>Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-46915595568798611992020-08-03T01:44:00.000-07:002020-08-03T01:44:01.547-07:00Voyager dans l'invisible, Charles Stepanoff<div style="text-align: center;">
<h2>
Les ombres portées de l'imaginaire I </h2>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEguWYVEnaUY60j8hdZHUTL5nC6iytBT_l9cgOLGElmqlviL75nuV0ihW0_MsHLRTrjpLtuYaq85vawWHZsvwlMEab7M_1knaNgY5QOip-5lEA0-bdHNqZ4rhd7tJYP7uOjc_RlNovYo5L8/s1600/Loup.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="761" data-original-width="960" height="253" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEguWYVEnaUY60j8hdZHUTL5nC6iytBT_l9cgOLGElmqlviL75nuV0ihW0_MsHLRTrjpLtuYaq85vawWHZsvwlMEab7M_1knaNgY5QOip-5lEA0-bdHNqZ4rhd7tJYP7uOjc_RlNovYo5L8/s320/Loup.jpg" width="320" /></a></div>
</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div align="center" style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black;">« On l'a presque oublié : l'imaginaire, comme
l'amour, se perd ou se gagne. » (Annie
Le Brun, </span><span style="color: black;"><i>Les châteaux de la
subversion</i></span><span style="color: black;">)</span></div>
</blockquote>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<h3 align="center" style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black;"><span style="font-size: medium;"><b>Première
partie : l’invisible en terre chamanique</b></span></span></h3>
<div align="center" style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Les
nombreuses études conduites pour comprendre l’apparition des
inégalités oublient bien souvent d’accorder de l’importance aux
techniques liées à l’imaginaire, aux rêves et aux visions. Or il
se pourrait bien que ces techniques, loin d’être anodines et
secondaires, soient à l’origine d’une des premières
spécialisations, voire hiérarchisation.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> </span><span style="color: black;"><i>Voyager
dans l'invisible </i></span><span style="color: black;">de Charles
Stepanoff, maître de conférences à l’EPHE de Paris et chercheur,
est un très riche essai sur le fonctionnement des dispositifs
rituels, des différentes techniques de visions et de rêves des
traditions chamaniques des peuples autochtones du nord de l’Eurasie
et de l’Amérique. En Asie du Nord, le chamane, à qui le groupe
confie une part de la gestion de ses rapports au monde, est l’expert
de l’invisible. Cette spécialisation, universellement connue dans
cette large région, se pratique selon un continuum plus ou moins
hybride entre un chamanisme hiérarchique et un chamanisme
hétérarchique. La captation de l’imaginaire par un individu et
les conséquences sociales qui en découlent y sont minutieusement
analysées.</span></div>
<div align="justify" style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="justify" style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black;"> </span><span style="color: black;"><b>Chamanisme
hétérarchique</b></span></div>
<div align="justify" style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> L’hétérarchie
suppose une structure organisationnelle horizontale qui privilégie
la coopération et l’autonomie de chacun. Le chamanisme
hétérarchique décrit par Stepanoff semble parfaitement illustrer
ce mode d’organisation sociale.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"><b> </b></span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Chez
les peuples pratiquant ce chamanisme, le chamane n’est pas visible
aux yeux du public et ses mouvements sont souvent contraints et
limités par une corde ou par une construction. La cérémonie se
déroule dans l’obscurité la plus totale. Un tremblement de
l’habitation, des bruits et des voix animales et humaines font
entendre l’arrivée d’esprits avec lesquels les participants
peuvent dialoguer à propos de la chasse ou des maladies. Sans
tambour ni costume, le chamane qui mène le rituel est censé dormir
pendant toute sa durée et n’est pas rémunéré. Ces rituels, dont
le substrat culturel circumpolaire est probablement ancien, sont
présents de l’Oural à la baie d’Hudson.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Trois
rituels, provenant de lieux très éloignés tels que la taïga de
l’est de l’Oural, la toundra béringienne et les forêts
canadiennes, sont détaillés.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Chez
les </span><span style="color: black;"><span style="font-weight: normal;">Khant</span></span><span style="color: black;">,
peuple ougrien de l’Ob, les participants se réunissent la nuit
dans une tente où règne une obscurité complète. Le Chamane, au
centre de l’assemblée, joue de la </span><span style="color: black;"><i>dombra</i></span><span style="color: black;">,
une sorte de luth, et les participants perçoivent bientôt des
phénomènes acoustiques étranges. Les sons se déplacent à
l’intérieur de la tente, près du sol, du toit ; ils
s’atténuent, s’éloignent, se rapprochent ; ils donnent
forme à une illusion spatiale et manifestent le vol du chamane dans
la tente. Quand la dombra se tait, signifiant la sortie du chamane
par le trou de fumée, des bruits d’animaux retentissent : le
coucou, oiseau prophétique, le cri sinistre du hibou, le cri joyeux
du canard, la grue, l’écureuil, etc. L’humeur des participants
change selon la présence de tel ou tel </span><span style="color: black;"><i>lung</i></span><span style="color: black;">,
esprit issu du monde de la forêt. Une fois le rituel terminé, le
chamane raconte son voyage, mais l’objet principal du processus est
la possibilité pour chaque participant humain d’échanger avec les
esprits zoomorphes, et de permettre ainsi à tous de pratiquer des
actes propitiatoires et de communiquer avec les animaux que les
chasseurs poursuivent dans la taïga.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;">« L’action
mise en scène combine un mouvement centripète, avec l’arrivée
sur le lieu du rituel de visiteurs invisibles venus de la forêt, et
un mouvement centrifuge, avec l’envol du chamane dans le ciel. »</span></div>
</blockquote>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> À
4 500 kilomètres des Khant, à l’autre extrémité de l’immensité
sibérienne, dans les toundras des environs du détroit de Béring,
les </span><span style="color: black;"><span style="font-weight: normal;">Chukch</span></span><span style="color: black;">,
éleveurs de rennes, procèdent à un rituel très proche. À
l’intérieur de la vaste tente, d’épaisses fourrures de rennes
forment une chambre intérieure où se blottit la famille pour
dormir. C’est dans cette petite chambre que se déroulent les
rituels nocturnes. Dans une obscurité totale le chamane se tient
assis, torse nu, ligoté ou au contraire libre de jouer du tambour :</span></div>
<div align="justify" style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;">« Il
chante des mélodies, d’une voix douce d’abord, puis de plus en
plus puissante. Le chant, sans paroles, est fait d’une phrase
mélodique courte répétée indéfiniment : ‘Ah, ya, ka, ya, ka,
ya, ka !’ L’assistance ne chante pas, mais émet de temps en
temps des interjections d’encouragements pour soutenir le chamane.
S’il a un tambour, le chamane l’utilise comme caisse de
résonance, dirigeant les sons vers la gauche ou la droite. Bientôt
il devient impossible de repérer l’origine des sons dans
l’obscurité : la voix du chamane paraît se déplacer dans
différents lieux de la pièce. Au bout de quinze à trente minutes,
le chamane fait vibrer ses lèvres en secouant la tête et fait
entendre différents bruits et cris animaux ou humains : ce sont les
“voix séparées” des esprits (</span><span style="color: black;"><i>kelet</i></span><span style="color: black;">)
qui sont en train d’arriver. Ces visiteurs invisibles sont des
animaux comme le loup, le corbeau, le morse, la souris, mais aussi
des objets tels le seau, l’aiguille ou le pot de chambre, ou encore
des humains, tels le Vieillard noir, la Borgne, etc. Un esprit “Écho”
imitait tout ce qu’il entendait et Bogoras s’amusa à prononcer
des phrases en russe et en anglais que l’esprit répétait avec
succès, au grand amusement de tous. »</span></div>
</blockquote>
<div align="justify" style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Comme
chez les Khant, la tente est visitée par des esprits qui
communiquent avec le chamane et les participants, prédisent une
bonne saison de chasse ou, au contraire, annoncent une maladie,
adressent des remontrances à ceux qui ont négligé des
prescriptions rituelles, se disputent, etc. Aucun scénario ne fige
ces séances au cours desquelles la tente peut être secouée ou
soulevée, des morceaux de bois ou de l’urine projetés. L’objet
du rituel est de permettre aux participants de communiquer avec les
esprits des animaux.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> De
l’autre côté du détroit de Béring, dans la forêt canadienne,
un rituel similaire a été décrit par George Nelson, marchand de
fourrures, qui assiste, en 1823, à une cérémonie chez les Cree,
ses fournisseurs :</span></div>
<div align="justify" style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> « Le
soir, à l’écart des habitations, les Indiens édifièrent une
tente miniature d’environ un mètre de diamètre faite de poteaux
recouverts de peaux d’élan. Le “conjureur” (l’officiant)
prit son tambour et prononça des prières. Puis le tambour passa à
l’entourage qui entonna différents chants, comme le chant de
l’élan, du cheval, de l’ours et du chien. Après s’être
déshabillé, le conjureur demanda qui voulait le ligoter. Nelson
lui-même se porta volontaire pour l’opération ce qui lui permit
de l’observer de près. Après avoir eu les mains soigneusement
ficelées, le conjureur fut enveloppé dans une couverture elle-même
fixée par une corde serrée et installé dans la tente miniature. Au
bout de seulement quelques minutes, tandis que l’assemblée
chantait le chant de l’esprit de la Glace, Nelson eut l’impression
de percevoir l’esprit entrer dans l’édicule. La couverture et
les cordes du conjureur furent jetées sur les participants, sans
qu’un seul nœud ait été défait. Des dizaines d’autres esprits
pénétrèrent dans l’édicule en le secouant violemment à chaque
fois. On entendit ainsi parler la glace, puis la tortue qui imita un
ivrogne et finit par ronfler au grand amusement de tous, suivie d’un
chien, de différents ours, un cheval, un élan, des squelettes, des
esprits de défunts mais aussi d’amis vivants éloignés. La tortue
fit différentes prédictions concernant la pluie et le gibier. Au
cours de la séance, Nelson et quelques autres furent invités par
l’officiant à entrer dans l’édicule pour y voir les esprits.
Allongé sur le dos, Nelson aperçut des lumières semblables à des
étoiles dans un ciel nuageux. Enfin vers deux heures du matin, la
tente se secoua une dernière fois et les esprits disparurent. Le
scepticisme du marchand de fourrures canadien avait été plus
qu’ébranlé. ‘Je suis totalement convaincu, autant que de mon
existence, que des sortes d’esprits sont réellement et
pratiquement entrés, certains véritablement terrifiants, d’autres
d’un caractère tout différent. [...] je crois vraiment que je
n’oublierai jamais les impressions de cette soirée.’ »</span></div>
</blockquote>
<div align="justify" style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Ces
trois rituels, khant, chukch et cree, présentent d’incontestables
traits structuraux communs qui se retrouvent chez d’autres peuples
pratiquant un chamanisme dit de « la tente sombre » ou de
« la tente tremblante ». En Sibérie centrale, dans la
vallée du Ienisseï, les chamanes des Selkup et des Ket organisaient
comme leurs voisins ougriens de mémorables séances dans
l’obscurité. Le chamane selkup, en vêtement ordinaire, était
ligoté sur une peau d’ours et de nombreux cris et bruits d’animaux
envahissaient l’espace. Les Ket appelaient cette performance le
« jeu sombre ».</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Chez
les Yukaghir, où se pratiquait le chamanisme hétérarchique avant
que le chamanisme hiérarchique ne s’impose, chaque famille
possédait un tambour qu’elle utilisait librement pour accomplir
ses rituels domestiques. Composé de bois, de cuir et de tendons,
avec seulement quelques rares pendeloques de métal, cet instrument
pouvait être fabriqué sans grande difficulté par chaque famille.
L’ancien costume des chamanes ne portait aucun ornement cosmique et
ne se distinguait du vêtement ordinaire que par les emprunts faits
aux costumes des femmes. Les anciens Yukaghir étaient, comme leurs
voisins koriak et chukch, grands consommateurs d’amanites
tue-mouches, lesquelles leur inspiraient des visions et des chants.
La prise de psychotropes, trait hétérarchique typique, n’a pas
tant pour but d’altérer la conscience que d’amplifier une
imagerie culturellement déterminée. La transe n’est qu’un
procédé parmi d’autres. La privation sensorielle, obtenue par
simple bandage des yeux, tient un rôle de premier ordre dans la
stimulation de l’imagerie mentale chez les peuples sibériens.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Chez
les Ket et les Selkup, les deux rituels sont pratiqués, mais celui
de la « tente sombre » est moins prestigieux que celui de
la « tente claire » qui caractérise le chamanisme hiérarchique.</span></div>
<div align="justify" style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjwKoLgMs2nAWQDxZ8ukFsamAnXRvDnLmzWsRuyD45K_q6PQRTkTyRZFCgG_8RZxPcTIisU66oysu021XKOHw2a1Ya954bNMsf2KNC9S-U1aCa0oRrkmPuVvp9AOVZKAibq3mZ_c-SyzVk/s1600/chamane.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="324" data-original-width="600" height="344" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjwKoLgMs2nAWQDxZ8ukFsamAnXRvDnLmzWsRuyD45K_q6PQRTkTyRZFCgG_8RZxPcTIisU66oysu021XKOHw2a1Ya954bNMsf2KNC9S-U1aCa0oRrkmPuVvp9AOVZKAibq3mZ_c-SyzVk/s640/chamane.jpg" width="640" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<em><span style="color: black;"> </span></em><em>Le célèbre chamane
Der’it chez les Ket de la Toungouska
Pierreuse. </em></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<em>Photo N.V.Sushilin, 1926</em></div>
<style type="text/css">
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em { font-style: italic }</style></td></tr>
</tbody></table>
<div align="justify" style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="justify" style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black;"><b> Chamanisme
hiérarchique</b></span></div>
<div align="justify" style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> « L’assemblée
est éclairée par un feu central auprès duquel le chamane se tient
assis. Pris de bâillements de plus en plus intenses, il a les yeux
clos, alors que tous le regardent. Il commence à entonner un chant
rythmé par les battements de son tambour. Puis il chante d’une
voix plus forte pour appeler ses esprits auxiliaires à le rejoindre
dans un mouvement centripète et à s’installer dans son corps et
son costume. De plus en plus excité, il revêt un plastron brodé,
un manteau chamanique couvert de dizaines de figurines métalliques
représentant différents esprits zoomorphes et anthropomorphes et
une couronne de fer pourvue de ramures. Son visage est couvert par
une frange tombant de sa couronne qui lui cache partiellement la vue.
Il entonne alors un chant-voyage. »</span></div>
</blockquote>
<div align="justify" style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Cette
cérémonie, pratiquée chez les Selkup du Ienisseï, peuple samoyède
d’Asie septentrionale, constitue le prototype du rituel chamanique
pour la majorité des populations d’Asie du Nord, chez les peuples
altaïques de langue toungouse (Evenki, Even, Udeghe, Nanaï,
Mandchous), de langue turque (Altaïens, Teleut, Khakas, Tuva,
Iakoutes, Dolgan), de langue mongole (Bouriates, Mongols), ainsi que
d’une partie des Samoyèdes (les Enets et les Nenets). Vêtu d’un
costume professionnel et muni d’un tambour, le chamane est le seul
acteur du rituel, il s’exhibe et offre avec ostentation un
spectacle de gestes et de paroles qui illustre la venue des esprits
et son voyage à travers le cosmos. Seul à interagir avec les
esprits, ces auxiliaires venus pour l’aider et l’accompagner dans
son voyage cosmique, le chamane, intermédiaire qualifié entre
humains et esprits, respecte un scénario culturellement défini,
dont les étapes ne sont pas modifiables. Tous les chamanes selkup
partagent une géographie cosmique commune et des routes
préexistantes qui leur permettent de se rendre au pays des ancêtres,
dans le monde céleste ou de traverser le monde du milieu, le monde
terrestre. Le chamane hérite de sa fonction et des chants
correspondant aux différents itinéraires parcouru par ses ancêtres.
Le chant chamanique se distingue du chant profane par une prosodie en
vers composés de huit syllabes.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Le
chamane des traditions hiérarchiques possède un équipement
ostentatoire spécialement confectionné par les membres de la
communauté : son tambour et son costume. Ce dernier porte
parfois jusqu’à quarante kilos de figurines. Le chamane, qui
hérite de sa fonction, est le seul intermédiaire entre les esprits
les plus puissants et le clan, il est indispensable au maintien de
l’équilibre entre monde visible et monde invisible, et sa
performance, spectaculaire, le place au centre des rituels.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> « Dans
ce genre de traditions que nous appelons ‘hiérarchiques’, les
actions sur lesquelles les chamanes ont le monopole sont essentielles
à l’entretien de bonnes relations entre humains et non-humains.
Les chamanes interviennent à tous les niveaux de la vie religieuse
des membres de leur communauté, à l’occasion de rituels
individuels, domestiques, aussi bien que de célébrations
collectives. Aujourd’hui, un ou une Tuva fait appel à un chamane
pour savoir si le compagnon de vie qu’il s’est choisi est le bon,
pour soigner une maladie, lever un mauvais sort, réussir un examen
ou encore protéger sa voiture des accidents. »</span></div>
</blockquote>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Chez
les Tuva des hautes vallées de la région de Süt-Höl qui habitent
des yourtes de bois et élèvent des troupeaux de moutons, de chèvres
et de vaches, le foyer est protégé par la maîtresse du feu. Chaque
année, afin de préserver la puissance et la bienveillance de cet
esprit féminin du foyer, il est nécessaire de faire venir un
chamane qui pratiquera le « rituel du feu » et permettra de
maintenir fermé l’espace domestique afin de le préserver des
menaces. Seul le chamane ne craint pas « l’ouvert »,
son corps pouvant recevoir les esprits et son âme quitter son corps.
Cette ouverture du corps chamanique est visible par le port d’un
costume ballant au contraire des costumes des profanes qui sont
ceinturés :</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> « Certains
costumes ont des trous spécialement ménagés au niveau des
aisselles, d’autres au niveau de la poitrine, pour laisser passer
les esprits. Nous l’avons vu, le chamane est un corps ouvert qui
laisse entrer et sortir en lui des flux par la bouche, les aisselles,
le nombril, le sinciput ou l’anus. Alors qu’un profane dont l’âme
s’est évadée dépérit, l’âme du chamane s’échappe
facilement de son corps et va parcourir le cosmos sans que
l’intégrité de sa personne soit mise en danger. Le chamane laisse
sortir son âme, et laisse entrer esprits et forces. »</span></div>
</blockquote>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj_Mqph2qfEpBE8BLnFtYd_sqW2PwPuG2hpBCig0smJMJuiIcqYmK2IHjzOFhCiibVYMHAYRx6tELVJ2sKWzv2FppMGyYgYJIc4hknrtXhmWq_9X06fUj_uSqp1p4k2k7_R8k5DBYi5HDU/s1600/tambour.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="580" data-original-width="516" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj_Mqph2qfEpBE8BLnFtYd_sqW2PwPuG2hpBCig0smJMJuiIcqYmK2IHjzOFhCiibVYMHAYRx6tELVJ2sKWzv2FppMGyYgYJIc4hknrtXhmWq_9X06fUj_uSqp1p4k2k7_R8k5DBYi5HDU/s400/tambour.jpg" width="355" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<span style="color: black;"><em>Tambour khakasse (sagaï) in C. Stepanoff</em></span></div>
<div style="text-align: center;">
<style type="text/css">
p { margin-bottom: 0.25cm; line-height: 115%; background: transparent }
a:link { color: #000080; so-language: zxx; text-decoration: underline }
em { font-style: italic }</style></div>
</td></tr>
</tbody></table>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> L’homme
ordinaire est fermé au monde des esprits, il ne peut interagir avec
eux sans risquer la mort, et la peur de rencontrer, déranger ou
offenser un esprit oblige à pratiquer toutes sortes de petits
rituels. Cette différence des potentialités des corps se manifeste,
à des degrés plus ou moins rigides d’un peuple à l’autre, dans
le rapport aux objets rituels. Chez les Tuva, les Khakas et les
Iakoutes, seul le chamane possède un tambour rituel et, à partir du
moment où l’instrument est consacré, nul profane ne peut le
toucher, sous peine d’en mourir. Chez tous les peuples à
traditions chamaniques hiérarchiques les profanes sont les «
inexpérimentés, les bêtes, les esclaves » et se décrivent
eux-mêmes en termes peu flatteurs :</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;">« Je
suis plus simple qu’une génisse, plus bête qu’un veau,</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;">Je
ne comprends rien,</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;">Je
ne vois rien,</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;">Je
suis un héros bête sans yeux,</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;">Je
suis un héros esclave sans oreilles ! »</span></div>
</blockquote>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Dans
ce système, l’opposition entre le corps fermé de l’homme simple
et le corps ouvert du chamane crée une hiérarchie entre les êtres :
d’un côté les individus incomplets et de l’autre le chamane,
individu complet au squelette blanc ou pur, à l’essence
singulière, innée, inaltérable et héréditaire, dont ils
dépendent pour maintenir de bonnes relations avec les forces et
puissances qui partagent leur environnement. Le rituel chamanique est
une opération indispensable pour maintenir de bonnes relations avec
les existences non humaines de la forêt et garantir ainsi une
reproduction des ressources nécessaires à la subsistance du groupe.
Les gens ordinaires délèguent donc leur responsabilité à un
individu jugé plus compétent pour gérer une partie importante de
leur rapport au monde. Ce dualisme est visible dans les
représentations qui structurent l’espace du tambour chamanique, du
costume chamanique et de l’espace domestique. Les individus sont
ainsi des parties reliées à un tout et le chamane est celui qui
permet de maintenir le tout en équilibre.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> « Le
rêve et la vision constituent pour les Tuva des formes privilégiées
d’ouverture à l’interaction en face à face avec les personnes
non humaines, qu’il s’agisse de maîtres de lieu ou d’ancêtres.
Or ces modalités de communication ne sont pas accessibles à tous :
cette forme d’ouverture est considérée comme destructrice pour
les profanes, alors qu’elle est valorisée chez les spécialistes.
C’est que, d’une façon générale, les ‘gens simples aux yeux
d’eau et au cœur de sang’ sont par nature fermés et doivent
préserver leur fermeture en encerclant leur corps dans une ceinture,
en évitant de bailler, en protégeant la fontanelle non fermée des
nourrissons par où leur âme pourrait s’échapper et en
enveloppant leur campement sous la protection d’un </span><span style="color: black;"><i>haacha</i></span><span style="color: black;">.
Une ouverture est une brèche qui les exposerait à toutes les
agressions de puissances invisibles et à toutes les déperditions
d’âme. »</span></div>
</blockquote>
<br />
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> </span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"><b> Tambour
et costumes</b></span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Dans
le chamanisme hiérarchique, le tambour et le costume sont des outils
cognitifs qui transmettent au groupe des modèles cosmiques, ils sont
les supports d’une diversité de références sémantiques. Ils
transmettent et arborent l’identité du chamane, son histoire
singulière — mais toujours ancrée dans la tradition — exhibent
sa singularité et son pouvoir. Tambour et costume sont des œuvres
collectives auxquelles le chamane ne participe pas. Leurs confections
obéissent aux instructions que le chamane donne à partir de ses
rêves.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Le
tambour est une composition de matériaux divers – animal et
végétal – qui figurent un assemblage d’êtres individualisés
et vivants :</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> « Le
cadre est fait d’une bande de bois prélevée sur un arbre que l’on
n’abat pas mais que l’on s’efforce de laisser en vie,
témoignant du fait que l’instrument est vivant. Chez les Mongols
et les Evenki, il s’agit d’un arbre qui a subi la foudre et en a
gardé une forme étrange. Les Ket et les Selkup du Ienisseï, tout
comme les Saami de Scandinavie, sélectionnent un arbre dont les
branches poussent d’un seul côté, vers le soleil. »</span></div>
</blockquote>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Le
tambour appartient au seul chamane et ne peut être utilisé que par
lui. Sa richesse signifiante n’est pas le fait d’une accumulation
d’héritages fortuits mais d’une « identité complexe ».
C’est ainsi qu’il est à la fois un objet et un être vivant, un
humain et un animal sauvage et domestique. À la fois moyen de
transport et réceptacle, il traverse les catégories ontologiques
permettant ainsi, lors des rituels, d’établir des relations entre
des êtres incompatibles dans la vie quotidienne : chez les
Evenki il est à la fois une barque, un renne vivant et une image de
l’univers ; dans l’Altaï il peut être chameau, cheval,
cerf, léopard, porteur de l’âme de l’ancêtre et schéma du
cosmos.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> La
membrane du tambour est la peau d’un animal prédestiné, sauvage
ou non dressé – élan, renne, bouquetin – apparu en rêve au
chamane et que des chasseurs sont chargés de tuer. Une fois mort, un
rituel « ressuscite » l’esprit de l’animal pour
animer le tambour qui devient ainsi le cheval de selle du chamane. Il
arrive qu’il place l’instrument entre ses jambes pour accomplir
ses voyages cosmiques. Les coups de battoir sur la peau sont le
langage, incompréhensible pour les profanes, avec lequel chamane et
esprits communiquent. Les battements de l’instrument sont également
interprétés comme le bruit des sabots de l’animal-tambour et plus
le rythme est rapide, plus vive est la cavalcade invisible du chamane
sur sa monture. Les figures peintes sont exécutées à partir des
images oniriques rapportées par le chamane, images semblables à
celles qui recouvraient le tambour de l’ancêtre qui les tenait
lui-même de ses prédécesseurs. Elles témoignent de la continuité
héréditaire qui s’exprime dans les visions oniriques. Elles
maintiennent le lien entre les différentes générations de chamanes
et permettent d’affirmer la puissance chamanique. La voix des
ancêtres devient celle du chamane et cet héritage lui permet de
maintenir l’équilibre entre tradition et singularité : ce
principe relationnel entre le chamane et son ancêtre, entre la
performance actuelle et son modèle transgénérationnel, explique la
grande stabilité de ces images dans le temps et dans l’espace.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjJzV4yrzLMrB2TxgbSgB9FCrxsyKA9Ox0kVGhC8PT5WQ-11q_rmV6UbHXCcQGSDSSql6AIA6_pfChyPBYJVRK3Vu6-PJh2ZIqEHIFatgQr-cQE1ZIod87lFhKcMfIWYD_O5Bx0q40M_Mc/s1600/texte-dream-power.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="441" data-original-width="580" height="486" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjJzV4yrzLMrB2TxgbSgB9FCrxsyKA9Ox0kVGhC8PT5WQ-11q_rmV6UbHXCcQGSDSSql6AIA6_pfChyPBYJVRK3Vu6-PJh2ZIqEHIFatgQr-cQE1ZIod87lFhKcMfIWYD_O5Bx0q40M_Mc/s640/texte-dream-power.jpg" width="640" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<span style="color: black;"><em>M. Olsen, Chamane khakasse face au feu,
1914.</em></span></div>
<style type="text/css">
p { margin-bottom: 0.25cm; line-height: 115%; background: transparent }
a:link { color: #000080; so-language: zxx; text-decoration: underline }
em { font-style: italic }</style></td></tr>
</tbody></table>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Un
seul tambour est utilisé pour de nombreux chants-itinéraires, ce
qui signifie que les dessins figurant sur la membrane ne présentent
pas un récit linéaire mais une iconographie intégrée à la
gestuelle du chamane. Stepanoff propose une approche sensorimotrice
de cette iconographie : tambour, costume, gestes et chants
engagent les perceptions sensorielles dans l’espace virtuel qui,
comme l’espace immédiat, se construit dans la motricité. La
performance du chamane anime ainsi le passé et l’invisible qui
composent le présent, réinvestit et renouvelle un modèle
traditionnel. La singularité du chamane, son individualité est une
ouverture vers l’extérieur, vers le passé, la capacité à
maintenir les relations avec les défunts, leurs mémoires, leurs
histoires et donc à maintenir la tradition. C’est ce qui explique
que les critères de sélection des matériaux sont d’une constance
surprenante sur des milliers de kilomètres à travers l’Eurasie.
Dans la plupart des traditions hiérarchiques, le tambour est le
double du chamane, ouvert et apte à recueillir des entités
invisibles et détruit à la mort de son maître. Le couple
chamane-tambour singularise l’être d’exception capable de
traverser les âges, les espaces et les catégories, il est un
passeur entre les mondes.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Le
costume singularise le chamane dont le corps ouvert est profondément
différent de celui des profanes. Chez les Nganasan les chamanes
disposaient même d’un costume pour voyager dans le monde
supérieur, d’un autre pour le monde inférieur et d’un troisième
pour le monde du milieu. Chacune de ces tenues incluait un manteau,
un plastron, des bottes, une coiffe, des gants et une frange. Cette
dernière, qui permet à l’officiant de réduire ses perceptions
visuelles et ainsi de développer des images mentales, instaure une
inégalité d’accès aux visions. Elle est un dispositif capital du
chamanisme hiérarchique. Le costume, de nature polysémique et
complexe, transgresse les frontières entre les catégories et est un
art de la mémoire. Chez les Evenki de la Toungouska Pierreuse, le
chamane demande souvent à la famille du malade de sacrifier un renne
dont il gardera une petite lanière de la peau cousue sur la partie
inférieure de son costume. Cette lanière lui permettra de se
souvenir de cet évènement.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Les
costumes cérémoniels de Sibérie sont également couverts
d’asymétries polarisantes. Chez les Nganasan, par exemple, le gant
gauche permet au chamane de se faire passer pour un démon à trois
doigts lorsqu’il descend sous terre tandis que le gant droit l’aide
à « s’extraire de l’enfer ». La main gauche est donc associée
à ce qui est inférieur et obscur et la main droite à un mouvement
ascendant. Les Nganasan ont d’ailleurs mis au point une forme
d’asymétrie latérale bien plus spectaculaire que le nombre de
doigts des gants. Certains costumes étaient composés d’une moitié
droite rouge, associée au soleil et au printemps, et d’une moitié
gauche noire liée à l’obscurité et l’hiver. Lorsque le chamane
tourne sur lui-même en plaçant la gauche du corps en son centre,
mouvement indiquant une descente d’un étage à l’autre ou d’un
monde à l’autre, le costume bipartite donne immédiatement à voir
la résonance cosmique du mouvement chamanique. Il en est de même
lors d’une giration solaire, c’est-à-dire qui met la droite du
corps au centre et indique, à l’inverse, une ascension. Le costume
matérialise donc des associations entre latéralité du corps, ombre
et lumière, haut et bas. Chez les Iakoutes, l’épaule droite du
costume porte l’image d’une grue et la gauche celle d’un
plongeon :</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> « La
situation de ces deux oiseaux dans le haut du corps est conforme au
principe habituel d’association entre verticalité du monde et
verticalité du corps, mais les types de mouvements qu’ils
représentent sont fort différents. La grue de Sibérie qui migre
annuellement entre l’Inde et la Iakoutie accomplit de longs
parcours en altitude, alors que le plongeon est connu pour ses piqués
dans l’eau. La disposition des deux oiseaux couple derechef la
droite du chamane à un déplacement en altitude et la gauche à un
mouvement descendant. »</span></div>
</blockquote>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Les
costumes superposent des références cosmiques au schéma corporel
du chamane conférant à chaque geste une extraordinaire force
d’évocation.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> La
documentation ethnologique et historique ainsi que l’intégration
de l’analyse du plastron, élément vestimentaire tout à fait
particulier couvrant la poitrine et le ventre, permet à Stepanoff
d’identifier les traditions hétérarchiques comme ancien substrat
circumpolaire partagé de part et d’autre du détroit de Béring,
peu à peu remplacé par le chamanisme hiérarchique venu du
Nord-asiatique. Comme en témoignent les tombes de la culture de
Glazkovo, le plastron de type toungouse faisait déjà partie de
l’habillement des chasseurs-cueilleurs de l’âge du Bronze dans
la région du Baïkal en Sibérie du Sud. Il est une partie
intégrante de l’habit ordinaire des Toungouses (Evenki et Even) et
son schéma de corps-univers est d’une saisissante stabilité de
l’Altaï à l’Arctique, du Ienisseï à la Mandchourie.
Chasseurs-cueilleurs hautement mobiles grâce à leurs déplacements
à dos de renne, les Toungouses ont pénétré au fil de leurs
migrations à travers la taïga des territoires extraordinairement
vastes.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> « Avec
l’expansion toungouse, le plastron chamanique s’est diffusé vers
l’aval du fleuve Ienisseï jusqu’aux rivages de l’Arctique à
travers les populations Ket, Selkup, Enets, Nganasan, vers le nord et
l’est sibériens le long de la Léna à travers les Iakoutes et les
Dolgan et vers la Mandchourie et le Pacifique le long du fleuve
Amour, à travers les Udeghe, les Neghidal et les Daur. Le plastron
constituait une pièce si essentielle pour les chamanes udeghe qu’ils
redoutaient de perdre la voix ou même la vie si quelqu’un venait à
le déchirer. L’ancien plastron chamanique des Bouriates, orné de
côtes, paraît également emprunté à leurs voisins toungouses. »</span></div>
</blockquote>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"><b> Féminin/masculin,
figuration des espaces</b></span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> « Certains
chamanes khakas affirment que les dessins de leurs tambours les
aident à ‘s’orienter dans leur voyage’ et à ‘avancer’.
Des chamanes evenki disent également qu’ils leur permettent de
‘s’orienter dans les pays obscurs’. Nulle idée ici de
transmettre un message ou de ‘refléter’ des idées, mais un rôle
d’aide à l’orientation, un peu comme des boussoles de
l’invisible. Or qu’est-ce que ‘s’orienter’, sinon établir
une coordination particulière entre son propre corps et l’espace
environnant ? Les indications des utilisateurs des tambours suggèrent
ainsi que les dessins pourraient s’éclairer à la lumière des
relations entre corps et espace dans le contexte particulier de la
performance rituelle. »</span></div>
</blockquote>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> L’organisation
des figurations peintes sur le tambour, être vivant sur lequel se
rencontrent passé et présent, espace immédiat (profane) et espace
cosmique, respecte un agencement précis, similaire à l’espace
domestique de la yourte.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> En
analysant scrupuleusement les représentations peintes sur le
tambour, Stepanoff remarque une asymétrie entre gauche et droite
souvent soulignée par des couleurs, comme pour le costume bipartite
des Nganassanes. Afin de mieux comprendre les figurations sur la
membrane, il distingue, également, la gauche et la droite du tambour
correspondant au point de vue de l’observateur, de la senestre et
de la dextre correspondant au point de vue du chamane. Il constate
alors qu’au moment où le chamane chevauche son tambour, la
senestre s’associe à l’avant du chamane et la dextre à son
arrière. L’animal dont la peau constitue la membrane du tambour
est représenté à droite du point de vue de l’observateur mais,
du point de vue du chamane, il marche vers la senestre. Lorsqu’il
chevauche son tambour le chamane et sa monture regardent donc tous
deux dans la même direction.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Cette
asymétrie, qui associe la senestre de la membrane à la gauche du
chamane et à l’avant du corps, et la dextre de la membrane à la
droite du chamane et à l’arrière du corps, correspond à une
bipartition systématique entre ce qui est clair et céleste et ce
qui est sombre et inférieur. C’est ainsi que la lune et
l’ours sont à senestre, associés à l’ombre et à un mouvement
descendant, tandis que le soleil et le renne sont à dextre, associés
à un mouvement ascendant. Une opposition apparaît donc entre ombre
et lumière, ascension et descente.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> « Les
tambours que l’on peut qualifier de type “tatare” sont
traversés de polarisations verticales et horizontales d’une grande
constance. Entre le haut et le bas s’opposent le céleste et le
terrestre, le sec et l’humide, le clair et l’obscur. Les maladies
que soignent certaines des figures représentées y ajoutent une
correspondance avec le corps humain : les oiseaux traitent la tête,
alors que les animaux de la partie basse sont spécialisés dans le
ventre et les jambes. […] Les maladies “ pures”, qui touchent
la partie haute du corps, sont donc à la charge des esprits maîtres
des chevaux, ces cavaliers représentés dans les parties médiane et
supérieure du tambour. En revanche, les maladies impures situées
dans le bas du corps, plus particulièrement les maladies
gynécologiques, relèvent du maître des moutons, qu’on a vu
associé aux batraciens et aux reptiles du bas du tambour. Il existe
donc effectivement une correspondance entre la verticalité du
tambour et celle du corps humain établie par l’intermédiaire de
l’ordre spatial du paysage et de ses habitants représentés sur la
membrane. »</span></div>
</blockquote>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Cette
opposition, typique d’une cosmologie dualiste, se retrouve dans
l’ordonnancement de l’espace de la yourte, cercle orienté comme
le tambour et comme lui fortement polarisé. Chez les peuples nomades
d’Asie septentrionale, l’organisation de l’espace domestique
est gouvernée par des principes puissants appliqués avec rigueur et
constance dans les différents lieux habités. Ces principes sont
toujours respectés chez les Khakas bien qu’ils aient abandonné au
XIXe siècle leurs yourtes de feutre pour des structures de bois
polygonales. Le foyer, surmonté d’un trou à fumée, est installé
au centre de la yourte. À l’opposé de la porte, orienté vers
l’est, et au-delà du feu, s’étend le coin d’honneur où est
disposé le lit des maîtres et où s’assoient les anciens et les
hôtes d’importance, visage face au levant. À leur droite, s’étend
la partie pure et masculine, le coté haut, le sud, et à leur
gauche, la partie opposée, féminine et impure, le « côté bas »
qui est le nom du nord. Tandis que les murs méridionaux portent les
instruments masculins - le fusil au sud-ouest et le harnachement des
chevaux au sud-est, près de la porte - les murs septentrionaux
portent les instruments des femmes, vaisselle et ustensiles de
cuisine. Un contraste radical oppose le quart nord-est, secteur deux
fois inférieur, et face à lui, le quart sud-ouest, deux fois
supérieur où sont suspendus les objets sacrés. À l’opposé,
dans le coin nord-est, sont rangés des seaux contenant les réserves
d’eau et les produits laitiers. La yourte est traversée, comme le
tambour et le costume, par des oppositions communes :
céleste/souterrain, sec/humide, clair/obscur, masculin/féminin.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> La
yourte est un microcosme lié à un macrocosme et dans lequel le
cosmique est intégré au quotidien. L’espace domestique n’est
pas une copie du cosmos mais bien une topologie morale qui oriente la
perception affective d’espaces parallèles dans lesquels s’opposent
monde domestique et monde sauvage, monde féminin et monde masculin,
monde inférieur et monde supérieur. Les nombreuses amulettes
maintiennent cependant un réseau de correspondances entre l’habitat,
le corps humain, le paysage environnant et une géographie lointaine.
L’espace domestique est ainsi coordonné à l’espace virtuel
constituant un espace hybride figuré sur le tambour et le costume
qui portent en eux une série d’itinéraires potentiels. Les étapes
successives des trajets révèlent une cognition spatiale structurée
tout à fait typique d’une tradition nomade. C’est l’ensemble
de ces différents registres qui forment une technologie de
l’imaginaire et qui permet aux observateurs de penser l’espace
virtuel « où se rencontrent les puissances d’agir du
chamane, des esprits convoqués et des dieux visités. »</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"><b> Le
prix pour la fiancée</b></span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Le
passage d’un chamanisme hétérarchique à un chamanisme
hiérarchique a pu être observé par les ethnologues chez les
Yukaghir, groupe de langue paléo-asiatique et dont les ancêtres
étaient des chasseurs-pêcheurs dominant tout le nord-est sibérien.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> « De
la Léna au Pacifique, les douze tribus yukaghir occupaient un
territoire grand comme la moitié de l’Europe. Pas de seigneurs
cependant pour régner sur leurs territoires à la façon de leurs
voisins iakoutes : les seules figures éminentes douées d’autorité
étaient les “anciens”, les “ grands chasseurs” et les
chamanes. Leur déclin a été d’une brutalité sidérante. À
partir du XVII e siècle, la colonisation russe jointe à l’expansion
des populations d’éleveurs toungouses, iakoutes, puis chukch, a
mené à l’anéantissement ou l’assimilation de la majorité des
tribus yukaghir. Longuement isolés, les Yukaghir étaient moins
immunisés que les populations altaïques en contact depuis l’âge
du Bronze avec les populations méridionales et occidentales, et
furent plus sensibles que les Iakoutes aux virulents pathogènes
amenés par les Russes. D’épouvantables épidémies de variole à
répétition causèrent chez eux jusqu’à 60 % de mortalité. La
disparition du gibier, chassé par les troupeaux de leurs voisins
éleveurs en expansion, provoqua ensuite de terribles famines
réduisant dans certains cas les Yukaghir à l’anthropophagie. Les
Toungouses attaquaient des groupes yukaghir et réduisaient en
esclavage les prisonniers. Au total les Yukaghir ont vu leur
population divisée presque par dix, tombant de 4 500 au XVIIe siècle
à 500 à la fin du XIXe siècle. Leur territoire s’est finalement
réduit au bassin de la Kolyma. Au début du XXe siècle, ils avaient
largement abandonné leur langue au profit des langues toungouse
(even), iakoute, russe et chukch. »</span></div>
</blockquote>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Les
Yukaghir de la toundra ont alors adopté le mode de vie des
Toungouses fondé sur l’élevage de rennes tandis que ceux de la
forêt ont maintenu jusqu’à nos jours une économie basée sur la
pêche, la chasse et la cueillette et demeurent l’une des seules
populations de Sibérie à n’avoir pas adopté l’élevage de
rennes, même pour le transport. Les premiers ont adopté le
chamanisme hiérarchique tandis que les seconds pratiquent encore le
chamanisme hétérarchique. Stepanoff remarque également que les
prestations matrimoniales sont différentes chez ces deux groupes.
Chez les Yukaghir de la forêt, qui pratiquent encore le chamanisme
hétérarchique, le gendre se rend chez la famille de sa fiancée et
aide son beau-père. Le système uxorilocal et le service pour la
fiancée impliquent que le gendre réside dans la maison de ses
beaux-parents et demeure au service des aînés de sa femme tant que
ceux-ci sont en vie. Il doit en particulier remettre tout le produit
de sa chasse à ses beaux-parents qui se chargent de le distribuer.
Sans bétail, ils n’accumulent pas de biens échangeables de sorte
que le fiancé n’a que sa force de travail à offrir en échange
d’une femme.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/null" name="_GoBack"></a>
<span style="color: black;"> Au contraire, chez les Yukaghir éleveurs de
rennes le régime de prestation est un mixte entre celui des Koriak
et Chukch, peuples paléo-asiatiques qui pratiquent encore le service
pour la fiancée, et les peuples altaïques en général qui
pratiquent le prix pour la fiancée. Après un ou trois ans de
service pour la fiancée, un intermédiaire négocie, au nom des
parents et consanguins du prétendant, la valeur du paiement en
rennes qu’ils devront réunir en échange de la jeune femme. Une
fois l’accord passé, elle sera emmenée au campement du jeune
homme avec sa dot. Le prix de la fiancée et celui de la dot
impliquent une négociation et des transferts de biens entre les
parents du fiancé et ceux de la fiancée et donc un investissement
collectif de richesse de la part d’un groupe au bénéfice de l’un
de ses membres.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Il
est remarquable que chez les peuples altaïques l’investiture du
chamane s’accomplisse sous la forme d’un mariage, comme chez les
Shor de l’Altaï :</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> « Quand
un jeune homme, obsédé par les visites d’une fille-esprit dans
ses rêves érotiques (une “fille à sept nattes” ou “ à sept
seins”), est reconnu comme un chamane en devenir, un grand-oncle ou
un grand-père lui fabrique un tambour rituel qui incarnera sa
fiancée céleste. »</span></div>
</blockquote>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Une
relation amoureuse entre chamane et esprit existe aussi chez les
peuples de tradition hétérarchique mais elle n’est pas ritualisée
pour l’intégrer à la communauté. La relation matrimoniale insère
la communauté et brise ainsi la relation dyadique des amants. La
mise en scène du mariage entre esprit et chamane, entre humain et
non-humains, est similaire à un échange transactionnel :</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> « Cette
situation de face-à-face implique de concevoir d’une certaine
manière l’humanité comme un collectif séparé du reste du monde,
même si cette séparation conceptuelle a pour objet de penser une
alliance entre humains et non-humains. »</span></div>
</blockquote>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Le
chamane est redevable à la communauté qui a payé le </span><span style="color: black;"><i>kalym</i></span><span style="color: black;">
(terme turco-mongol qui désigne en Sibérie le prix de la fiancée)
en vue de la négociation matrimoniale. Il y a une appropriation de
la communauté de la relation dyadique.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Chez
les peuples paléo-asiatiques de traditions hétérarchiques, les
Chukch, les Koriak, les Itelmen et les Yupik du Béring, le prix de
la fiancée est exclu. Pendant la durée du service du gendre, c’est
son endurance, son adresse à la chasse et son zèle dans l’élevage
qui sont testés. Le principe de substitution qui permet de payer
pour autrui et d’échanger des biens contre une vie n’existe pas
et ce, malgré le fait que certains Chukch soient riches. Vie et mort
sont liées idéologiquement : un chamanisme typiquement
hétérarchique ne peut envisager la vengeance du sang que par le
sang (wergeld) et le service pour la fiancée, plaçant ainsi le
corps au cœur de la relation : aide physique pour le mariage,
mort physique pour la vengeance.</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"> Au
vu de ce long résumé, il semble bien que la maîtrise de
l’imaginaire, du monde invisible, octroie une certaine aura à un
individu en particulier. La singularité est alors l’apanage du
chamane, ce qui condamne les autres membres de la société à la
peur de l’invisible, à l’anonymat, et induit un appauvrissement
des relations écologiques. Cette prise en otage de l’imaginaire
n’est pas à prendre à la légère. Il y a bien longtemps qu’un
livre ne m’avait fourni autant à ruminer, j’aborderai donc, dans
une seconde partie, les différentes réflexions qu’il m’a
suggérées. </span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<span style="color: black;">_________________________________________________________</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<br /></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<span style="color: black;">
</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"><em>Je me suis entretenue avec <a href="https://ch-stepanoff.blogspot.com/">Charles
Stepanoff </a>autour de son essai </em>Voyager dans l’invisible<em>. Charles
Stepanoff est anthropologue à l’EPHE et auteur de différents
ouvrages sur le chamanisme et les sociétés hybrides.</em></span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"><style type="text/css">
p { margin-bottom: 0.25cm; line-height: 115%; background: transparent }
a:link { color: #000080; so-language: zxx; text-decoration: underline }
em { font-style: italic }</style> </span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi25XC-AE-6E0it1BG-SInWIWD1sfoOG1JAbbfWTMbmhbMd-H-YxicDAb23MzDstApiOuDmeZzUnkRsBR4p6cH18PifPU_EAc0jpHObUcI4DJnWrrbHev3JrKdqqKBIbJ7fAxmLgQhYln4/s1600/chamane-chevauch.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="414" data-original-width="580" height="456" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi25XC-AE-6E0it1BG-SInWIWD1sfoOG1JAbbfWTMbmhbMd-H-YxicDAb23MzDstApiOuDmeZzUnkRsBR4p6cH18PifPU_EAc0jpHObUcI4DJnWrrbHev3JrKdqqKBIbJ7fAxmLgQhYln4/s640/chamane-chevauch.jpg" width="640" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<span style="color: black;"><em>S.D. Maynagashev, Chamane en transe
chevauchant son tambour : adoration de la divinité du feu,
début du xxe siècle</em></span></div>
<style type="text/css">
p { margin-bottom: 0.25cm; line-height: 115%; background: transparent }
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em { font-style: italic }</style></td></tr>
</tbody></table>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<b><span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">
</span></span></b></div>
<div style="break-before: page; line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<b>
</b><span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;"><b>Ana Minski </b>: Vous avez étudié les différentes
techniques de chamanisme chez les peuples d'Asie du nord et de
Sibérie et dans ce cadre distingué deux types de chamanisme : un
chamanisme hétérarchique et un chamanisme hiérarchique. Ces deux
chamanismes se distinguent par l'utilisation de la tente sombre, pour
le premier, de la tente claire pour le second. Dans le cas du
chamanisme hétérarchique, chacun est capable de communiquer avec
les esprits, tandis que chez les peuples pratiquant un chamanisme
hiérarchique, seul le chamane a le pouvoir de communiquer avec les
esprits. Vous envisagez la possibilité que la hiérarchisation
pourrait apparaître à la suite d'une spécialisation dans le
domaine de l'imaginaire. Un individu possède un pouvoir sur les
forces naturelles et devient le seul intermédiaire entre le monde
matériel et le monde virtuel, tous les autres individus dépendant
symboliquement de lui pour régler les problèmes rencontrés avec
les esprits. Déléguer notre pouvoir d'imagination entraînerait
ainsi d'autres hiérarchisations à sa suite.</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">Cette
spécialisation a t-elle des conséquences visibles sur le quotidien
des chamanes et de ceux qui dépendent d'eux pour maintenir un
équilibre entre monde matériel et monde invisible ? Y a-t-il des
activités qui leur sont interdites ou dont ils peuvent se décharger
?</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;"><b>Charles
Stepanoff </b>: Oui, vous résumez très bien la question. La
hiérarchisation des sociétés avec des élites jouissant d’une
position de prestige et de pouvoir leur permettant d’obtenir
l’obéissance, la force physique et parfois la vie des autres
personnes est intrinsèquement liée à la division du travail. Pour
qu’il y ait des soldats, des prêtres, des seigneurs, il faut qu’il
y ait des gens qui acceptent de travailler plus pour les nourrir afin
de leur libérer du temps pour se consacrer à la guerre, à la
religion et à la souveraineté. Dans les sociétés sans hiérarchie
sociale, les fonctions de production, guerre, religion, souveraineté
ne sont pas distribuées de cette manière entre différentes
classes. Elles sont plus ou moins assumées par chaque homme ou
chaque maisonnée. Bien sûr il y a une forme de division du travail
universelle, c’est la division sexuelle du travail qui crée une
dépendance réciproque entre hommes et femmes. Ce qui n’est pas
universel par contre et qu’il faut donc expliquer, c’est la
dépendance entre catégories sociales. Or dans un certain nombre de
sociétés, la seule forme de dépendance sociale de ce type concerne
l’accès à l’invisible qui est de la responsabilité de
spécialistes compétents, les chamanes. Comprendre la division du
travail imaginatif me semble donc crucial pour comprendre la
dynamique de l’émergence de la hiérarchie sociale, car cela en
constitue souvent une des premières étapes. Prenons le cas des
Yukaghir, chez qui l’unique figure présentant des traits
hiérarchiques est le chamane. Son corps reçoit un traitement
particulier après la mort, des morceaux sont conservés comme des
reliques. À mesure que la hiérarchisation s’accentue au cours du
XIXe siècle, les chamanes gagnent un costume et un tambour
particuliers. En revanche ils n’ont pas de signes distinctifs dans
la vie quotidienne. Ils exercent les mêmes activités de chasse,
pêche ou élevage que les autres. Parfois cependant ils peuvent
prétendre à une certaine autorité politique et diplomatique mais
ces cas demeurent exceptionnels et ils ne donnent pas naissance à un
pouvoir stable. </span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><b><span style="color: black; font-size: small;">A</span><span style="color: black; font-size: small;">na
Minski</span></b><span style="color: black; font-size: small;"> : Un lien existe-t-il entre
chamanisme et agriculture, chamanisme et domestication, chamanisme et
domination masculine comme l'affirme Shepard : </span></span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">« Le chamane n'a fait
son apparition que bien plus tard. Il incarnait la crainte que les
agriculteurs avaient des mauvais esprits et des malédictions, et il
fit son apparition conjointement à l'usage de stupéfiant, à la
progression de la domination masculine dans la société, à
l'exploitation des animaux domestiques (et en particulier du cheval)
comme auxiliaire de l'homme, et à l'évolution des peuples
sédentaires qui étaient passés d'une participation égalitaire au
statut de simple spectateur. » (</span><span style="color: black; font-size: small;"><i>Retour
aux sources du Pléistocène)</i></span></span></div>
</blockquote>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<b><span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></b>
</div>
<b><span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span></b><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;"><b>Charles
Stepanoff</b> : Les grandes traditions chamaniques des peuples de
l’Arctique, de l’Amazonie, ou de l’Australie n’ont rien à
voir avec l’agriculture ou avec la domestication du cheval. Le
chamanisme n’est vraiment pas typique des sociétés agricoles, on
le décrit plutôt chez des chasseurs-cueilleurs, des pasteurs
nomades et des horticulteurs itinérants. Cette citation de Shepard a
autant de sens que d’affirmer que les Suisses ont inventé la
navigation maritime, mais c’est en général un auteur qui aime les
formules fantaisistes issues de ses intuitions personnelles. En
l’occurrence il a mal compris les travaux d’Esther Jacobson sur
l’archéologie des traditions religieuses d’Asie intérieure,
elle-même fortement influencée par certaines théories marxistes
évolutionnistes de l’archéologie soviétique décrivant le
passage du communisme primitif au clanisme. Il réinterprète ces
travaux dans le cadre de sa vision moralisatrice et eschatologique de
la révolution néolithique. Toutes sortes de plaies du monde
occidental moderne lui apparaissent en germe dans le Néolithique, ce
qui l’amène à regarder cette période comme le reflet, le
présage, de notre époque à nous, au lieu de s’intéresser aux
temporalités et aux dynamiques propres des sociétés du passé.
L’idée de Shepard que la domestication des plantes et des animaux
serait source du patriarcat et d’une guerre de l’humain contre la
nature est démentie par mille exemples à travers le monde, il
suffit de songer aux horticulteurs amazoniens, aux pasteurs sibériens
ou africains, aux agriculteurs autochtones nord-américains et aux
chasseurs-cueilleurs du monde entier qui possèdent tous des chiens.
La domestication n’implique aucune forme déterminée
d’organisation sociale ou de cosmologie, c’est au contraire
chaque société qui donne un sens particulier à ses relations au
vivant domestique. Il est erroné d’opposer terme à terme le
Pléistocène comme âge d’or de la nature sauvage de l’homme et
l’Holocène période des domestications et des aliénations :
la seule espèce domestique présente dans toutes les sociétés
humaines est le chien, un animal domestiqué au cours du Pléistocène,
bien avant le Néolithique. Chercher dans le passé le visage du
présent, comme le fait Shepard, c’est ériger l’anachronisme en
méthode, une approche très séduisante car elle transforme
l’histoire du monde en destin, mais très éloignée des méthodes
des sciences sociales. Je trouve beaucoup plus riche et dépaysant de
se reconnaître ignorant et d’écouter ce que la recherche
archéologique et anthropologique nous fait découvrir tous les
jours. </span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">
</span><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;"><b>Ana
Minski</b> : « Ces techniques sont des outils d'exploration des
subjectivités animales, des arbres et des montagnes. Elles
permettent d'explorer l'invisible où demeure la dimension
intentionnelle du milieu vivant. » Dans notre culture, dès que
nous envisageons une subjectivité animale nous sommes accusés
d'anthropomorphisme, prêter des intentions ou des émotions aux
autres espèces est de l'ordre de la lubie voire de la sottise. Seul
le domaine de l'imaginaire est autorisé à octroyer des émotions,
des pensées, des intentionnalités aux autres espèces. La valeur
sociale de l'imaginaire est réduite à un secteur bien spécifique :
les œuvres d'imagination qu'il serait dangereux de confondre avec la
réalité. Ainsi, la subjectivité est différente et inférieure à
l'objectivité dans la connaissance du monde. Pourtant, comme vous le
démontrez tout au long de votre essai, la complémentarité entre
subjectif et objectif, imaginaire et réalité, la non-opposition de
ces deux aspects de l'esprit humain, est d'une importance capitale
pour se situer dans le monde et plus particulièrement développer
notre empathie. Cette empathie serait née, selon vous, de notre
condition de chasseur. Pensez-vous, comme l'écrit Shepard, que c'est
parce que la chasse « confronte le chasseur aux problèmes
émotionnels et philosophiques intenses que suggèrent l'acte de tuer
et la confrontation avec sa propre mort » ?</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">Les
chamanes sont-ils toujours des chasseurs ? Est-il possible d'observer
des différences dans la perception des autres espèces selon le
chamanisme pratiqué ?</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<b><span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></b>
</div>
<b><span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span></b><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;"><b>Charles
Stepanoff</b> :</span><span style="color: black; font-size: small;"> L’attitude des
sociétés occidentales modernes face aux animaux est complexe,
marquée par une distinction radicale entre trois catégories :
animal sauvage, animal de rente et animal de compagnie. La
subjectivité et la sensibilité de l’animal sont des sujets tout à
fait sérieux et légitimes chez nous s’il s’agit de l’animal
de compagnie. C’est la fonction première des animaux de compagnie
que d’être une source d’affects. L’économie de l’animal
support d’affect est considérable. </span><span style="color: black; font-size: small;">Aux
États-Unis, le marché de l’animal de compagnie est passé de 40
milliards de dollars en 2007 à près de 80 milliards en 2019, près
de 300 fois le budget de l’État de la Somalie. Or ce qui est très
frappant, c’est la séparation entre les animaux à qui nous
demandons des affects et ceux à qui nous demandons de la viande. La
frontière est pourtant totalement arbitraire : pourquoi
demandons-nous des affects au cochon d’Inde alors que les Andins
qui l’ont domestiqué lui demandent de la viande ? Dans les
sociétés nord-asiatiques, on attend de la viande et des affects
d’un même animal, on ne sépare pas comme nous les animaux-sujets
des animaux-matière. On mange des animaux tout en les respectant et
en leur reconnaissant une âme. Contrairement aux schémas simplistes
de Shepard qui oppose terme à terme chasse et élevage, ceci vaut
aussi bien pour le chasseur qui tue un ours en honorant son crâne
que pour l’éleveur qui tue un mouton en s’excusant auprès de
lui, puisque ce chasseur et cet éleveur sont la même personne. La
plupart des éleveurs sont aussi chasseurs en Asie du nord. Les
chamanes ne sont pas toujours chasseurs, puisqu’il y a beaucoup de
femmes chamanes et les femmes chassent rarement. </span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><b><span style="color: black; font-size: small;">A</span></b><span style="color: black; font-size: small;"><b>na
Minski</b> :</span><span style="color: black; font-size: small;"> Une théorie sur la
naissance de l'art accorde également une grande importance à la
chasse. La lecture des empreintes animales aurait été à l'origine
de l'art. Cette importance accordée à la chasse ne participe-t-elle
pas à ce que Ursula K. Le Guin, dans son court essai </span><span style="color: black; font-size: small;"><i>La
théorie de la fiction-panier</i></span><span style="color: black; font-size: small;">,
expose, c'est-à-dire l'importance des récits de chasse, plus
spectaculaires que les récits de cueillettes, dans le développement
d'une société hiérarchisée et patriarcale ? Non pas parce
que la femme n'aurait jamais chassé, mais parce que le chasseur,
devenu guerrier, valoriserait des qualités dites masculines.</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">Qu'en
est-il dans les sociétés que vous avez étudiées ? La cueillette
est-elle présente dans les récits, l'agentivité du paysage, de la
flore est-elle représentée d'une manière ou d'une autre ?
Existe t-il une asymétrie des genres plus ou moins marquée selon le
chamanisme pratiqué ?</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;"><b>Charles
Stepanoff</b> : Dans le monde septentrional, la diversité végétale
est très réduite par rapport aux forêts tropicales. Il y a cent
fois moins d’espèces d’arbres au km² dans la taïga que dans la
forêt amazonienne. Plus on va vers le nord, plus la part du végétal
est réduite dans l’alimentation. Dans ces conditions, il n’est
pas surprenant que le chamanisme sibérien accorde beaucoup moins
d’importance aux esprits des plantes que le chamanisme amazonien.
Cependant les arbres chamaniques, bouleaux ou mélèzes, ont un rôle
considérable dans les pratiques rituelles : ils font le lien
entre les hommes et les esprits des lieux.</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">La
question des asymétries de genre selon le type de chamanisme est
complexe et n’appelle pas de réponse univoque. D’un point de vue
évolutionniste inspiré d’Engels, on aurait tendance à penser que
plus une société est hiérarchisée, moins les femmes ont de
pouvoir dans l’invisible. Or dans les sociétés aristocratiques et
patrilinéaires des steppes, le chamanisme est une institution
subversive qui enfreint l’ordre dominant. Les chamanes peuvent y
être plus souvent des femmes que dans les sociétés de
chasseurs-cueilleurs. En tout cas l’asymétrie de genre me semble
être un instrument pour penser la topologie cosmique dans toutes les
formes de chamanisme. Les inversions de sexe représentées par les
pratiques de travestissement chez les sociétés hétérarchiques,
quand un chamane homme devient femme et inversement, sont précisément
fondées sur les asymétries entre les fonctions, les obligations et
les vêtements des hommes et des femmes. Ce renversement les rend
terrifiants pour leur entourage, précisément parce que l’asymétrie
de genre a une résonance cosmique. </span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><b><span style="color: black; font-size: small;">A</span><span style="color: black; font-size: small;">na
Minski</span></b><span style="color: black; font-size: small;"> : Le besoin de « stockage
symbolique externe », que vous définissez comme « la
nécessité d’enfermer ses mondes virtuels, probablement très
riches, dans des artéfacts », commencerait à partir de 40 000
ans, au Paléolithique supérieur, avec la représentation
figurative. À Blombos une plaquette gravée de croisillons, datée
de 70 000 ans, a été mise au jour. Des tracés géométriques
rythmés voire même les bifaces sont considérés par certains
archéologues comme les premières formes d'art ou du moins comme les
premières représentations symboliques, ce qui reculerait
l'apparition des comportements dits modernes (art et écriture) au
Paléolithique ancien, à </span><span style="color: black; font-size: small;"><i>Homo
erectus</i></span><span style="color: black; font-size: small;">. Pourquoi ne pas tenir
compte de ces tailles ou tracés rythmés et symétriques, et
considérer la représentation figurative comme une rupture dans
notre rapport au monde, à l'invisible et aux autres espèces ? Les
peuples qui pratiquent un chamanisme hiérarchique ont-ils un
stockage symbolique plus important que celui des peuples
hétérarchiques ? Les représentations symboliques sont-elles plus
figuratives chez les uns ou les autres ? Cette différence, si elle
existe, est-elle d'ordre quantitatif ou figuratif ?</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;"><b>Charles
Stepanoff </b>: Les tracés géométriques du Paléolithique moyen
sont en effet connus : Leroi-Gourhan parlait à leur sujet de
« période préfigurative ». Ces tracés sont très
énigmatiques et il est vrai que l’on peut les considérer comme
des traces matérielles de stockage symbolique externe, mais sur un
mode très différent de l’art figuratif. Gardons en tête la
problématique de Leroi-Gourhan, celle du lien entre graphisme et
parole, qu’il synthétise dans la notion de « mythogramme »
(parole – graphisme). Dans l’ethnographie, on sait que de tels
tracés peuvent être utilisés par exemple pour enregistrer une
succession de chants. Ils ont pour but d’aider à la mémorisation
d’une séquence rythmée, mais ils ne peuvent pas avoir d’effet
précis sur le contenu de l’imagerie mentale. Un même signe, le
trait, renvoie à un ours, un héros, ou un arbre. La visualisation
mentale n’est pas déterminée par le signe, on est dans de
l’imagination largement exploratoire plutôt que guidée. En
revanche quand le chant rituel est accompagné de figures peintes ou
gravées, le signe iconique met d’une certaine manière l’imagerie
mentale sur des rails, en tout cas il lui ouvre des pistes.
L’apparition de la figure et sa généralisation est donc une
innovation intéressante du point de vue de la question des rapports
entre visible et invisible. </span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">Dans
ce livre je propose un lien entre hiérarchie et abondance des
images. Effectivement les chamanes hiérarchiques sont bourrés
d’images, ils portent un costume qui peut peser trente ou quarante
kilos de figurines. Au contraire les chamanes hétérarchiques
portent un costume sans images, ou officient à moitié nus ; de
toute façon, ils sont dans le noir. Leur iconographie est
principalement mentale, onirique, elle se situe dans l’invisible.
L’enjeu demeure l’invisible dans le chamanisme hiérarchique,
mais le visible est mis à contribution pour y accéder. Il s’agit
de permettre l’apprentissage et la stabilisation d’une
cosmographie partagée que l’on veut éternelle. Le graphisme
figuratif n’est qu’un des outils de cette stabilisation, il
accompagne des techniques prosodiques qui favorisent la mémorisation
des chants rituels décrivant le paysage de l’invisible. Les images
matérielles sont un des moyens de fixer les images mentales. Toute
la question est : pourquoi à certains moments, certaines
sociétés décident qu’il est nécessaire de les fixer ? </span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<b><span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></b>
</div>
<b><span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span></b><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><b><span style="color: black; font-size: small;">A</span><span style="color: black; font-size: small;">na
Minski</span></b><span style="color: black; font-size: small;"> : Vous comparez le voyage
chamanique à un itinéraire cosmique, au voyage d'Orphée, plus
qu'un temps il s'agirait d'un espace, d'une autre dimension de la
réalité. Ce rapport à l'espace et la comparaison avec le mythe
Orphée sont remarquables, les chamanes Tuva, par exemple, pouvaient
se rendre, avant la colonisation, au pays des morts. Annie Lebrun,
dans son ouvrage sur le romantisme noir, </span><span style="color: black; font-size: small;"><i>Les
châteaux de la subversion</i></span><span style="color: black; font-size: small;">, écrit
: « L'imaginaire est aux abois à trop céder au terrorisme du
réel. Il s'arrête devant les objets, au lieu de les emprunter comme
autant de passages dérobés dans la foule des apparences. ».
Elle se révolte contre l'obsession de notre culture pour les
archives et la sauvegarde du patrimoine, stockage symbolique
hautement cumulatif, et réhabilite le goût du romantisme noir pour
les ruines et les lieux abandonnés qui, bien plus qu'un choix
esthétique, est une expérience du monde, la reconnaissance de la
richesse émotionnelle qu'offre l'éphémère.</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">L'espace
que parcourt le chamane implique un rapport au temps et à la mort,
qu'en est-il exactement ? Que pensez-vous de cette affirmation
de Shepard : « La "pensée sauvage" appréhende le
monde comme une totalité à la fois présente et passée, dans toute
sa multiplicité et sa complexité. » (</span><span style="color: black; font-size: small;"><i>Retour
au Pléistocène) </i></span><span style="color: black; font-size: small;">?</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;"><b>Charles
Stepanoff</b> : De mon point de vue, l’opposition entre
« l’imaginaire » et le « terrorisme du réel »
est très caractéristique de ce dualisme ontologique qui a mené les
Occidentaux à croire que l’imagination nous éloigne du réel.
C’est une croyance absurde qui n’est pas partagée par les autres
populations humaines. Sans imagination nous serions incapables de
communiquer avec nos semblables, de faire des plans dans l’avenir
et de les partager et de comprendre notre univers. Nous ne serions
pas des humains. </span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">Il
y a une chose que j’ai mis beaucoup de temps à saisir et qui me
semble importante dans la notion de voyage chamanique : le
rapport à l’espace et au temps ne s’articule pas de la même
manière que chez nous. Nous imaginons assez facilement l’espace et
le temps comme des réalités abstraites, séparables, comme des
« dimensions », des axes d’un graphique. On pourrait se
déplacer dans l’espace sans temps et dans le temps sans espace. Or
pour les traditions chamaniques voyager dans l’espace prend du
temps et voyager dans le temps prend de l’espace. Précisément
parce qu’un voyage mental est un voyage réel.</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">C’est
une différence qui m’a frappé lorsque j’ai participé à des
séances de chamanisme en France. Les participants, tous Français,
voyageaient fermant les yeux et ils disaient se projeter
instantanément au Machu Picchu ou aux pyramides d’Égypte. Or les
chamanes sibériens, lorsqu’ils accomplissent un voyage de l’âme
vers une destination lointaine, suivent une série d’étapes. Plus
le lieu est éloigné, plus ces étapes seront nombreuses. </span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">Voyager
dans l’espace prend du temps et réciproquement voyager dans le
temps prend de l’espace. Pour nous les pratiques divinatoires
peuvent être instantanées : le devin « voit » le
futur. Or pour les chamanes de Sibérie, voir ce que sera l’hiver
implique de monter haut dans le ciel. Plus vous montez haut, plus
vous voyez loin l’avenir qui se prépare. </span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">Ces
faits sont certainement à mettre en rapport avec les perceptions de
l’espace-temps des peuples nomades et semi-nomades. Les distances
ne sont pas exprimées en unités spatiales comme des kilomètres,
mais temporelles : une « station » est la distance
parcourue en une journée. On peut mesurer une distance en « haltes
de rennes » : c’est-à-dire le temps entre deux pauses
nécessaires aux rennes pour uriner. Si nous mesurions les voyages en
car en nombre de pauses-pipi, plutôt qu’en kilomètres ou en
heures, nous aurions une perception beaucoup plus corporelle de
l’espace-temps. </span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;"><b>Ana
Minski</b> : </span></span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">« André Leroi-Gourhan observait que chaque nouveau
médium figuratif nourrit et guide de façon plus étroite
l’imaginaire individuel. Alors que les animaux de la grotte de
Lascaux ouvrent pour qui les regarde un large champ de scènes
imaginaires possibles, devant un film de cinéma, la "marge
d’interprétation personnelle" est réduite à l’extrême,
laissant le spectateur "hors de toute possibilité
d’intervention active" ».</span></span></div>
</blockquote>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">Pourtant,
il semble que le cinéma, contrairement à ce qu'affirme André
Leroi-Gourhan, puisse permettre de développer l'imagination active.
Bien plus que le medium, ce qui véritablement entre en jeu est
l'intention de celui qui explore ce medium. « Il faut laisser à
l’insaisissable sa part », écrit Philippe Jaccottet, </span><span style="color: black; font-size: small;"><b>« </b></span><span style="color: black; font-size: small;">moins
on comprend plus on imagine. On n'imagine que de l'inconnu. »,
écrit Elias Canetti. Ou enfin cette déclaration de Chantal Akerman
: </span><span style="color: black; font-size: small;"><b> </b></span></span></div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;"><b>« </b></span><span style="color: black; font-size: small;">Il
est important que le spectateur ne soit pas avalé par la chose mais
existe d’autant plus par lui-même. Je crois que c’est Barthes
qui disait qu’en lisant on réécrivait aussi. En tous cas c’est
l’idée : je fais des films non pour que les spectateurs se
retrouvent à ma place, mais pour que chacun puisse y trouver sa
place propre, à côté de la mienne, ou ailleurs. Et c’est vrai
que dans </span><span style="font-size: small;"><em><span style="color: black;">Là-bas</span></em><span style="color: black;">,
j’ai un peu le sentiment de prendre le spectateur avec moi au
milieu des bruits et de la vie quotidienne. »</span></span></span></div>
</blockquote>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><span style="color: black;">C'est ainsi
qu'un film comme </span><span style="color: black;"><i>Shining</i></span><span style="color: black;">,
par exemple, stimule l'imagination du spectateur bien plus qu'il ne
la contrôle ou la conduit, comme le documentaire </span><span style="color: black;"><i>Room
237</i></span><span style="color: black;"> en témoigne. Dans votre ouvrage
vous distinguez l'imagination active et exploratoire, de
l'imagination contemplative et guidée. Le chamanisme hétérarchique
privilégie l'imagination active à la différence du chamanisme
hiérarchique qui privilégie une imagination contemplative, le
chamane étant le chef d'orchestre.</span></span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">Lorsque
le chamane partage ses découvertes, ses voyages, les contrées
visitées, les habitants rencontrés à son auditoire, ne
participe-t-il pas d'une certaine manière à la stimulation de
l'imaginaire de son auditoire ? Les contes et récits ne
participent-ils pas à créer, chez les peuples au chamanisme
hétérarchique, un imaginaire commun ? Quelles sont les parts
accordées à l'individuel et au collectif ?</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;"><b>Charles
Stepanoff</b> : Tout exercice de l’imagination est actif,
l’imagination est une activité, seul un cerveau mort est inactif.
Quand je distingue l’imagination « agentive » (et non
« active ») de l’imagination « contemplative »,
je prends un critère précis qui est le rapport du sujet au contenu
de ce qu’il imagine. Quand vous regardez un film, vous êtes actif,
votre cerveau travaille, vous plongez dans une histoire, vous vivez
les émotions des personnages, mais pour autant vous n’êtes pas un
agent dans l’histoire, vous ne pouvez pas prendre la parole, aider
un personnage en lui révélant un danger. Votre imagination est
contemplative et non agentive. Les choses sont différentes dans des
formes archaïques de spectacles où les spectateurs participent, et
comme souvent ces archaïsmes se conservent dans des institutions
enfantines comme le guignol. Les enfants peuvent prévenir Guignol
d’un danger, ils crient : « Guignol, derrière toi ! »
et Guignol répond : « Où ça ? ». C’est
pourquoi je préfère le guignol au cinéma. Ensuite les enfants
apprennent à ne plus agir ainsi dans les spectacles pour grands.
Aujourd’hui quelqu’un qui interviendrait dans une pièce de
théâtre ou au cinéma serait mis dehors. Mais en Inde, j’ai
assisté à des séances de cinéma où les gens encourageaient les
acteurs, les applaudissaient et les huaient. Ce rapport non
discipliné au cinéma mobilisait une imagination agentive. J’ai
aussi assisté à des projections de films de Chantal Akerman dans le
quartier latin, le public est sans doute actif à sa manière, mais
d’une façon beaucoup plus discrète.</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">De
même dans les rituels chamaniques, les gens peuvent avoir un rôle
plus ou moins actif. Ils peuvent être les principaux agents dans
certains rituels hétérarchiques, ou au contraire être uniquement
spectateurs de l’action dans les dispositifs hiérarchiques. Mais
même comme spectateurs, ils ne sont pas inactifs : ils suivent
l’action, ce qui demande un grand effort mental car on n’est pas
au cinéma, parfois ils encouragent le chamane, ils répètent ses
chants. Mais en contexte hiérarchique, ils ne sont pas censés être
eux-mêmes des héros de l’action.</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<b><span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></b>
</div>
<b><span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span></b><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;"><b>Ana
Minski</b> : Vous remarquez une similitude entre l’organisation
picturale du tambour et l’organisation interne de la yourte :
« l’axe haut-bas du tambour a pour équivalent dans la yourte
l’axe sud-ouest/nord-est avec les oppositions communes :
céleste/souterrain, sec/humide, clair/obscur. »</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">L’espace
du tambour et celui de la yourte semblent mettre en lumière une
opposition ou une complémentarité entre animaux domestiques et
animaux sauvages, steppe et taïga, correspondant à un contraste
entre dextre-côté masculin et senestre-côté féminin.</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><blockquote class="tr_bq">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">« Tandis
que l’ours est un être « d’en haut » pour les Nivkh, il est
lié au monde « d’en bas » pour les gens de l’Altaï-Saïan.
Alors que les restes de l’ours sont installés dans le coin
d’honneur de l’habitation pendant la fête nivkh, ils sont placés
dans la zone la moins prestigieuse de la maison dans l’Altaï-Saïan.
De plus, dans la maison comme sur le tambour, l’ours n’apparaît
nullement en tant qu’individu particulier. Son image n’est pas
singularisée sur les tambours : il s’agit d’un stéréotype
faisant office de symbole pris dans un réseau ordonné d’évocations.
L’image renvoie à autre chose qu’à l’ours lui-même : au dieu
des enfers, à la nuit, à la féminité. »</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span></blockquote>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">Ces
différents contrastes sont-ils fondés sur le dualisme
masculin/féminin, sont-ils aussi présents dans le chamanisme
hétérarchique ou sont-ils étroitement liés à une ontologie
analogique, à une vision holiste du monde ?</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">La
fabrication du tambour chez les peuples à tradition hiérarchique
nécessite l’intervention d’un spécialiste : le forgeron.
« Costume et tambour dans les traditions hiérarchiques
contiennent des éléments de fer ou de bronze, or le métal est
coûteux et le travail du forgeron doit être rémunéré, ce qui
implique l’investissement d’une communauté. »</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">La
technologie employée – extraction et travail du métal –
n’implique-t-elle pas une spécialisation bien plus importante ?</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;"><b>Charles
Stepanoff</b> : L’orchestration de ces différents dualismes,
masculin-féminin, diurne-nocturne, amont-aval en une seule symphonie
est tout à fait particulière aux traditions hiérarchiques et
analogiques. Cela ne signifie pas pour autant que ces dualismes
soient absents des autres traditions. </span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">Le
travail du forgeron est effectivement la deuxième spécialisation la
plus commune en Asie du nord après celle de chamane. Elle est fondée
sur la possession de matériel de forge mais aussi la maîtrise de
certains esprits dont la transmission est patrilinéaire alors que la
fonction de chamane est mixte. La métallurgie n’est pas
nécessairement maîtrisée : les forgerons peuvent tout à fait
travailler du métal obtenu d’autres populations par voies
d’échanges sans qu’ils aient la moindre idée de la façon dont
on extrait du minerai. Certains groupes travaillent simplement les
métaux à froid par martelage sans forge. Le travail du métal
n’implique donc pas toujours une grande spécialisation. Par
ailleurs le forgeron a un statut moins répandu et moins considérable
que celui de chamane hiérarchique et je pense que c’est parce
qu’il n’a pas de rôle communautaire. Le chamane hiérarchique
est hiérarchique parce que la communauté dépend de lui en tant que
communauté : il assure le bonheur du groupe. En revanche, le
forgeron répond à des commandes individuelles. </span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<b><span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></b>
</div>
<b><span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span></b><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><b><span style="color: black; font-size: small;">A</span><span style="color: black; font-size: small;">na
Minski</span></b><span style="color: black; font-size: small;"> : Le prix de la fiancée est
privilégié dans le cas des sociétés à chamanisme hiérarchique.
Claude Lévi-Strauss, dans </span><span style="color: black; font-size: small;"><i>Les
Structures élémentaires de la parenté, </i></span><span style="color: black; font-size: small;">écrivait</span><span style="color: black; font-size: small;"><i> </i></span><span style="color: black; font-size: small;">:
«</span><span style="color: black; font-size: small;"><i> </i></span><span style="color: black; font-size: small;">il
en est donc des femmes comme de la monnaie d’échange dont elles
portent souvent le nom » insistant sur le lien symbolique
existant entre les règles de l’exogamie et la mise à disposition
du corps des femmes dans l’économie des sociétés dites
primitives. L’abandon du service à la personne au profit d’un
prix de la fiancée peut-il être envisagé comme une première
rupture importante dans les relations entre différents clans et une
première forme symbolique de « monnaie » ?</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;"><b>Charles
Stepanoff</b> : Oui tout à fait, les monnaies primitives ont
généralement pour rôle de solder des obligations sociales comme le
paiement des prestations matrimoniales ou des compensations pour
meurtre. C’est le cas en Sibérie comme en Mélanésie. Il est
clair que les femmes perdent une grande part de leur possibilité
d’intervenir dans le choix de leur époux lorsqu’est adopté le
principe du prix de la fiancée. La transaction est une négociation
entre des clans, pas entre les fiancés, elle peut se conclure
pendant l’enfance des futurs époux à leur insu et même avant
leur naissance. Ces arrangements sont légitimés idéologiquement
par la notion d’époux prédestiné. </span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">
</span><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;"><b>Ana
Minski</b> : </span></span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">« En parcourant l’Asie du Nord, nous nous
sommes aperçus que l’une des pratiques les plus répandues des
chamanes consiste à se transpercer le corps. Ils donnent ainsi à
voir que leur corps est spongieux, perméable, ouvert à l’invisible,
rendant possible le double mouvement centripète et centrifuge du
rituel chamanique. » </span></span></div>
</blockquote>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">Le chamane est donc celui dont le corps
est ouvert. Cette porosité seul le chamane est capable de la
supporter, pour le profane elle met en danger le fragile équilibre
du monde domestique. Chez les Evenki, par exemple, des rennes
domestiques sont sacrifiés en échange des âmes de gibier que le
chamane est parvenu à négocier avec « la maîtresse du
monde », mère du gibier. Plus significatif peut-être,
l’ouverture du «<i> haacha </i>» chez les Tuva qui met
en danger le groupe domestique dans son ensemble : famille et
troupeau.</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">Ne
peut-on y voir une certaine forme d’opposition entre sauvage et
domestique ? La peur du « sauvage », ce qui
s’éloigne de la sphère domestique, ne permet-elle pas au chamane
de conserver sa position ?</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">Cette
ouverture du corps du chamane me fait penser à ces vers de Rilke :</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><blockquote class="tr_bq">
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">« De
tous ses yeux la créature<br />
voit l'Ouvert. Seuls nos
yeux<br />
sont comme retournés et posés autour d'elle<br />
tels des
pièges pour encercler sa libre issue.<br />
Ce qui est au-dehors nous
ne le connaissons<br />
que par les yeux de l'animal. Car dès
l'enfance<br />
on nous retourne et nous contraint à voir
l'envers,<br />
les apparences, non l'ouvert, qui dans la vue<br />
de
l'animal est si profond. Libre de mort. »</span></span></div>
</blockquote>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">Le
chamane est celui qui conduit les rites funéraires, qui peut voyager
et discuter en face à face avec l’esprit des morts, les
différentes forces qui circulent dans le monde ouvert. Voyez-vous
une différence significative dans ces rituels entre les deux
chamanismes que vous avez étudiés ?</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">Enfin,
dans les traditions hiérarchiques les rêves-visites sont
interprétés par le chamane, qu’en est-il chez les peuples de
tradition hétérarchique ? Tobie Nathan écrit que « le
monde issu du rêve aura la couleur de l’interprète. Ainsi le rêve
laisse-t-il entendre à notre philosophie que la nature la plus
profonde, la plus secrète d’une personne donnée réside dans une
autre. » Bien choisir l’interprète de nos rêves est crucial
tout comme l’interprétation des rêves par un autre que soi est
fondamentale pour créer une subjectivité unique. N’y a-t-il pas
un peu de cela dans cette opposition entre le corps ouvert du chamane
et les « gens simples », « bêtes »,
« esclaves » ? Une opposition entre une singularité
et un « quiconque », une tension entre le collectif et
l’individu ?</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;"><b>Charles
Stepanoff </b>: L’ouverture du corps chamanique est un trait
général que l’on retrouve dans toutes les traditions sibériennes,
mais aussi au-delà en Amazonie ou en Australie. C’est une
ouverture à l’invisible, pas seulement au sauvage par opposition
au domestique, un contraste qui n’est pas très pertinent en dehors
des sociétés occidentales comme l’a montré Philippe Descola. Par
exemple les chamanes ont en charge l’entretien de l’esprit du feu
dans la maison, un esprit éminemment domestique. </span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span>
</div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;"><b>Ana
Minski</b> : La théorie de l’art du Paléolithique européen
comme art chamanique s’inspirait des phénomènes entoptiques,
phénomènes hallucinatoires générant des signes abstraits tels que
des spirales. Les quelques thérianthropes peints représentant alors
des chamanes en action. Malgré de nombreux points discutables, et
plus particulièrement le fait que sous la plume de ces auteurs le
chamanisme est un fourre-tout, il est remarquable que
l’anthropomorphe de la grotte de Pech Merle (panneau de « l’homme
dit blessé ») ait été peint transpercé de flèches. Les
animaux figurés sont aussi très singuliers, ils ne semblent pas
présenter des archétypes mais des individus. Dans sa thèse
soutenue il y a quelques temps, Clément Birouste conclut :
« L'art pariétal du Magdalénien moyen nous a finalement
semblé donner à voir un réseau de subjectivités, au sein duquel
chaque jalon est constitué par un individu appartenant à une
espèce. La mise en place d'un tel système paraît particulièrement
caractéristique d'un régime ontologique animiste et montre de
nombreuses incompatibilités avec les autres régimes ontologiques,
dans la mesure où il pointe des individus animaux qui partagent un
même statut et constituent des centres d'intentionnalités divers
définis par la forme de leur corps et les agissements
caractéristiques de leur espèce. » L’analyse des vestiges
osseux permet également d’identifier des rites de boucheries
comparables aux rites animistes pratiqués pour séparer la viande de
l’âme afin que cette dernière rejoigne le continuum des
intériorités. Ces peuples étaient encore des chasseurs-cueilleurs
nomades ou semi-sédentaires et, s’il est absurde de projeter sur
toutes les périodes du paléolithique une conception animiste du
monde, les moyens de subsistance peuvent-ils modifier suffisamment
notre rapport au monde pour en modifier la cosmologie ? Dans sa
thèse, Carole Dudognon, qui étudie la représentation des camélidés
dans les Andes avant et après la domestication conclut : « Chez
les chasseurs, l’homme est en général de petite taille et
dépourvu de détails face à un animal beaucoup plus grand que lui,
tandis que chez les éleveurs, l’homme est souvent plus grand que
les animaux qui l’entourent et il est pourvu de détails
anatomiques et d’éléments distinctifs (armes, parure, coiffe).
Cela montre que l’image de l’homme devient dominante au fur et à
mesure qu’il maîtrise techniquement l’animal. En marge des
dispositifs techniques qui se mettent en place avec la domestication
animale, nous voyons que l’évolution des rapports entre l’homme
et l’animal modifie la construction des représentations psychiques
homme/animal et probablement aussi les relations sociales entre les
hommes. »</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;">Que
pensez-vous du rôle de la domestication dans l’émergence de la
figure humaine dans l’art pariétal ? Pensez-vous qu’elle
coïncide avec une vision analogique ou holiste du monde ?</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<b><span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></b>
</div>
<b><span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small;">
</span></span></b><div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="color: black; font-size: small;"><b>Charles
Stepanoff </b>: C’est une question fascinante qui a suscité de
nombreuses hypothèses depuis le XIXe siècle et il faut reconnaître
que notre regard est très orienté par les grands récits
structurants comme ceux de Morgan, Engels, Childe. Ces récits jouent
véritablement dans nos sociétés le rôle de mythes fondateurs. Ils
sont parfois confirmés par les données archéologiques, parfois
contredits et demandent l’élaboration d’hypothèses plus fines.
En Sibérie, il y a un tournant fort dans l’art pariétal au
Néolithique (qui n’implique pas la domestication dans cette
région), avec l’apparition de scènes narratives qui n’étaient
pas présentes au Paléolithique. Des scènes de chasse et
d’accouplement d’humains avec des animaux sont visibles. Mais
l’animal, l’élan, demeure la figure majeure, exécutée avec le
plus de soin et avec les plus grandes dimensions. Or à partir de
l’âge du Bronze dans la région du Baïkal, on assiste à un
changement profond qui laisse deviner une révolution cosmologique.
Nous voyons des organisations cosmiques ordonnées et l’humain
devient une figure centrale. Le style rayon-X autrefois réservé aux
animaux s’applique désormais à l’humain dans des figures à
squelettes apparents qui font penser aux chamanes modernes. Or tout
ceci se joue chez des chasseurs-cueilleurs deux millénaires avant
l’apparition de l’élevage. Il n’y a pas de raison de voir les
chasseurs-cueilleurs comme des gens partageant une cosmologie unique
et immuable, ce serait réhabiliter l’idée d’un monde sauvage
primitif. La domestication n’est pas non plus un phénomène
homogène qui entraînerait mécaniquement l’adoption de telle ou
telle ontologie. Tous les groupes humains ont un animal domestique,
le chien, cela n’implique nullement qu’ils nourrissent tous le
même type de rapport au vivant. Il faut plutôt s’interroger sur
certains grands changements qui interviennent au sein des sociétés
de chasse-cueillette et préparent l’adoption ou non de l’élevage
et de l’agriculture. </span></span>
</div>
<div align="justify" style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="justify" style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black;"><em>
</em></span><br />
</div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"><style type="text/css">
p { margin-bottom: 0.25cm; line-height: 115%; background: transparent }
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</div>
<div style="text-align: justify;">
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<div style="left: -99999px; position: absolute;">
<div align="center">
<span style="color: black;">« On l’a presque oublié : l’imaginaire, comme l’amour, se perd ou se gagne. »</span></div>
<div align="center">
<span style="color: black;">(Annie Le Brun, <i>Les châteaux de la subversion</i>)</span></div>
</div>
<div style="left: -99999px; position: absolute;">
<div align="center">
<span style="color: black;">« On l’a presque oublié : l’imaginaire, comme l’amour, se perd ou se gagne. »</span></div>
<div align="center">
<span style="color: black;">(Annie Le Brun, <i>Les châteaux de la subversion</i>)</span></div>
</div>
<div style="left: -99999px; position: absolute;">
<div align="center">
<span style="color: black;">« On l’a presque oublié : l’imaginaire, comme l’amour, se perd ou se gagne. »</span></div>
<div align="center">
<span style="color: black;">(Annie Le Brun, <i>Les châteaux de la subversion</i>)</span></div>
</div>
<div style="left: -99999px; position: absolute;">
<div align="center">
<span style="color: black;">« On l’a presque oublié : l’imaginaire, comme l’amour, se perd ou se gagne. »</span></div>
<div align="center">
<span style="color: black;">(Annie Le Brun, <i>Les châteaux de la subversion</i>)</span></div>
</div>
<div style="left: -99999px; position: absolute;">
<blockquote>
<div align="center">
<span style="color: black;">a presque oublié : l’imaginaire, comme l’amour, se perd ou se gagne. »</span></div>
<div align="center">
<span style="color: black;">(Annie Le Brun, <i>Les châteaux de la subversion</i>)</span></div>
</blockquote>
<h2 align="center">
<span style="color: black;"><span style="font-size: medium;"><b>Première partie : l’invisible en terre chamanique</b></span></span></h2>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Les nombreuses études
conduites pour comprendre l’apparition des inégalités oublient bien
souvent d’accorder de l’importance aux techniques liées à l’imaginaire,
aux rêves et aux visions. Or il se pourrait bien que ces techniques,
loin d’être anodines et secondaires, soient à l’origine d’une des
premières spécialisations, voire hiérarchisation.</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> <i>Voyager dans l’invisible </i>de
Charles Stepanoff, maître de conférences à l’EPHE de Paris et
chercheur, est un très riche essai sur le fonctionnement des dispositifs
rituels, des différentes techniques de visions et de rêves des
traditions chamaniques des peuples autochtones du nord de l’Eurasie et
de l’Amérique. En Asie du Nord, le chamane, à qui le groupe confie une
part de la gestion de ses rapports au monde, est l’expert de
l’invisible. Cette spécialisation, universellement connue dans cette
large région, se pratique selon un continuum plus ou moins hybride entre
un chamanisme hiérarchique et un chamanisme hétérarchique. La captation
de l’imaginaire par un individu et les conséquences sociales qui en
découlent y sont minutieusement analysées.</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> <b>Chamanisme hétérarchique</b></span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> L’hétérarchie suppose
une structure organisationnelle horizontale qui privilégie la
coopération et l’autonomie de chacun. Le chamanisme hétérarchique décrit
par Stepanoff semble parfaitement illustrer ce mode d’organisation
sociale.</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Chez les peuples
pratiquant ce chamanisme, le chamane n’est pas visible aux yeux du
public et ses mouvements sont souvent contraints et limités par une
corde ou par une construction. La cérémonie se déroule dans l’obscurité
la plus totale. Un tremblement de l’habitation, des bruits et des voix
animales et humaines font entendre l’arrivée d’esprits avec lesquels les
participants peuvent dialoguer à propos de la chasse ou des maladies.
Sans tambour ni costume, le chamane qui mène le rituel est censé dormir
pendant toute sa durée et n’est pas rémunéré. Ces rituels, dont le
substrat culturel circumpolaire est probablement ancien, sont présents
de l’Oural à la baie d’Hudson.</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Trois rituels,
provenant de lieux très éloignés tels que la taïga de l’est de l’Oural,
la toundra béringienne et les forêts canadiennes, sont détaillés.</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Chez les Khant, peuple
ougrien de l’Ob, les participants se réunissent la nuit dans une tente
où règne une obscurité complète. Le Chamane, au centre de l’assemblée,
joue de la <i>dombra</i>, une sorte de luth, et les participants
perçoivent bientôt des phénomènes acoustiques étranges. Les sons se
déplacent à l’intérieur de la tente, près du sol, du toit ; ils
s’atténuent, s’éloignent, se rapprochent ; ils donnent forme à une
illusion spatiale et manifestent le vol du chamane dans la tente. Quand
la dombra se tait, signifiant la sortie du chamane par le trou de fumée,
des bruits d’animaux retentissent : le coucou, oiseau prophétique, le
cri sinistre du hibou, le cri joyeux du canard, la grue, l’écureuil,
etc. L’humeur des participants change selon la présence de tel ou tel <i>lung</i>,
esprit issu du monde de la forêt. Une fois le rituel terminé, le
chamane raconte son voyage, mais l’objet principal du processus est la
possibilité pour chaque participant humain d’échanger avec les esprits
zoomorphes, et de permettre ainsi à tous de pratiquer des actes
propitiatoires et de communiquer avec les animaux que les chasseurs
poursuivent dans la taïga.</span></div>
<blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;">« L’action mise en
scène combine un mouvement centripète, avec l’arrivée sur le lieu du
rituel de visiteurs invisibles venus de la forêt, et un mouvement
centrifuge, avec l’envol du chamane dans le ciel. »</span></div>
</blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> À 4 500 kilomètres des
Khant, à l’autre extrémité de l’immensité sibérienne, dans les toundras
des environs du détroit de Béring, les Chukch, éleveurs de rennes,
procèdent à un rituel très proche. À l’intérieur de la vaste tente,
d’épaisses fourrures de rennes forment une chambre intérieure où se
blottit la famille pour dormir. C’est dans cette petite chambre que se
déroulent les rituels nocturnes. Dans une obscurité totale le chamane se
tient assis, torse nu, ligoté ou au contraire libre de jouer du
tambour :</span></div>
<blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;">« Il chante des
mélodies, d’une voix douce d’abord, puis de plus en plus puissante. Le
chant, sans paroles, est fait d’une phrase mélodique courte répétée
indéfiniment : ‘Ah, ya, ka, ya, ka, ya, ka !’ L’assistance ne chante
pas, mais émet de temps en temps des interjections d’encouragements pour
soutenir le chamane. S’il a un tambour, le chamane l’utilise comme
caisse de résonance, dirigeant les sons vers la gauche ou la droite.
Bientôt il devient impossible de repérer l’origine des sons dans
l’obscurité : la voix du chamane paraît se déplacer dans différents
lieux de la pièce. Au bout de quinze à trente minutes, le chamane fait
vibrer ses lèvres en secouant la tête et fait entendre différents bruits
et cris animaux ou humains : ce sont les “voix séparées” des esprits (<i>kelet</i>)
qui sont en train d’arriver. Ces visiteurs invisibles sont des animaux
comme le loup, le corbeau, le morse, la souris, mais aussi des objets
tels le seau, l’aiguille ou le pot de chambre, ou encore des humains,
tels le Vieillard noir, la Borgne, etc. Un esprit “Écho” imitait tout ce
qu’il entendait et Bogoras s’amusa à prononcer des phrases en russe et
en anglais que l’esprit répétait avec succès, au grand amusement de
tous. »</span></div>
</blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Comme chez les Khant,
la tente est visitée par des esprits qui communiquent avec le chamane et
les participants, prédisent une bonne saison de chasse ou, au
contraire, annoncent une maladie, adressent des remontrances à ceux qui
ont négligé des prescriptions rituelles, se disputent, etc. Aucun
scénario ne fige ces séances au cours desquelles la tente peut être
secouée ou soulevée, des morceaux de bois ou de l’urine projetés.
L’objet du rituel est de permettre aux participants de communiquer avec
les esprits des animaux.</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> De l’autre côté du
détroit de Béring, dans la forêt canadienne, un rituel similaire a été
décrit par George Nelson, marchand de fourrures, qui assiste, en 1823, à
une cérémonie chez les Cree, ses fournisseurs :</span></div>
<blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> « Le soir, à l’écart
des habitations, les Indiens édifièrent une tente miniature d’environ un
mètre de diamètre faite de poteaux recouverts de peaux d’élan. Le
“conjureur” (l’officiant) prit son tambour et prononça des prières. Puis
le tambour passa à l’entourage qui entonna différents chants, comme le
chant de l’élan, du cheval, de l’ours et du chien. Après s’être
déshabillé, le conjureur demanda qui voulait le ligoter. Nelson lui-même
se porta volontaire pour l’opération ce qui lui permit de l’observer de
près. Après avoir eu les mains soigneusement ficelées, le conjureur fut
enveloppé dans une couverture elle-même fixée par une corde serrée et
installé dans la tente miniature. Au bout de seulement quelques minutes,
tandis que l’assemblée chantait le chant de l’esprit de la Glace,
Nelson eut l’impression de percevoir l’esprit entrer dans l’édicule. La
couverture et les cordes du conjureur furent jetées sur les
participants, sans qu’un seul nœud ait été défait. Des dizaines d’autres
esprits pénétrèrent dans l’édicule en le secouant violemment à chaque
fois. On entendit ainsi parler la glace, puis la tortue qui imita un
ivrogne et finit par ronfler au grand amusement de tous, suivie d’un
chien, de différents ours, un cheval, un élan, des squelettes, des
esprits de défunts mais aussi d’amis vivants éloignés. La tortue fit
différentes prédictions concernant la pluie et le gibier. Au cours de la
séance, Nelson et quelques autres furent invités par l’officiant à
entrer dans l’édicule pour y voir les esprits. Allongé sur le dos,
Nelson aperçut des lumières semblables à des étoiles dans un ciel
nuageux. Enfin vers deux heures du matin, la tente se secoua une
dernière fois et les esprits disparurent. Le scepticisme du marchand de
fourrures canadien avait été plus qu’ébranlé. ‘Je suis totalement
convaincu, autant que de mon existence, que des sortes d’esprits sont
réellement et pratiquement entrés, certains véritablement terrifiants,
d’autres d’un caractère tout différent. […] je crois vraiment que je
n’oublierai jamais les impressions de cette soirée.’ »</span></div>
</blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Ces trois rituels,
khant, chukch et cree, présentent d’incontestables traits structuraux
communs qui se retrouvent chez d’autres peuples pratiquant un chamanisme
dit de « la tente sombre » ou de « la tente tremblante ». En Sibérie
centrale, dans la vallée du Ienisseï, les chamanes des Selkup et des Ket
organisaient comme leurs voisins ougriens de mémorables séances dans
l’obscurité. Le chamane selkup, en vêtement ordinaire, était ligoté sur
une peau d’ours et de nombreux cris et bruits d’animaux envahissaient
l’espace. Les Ket appelaient cette performance le « jeu sombre ».</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Chez les Yukaghir, où
se pratiquait le chamanisme hétérarchique avant que le chamanisme
hiérarchique ne s’impose, chaque famille possédait un tambour qu’elle
utilisait librement pour accomplir ses rituels domestiques. Composé de
bois, de cuir et de tendons, avec seulement quelques rares pendeloques
de métal, cet instrument pouvait être fabriqué sans grande difficulté
par chaque famille. L’ancien costume des chamanes ne portait aucun
ornement cosmique et ne se distinguait du vêtement ordinaire que par les
emprunts faits aux costumes des femmes. Les anciens Yukaghir étaient,
comme leurs voisins koriak et chukch, grands consommateurs d’amanites
tue-mouches, lesquelles leur inspiraient des visions et des chants. La
prise de psychotropes, trait hétérarchique typique, n’a pas tant pour
but d’altérer la conscience que d’amplifier une imagerie culturellement
déterminée. La transe n’est qu’un procédé parmi d’autres. La privation
sensorielle, obtenue par simple bandage des yeux, tient un rôle de
premier ordre dans la stimulation de l’imagerie mentale chez les peuples
sibériens.</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Chez les Ket et les
Selkup, les deux rituels sont pratiqués, mais celui de la « tente
sombre » est moins prestigieux que celui de la « tente claire » qui
caractérise le chamanisme hiérarchique.</span></div>
<figure aria-describedby="caption-attachment-12054" class="wp-caption aligncenter" id="attachment_12054" style="width: 600px;"><span class="placeholder-el el-loaded" data-svq-align=""><img alt="" class="size-medium wp-image-12054 lazy lazy-is-loaded" data-height="324" data-sizes="(max-width: 600px) 100vw, 600px" data-src="https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2020/06/eniseec-saman-face3-600x324.jpg" data-srcset="https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2020/06/eniseec-saman-face3-600x324.jpg 600w, https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2020/06/eniseec-saman-face3-768x415.jpg 768w, https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2020/06/eniseec-saman-face3-45x24.jpg 45w, https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2020/06/eniseec-saman-face3.jpg 1000w" data-was-processed="true" data-width="600" height="324" src="https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2020/06/eniseec-saman-face3-600x324.jpg" width="600" /><span class="svq-img-loader"></span></span><figcaption class="wp-caption-text" id="caption-attachment-12054">Le célèbre chamane Der’it (Vasilii Egorovich Moseikin) chez les Ket de la Toungouska Pierreuse. Photo N.V.Sushilin, 1926.</figcaption></figure>
<div align="justify">
<span style="color: black;"><b> Chamanisme hiérarchique</b></span></div>
<blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> « L’assemblée est
éclairée par un feu central auprès duquel le chamane se tient assis.
Pris de bâillements de plus en plus intenses, il a les yeux clos, alors
que tous le regardent. Il commence à entonner un chant rythmé par les
battements de son tambour. Puis il chante d’une voix plus forte pour
appeler ses esprits auxiliaires à le rejoindre dans un mouvement
centripète et à s’installer dans son corps et son costume. De plus en
plus excité, il revêt un plastron brodé, un manteau chamanique couvert
de dizaines de figurines métalliques représentant différents esprits
zoomorphes et anthropomorphes et une couronne de fer pourvue de ramures.
Son visage est couvert par une frange tombant de sa couronne qui lui
cache partiellement la vue. Il entonne alors un chant-voyage. »</span></div>
</blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Cette cérémonie,
pratiquée chez les Selkup du Ienisseï, peuple samoyède d’Asie
septentrionale, constitue le prototype du rituel chamanique pour la
majorité des populations d’Asie du Nord, chez les peuples altaïques de
langue toungouse (Evenki, Even, Udeghe, Nanaï, Mandchous), de langue
turque (Altaïens, Teleut, Khakas, Tuva, Iakoutes, Dolgan), de langue
mongole (Bouriates, Mongols), ainsi que d’une partie des Samoyèdes (les
Enets et les Nenets). Vêtu d’un costume professionnel et muni d’un
tambour, le chamane est le seul acteur du rituel, il s’exhibe et offre
avec ostentation un spectacle de gestes et de paroles qui illustre la
venue des esprits et son voyage à travers le cosmos. Seul à interagir
avec les esprits, ces auxiliaires venus pour l’aider et l’accompagner
dans son voyage cosmique, le chamane, intermédiaire qualifié entre
humains et esprits, respecte un scénario culturellement défini, dont les
étapes ne sont pas modifiables. Tous les chamanes selkup partagent une
géographie cosmique commune et des routes préexistantes qui leur
permettent de se rendre au pays des ancêtres, dans le monde céleste ou
de traverser le monde du milieu, le monde terrestre. Le chamane hérite
de sa fonction et des chants correspondant aux différents itinéraires
parcouru par ses ancêtres. Le chant chamanique se distingue du chant
profane par une prosodie en vers composés de huit syllabes.</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Le chamane des
traditions hiérarchiques possède un équipement ostentatoire spécialement
confectionné par les membres de la communauté : son tambour et son
costume. Ce dernier porte parfois jusqu’à quarante kilos de figurines.
Le chamane, qui hérite de sa fonction, est le seul intermédiaire entre
les esprits les plus puissants et le clan, il est indispensable au
maintien de l’équilibre entre monde visible et monde invisible, et sa
performance, spectaculaire, le place au centre des rituels.</span></div>
<blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> « Dans ce genre de
traditions que nous appelons ‘hiérarchiques’, les actions sur lesquelles
les chamanes ont le monopole sont essentielles à l’entretien de bonnes
relations entre humains et non-humains. Les chamanes interviennent à
tous les niveaux de la vie religieuse des membres de leur communauté, à
l’occasion de rituels individuels, domestiques, aussi bien que de
célébrations collectives. Aujourd’hui, un ou une Tuva fait appel à un
chamane pour savoir si le compagnon de vie qu’il s’est choisi est le
bon, pour soigner une maladie, lever un mauvais sort, réussir un examen
ou encore protéger sa voiture des accidents. »</span></div>
</blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Chez les Tuva des
hautes vallées de la région de Süt-Höl qui habitent des yourtes de bois
et élèvent des troupeaux de moutons, de chèvres et de vaches, le foyer
est protégé par la maîtresse du feu. Chaque année, afin de préserver la
puissance et la bienveillance de cet esprit féminin du foyer, il est
nécessaire de faire venir un chamane qui pratiquera le « rituel du feu »
et permettra de maintenir fermé l’espace domestique afin de le
préserver des menaces. Seul le chamane ne craint pas « l’ouvert », son
corps pouvant recevoir les esprits et son âme quitter son corps. Cette
ouverture du corps chamanique est visible par le port d’un costume
ballant au contraire des costumes des profanes qui sont ceinturés :</span></div>
<blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> « Certains costumes
ont des trous spécialement ménagés au niveau des aisselles, d’autres au
niveau de la poitrine, pour laisser passer les esprits. Nous l’avons vu,
le chamane est un corps ouvert qui laisse entrer et sortir en lui des
flux par la bouche, les aisselles, le nombril, le sinciput ou l’anus.
Alors qu’un profane dont l’âme s’est évadée dépérit, l’âme du chamane
s’échappe facilement de son corps et va parcourir le cosmos sans que
l’intégrité de sa personne soit mise en danger. Le chamane laisse sortir
son âme, et laisse entrer esprits et forces. »</span></div>
</blockquote>
<figure aria-describedby="caption-attachment-12051" class="wp-caption aligncenter" id="attachment_12051" style="width: 516px;"><span class="placeholder-el el-loaded" data-svq-align=""><img alt="" class="size-full wp-image-12051 lazy lazy-is-loaded" data-height="580" data-sizes="(max-width: 516px) 100vw, 516px" data-src="https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2020/06/tambour.jpg" data-srcset="https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2020/06/tambour.jpg 516w, https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2020/06/tambour-45x51.jpg 45w" data-was-processed="true" data-width="516" height="580" src="https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2020/06/tambour.jpg" width="516" /><span class="svq-img-loader"></span></span><figcaption class="wp-caption-text" id="caption-attachment-12051">Tambour khakasse (sagaï) <em>in</em> C. Stepanoff</figcaption></figure>
<div align="justify">
<span style="color: black;">L’homme ordinaire est
fermé au monde des esprits, il ne peut interagir avec eux sans risquer
la mort, et la peur de rencontrer, déranger ou offenser un esprit oblige
à pratiquer toutes sortes de petits rituels. Cette différence des
potentialités des corps se manifeste, à des degrés plus ou moins rigides
d’un peuple à l’autre, dans le rapport aux objets rituels. Chez les
Tuva, les Khakas et les Iakoutes, seul le chamane possède un tambour
rituel et, à partir du moment où l’instrument est consacré, nul profane
ne peut le toucher, sous peine d’en mourir. Chez tous les peuples à
traditions chamaniques hiérarchiques les profanes sont les
« inexpérimentés, les bêtes, les esclaves » et se décrivent eux-mêmes en
termes peu flatteurs :</span></div>
<blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;">« Je suis plus simple qu’une génisse, plus bête qu’un veau,</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;">Je ne comprends rien,</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;">Je ne vois rien,</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;">Je suis un héros bête sans yeux,</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;">Je suis un héros esclave sans oreilles ! »</span></div>
</blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Dans ce système,
l’opposition entre le corps fermé de l’homme simple et le corps ouvert
du chamane crée une hiérarchie entre les êtres : d’un côté les individus
incomplets et de l’autre le chamane, individu complet au squelette
blanc ou pur, à l’essence singulière, innée, inaltérable et héréditaire,
dont ils dépendent pour maintenir de bonnes relations avec les forces
et puissances qui partagent leur environnement. Le rituel chamanique est
une opération indispensable pour maintenir de bonnes relations avec les
existences non humaines de la forêt et garantir ainsi une reproduction
des ressources nécessaires à la subsistance du groupe. Les gens
ordinaires délèguent donc leur responsabilité à un individu jugé plus
compétent pour gérer une partie importante de leur rapport au monde. Ce
dualisme est visible dans les représentations qui structurent l’espace
du tambour chamanique, du costume chamanique et de l’espace domestique.
Les individus sont ainsi des parties reliées à un tout et le chamane est
celui qui permet de maintenir le tout en équilibre.</span></div>
<blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> « Le rêve et la vision
constituent pour les Tuva des formes privilégiées d’ouverture à
l’interaction en face à face avec les personnes non humaines, qu’il
s’agisse de maîtres de lieu ou d’ancêtres. Or ces modalités de
communication ne sont pas accessibles à tous : cette forme d’ouverture
est considérée comme destructrice pour les profanes, alors qu’elle est
valorisée chez les spécialistes. C’est que, d’une façon générale, les
‘gens simples aux yeux d’eau et au cœur de sang’ sont par nature fermés
et doivent préserver leur fermeture en encerclant leur corps dans une
ceinture, en évitant de bailler, en protégeant la fontanelle non fermée
des nourrissons par où leur âme pourrait s’échapper et en enveloppant
leur campement sous la protection d’un <i>haacha</i>. Une ouverture est
une brèche qui les exposerait à toutes les agressions de puissances
invisibles et à toutes les déperditions d’âme. »</span></div>
</blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"><b> Tambour et costumes</b></span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Dans le chamanisme
hiérarchique, le tambour et le costume sont des outils cognitifs qui
transmettent au groupe des modèles cosmiques, ils sont les supports
d’une diversité de références sémantiques. Ils transmettent et arborent
l’identité du chamane, son histoire singulière — mais toujours ancrée
dans la tradition — exhibent sa singularité et son pouvoir. Tambour et
costume sont des œuvres collectives auxquelles le chamane ne participe
pas. Leurs confections obéissent aux instructions que le chamane donne à
partir de ses rêves.</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Le tambour est une
composition de matériaux divers – animal et végétal – qui figurent un
assemblage d’êtres individualisés et vivants :</span></div>
<blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> « Le cadre est fait
d’une bande de bois prélevée sur un arbre que l’on n’abat pas mais que
l’on s’efforce de laisser en vie, témoignant du fait que l’instrument
est vivant. Chez les Mongols et les Evenki, il s’agit d’un arbre qui a
subi la foudre et en a gardé une forme étrange. Les Ket et les Selkup du
Ienisseï, tout comme les Saami de Scandinavie, sélectionnent un arbre
dont les branches poussent d’un seul côté, vers le soleil. »</span></div>
</blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Le tambour appartient
au seul chamane et ne peut être utilisé que par lui. Sa richesse
signifiante n’est pas le fait d’une accumulation d’héritages fortuits
mais d’une « identité complexe ». C’est ainsi qu’il est à la fois un
objet et un être vivant, un humain et un animal sauvage et domestique. À
la fois moyen de transport et réceptacle, il traverse les catégories
ontologiques permettant ainsi, lors des rituels, d’établir des relations
entre des êtres incompatibles dans la vie quotidienne : chez les Evenki
il est à la fois une barque, un renne vivant et une image de
l’univers ; dans l’Altaï il peut être chameau, cheval, cerf, léopard,
porteur de l’âme de l’ancêtre et schéma du cosmos.</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> La membrane du tambour
est la peau d’un animal prédestiné, sauvage ou non dressé – élan,
renne, bouquetin – apparu en rêve au chamane et que des chasseurs sont
chargés de tuer. Une fois mort, un rituel « ressuscite » l’esprit de
l’animal pour animer le tambour qui devient ainsi le cheval de selle du
chamane. Il arrive qu’il place l’instrument entre ses jambes pour
accomplir ses voyages cosmiques. Les coups de battoir sur la peau sont
le langage, incompréhensible pour les profanes, avec lequel chamane et
esprits communiquent. Les battements de l’instrument sont également
interprétés comme le bruit des sabots de l’animal-tambour et plus le
rythme est rapide, plus vive est la cavalcade invisible du chamane sur
sa monture. Les figures peintes sont exécutées à partir des images
oniriques rapportées par le chamane, images semblables à celles qui
recouvraient le tambour de l’ancêtre qui les tenait lui-même de ses
prédécesseurs. Elles témoignent de la continuité héréditaire qui
s’exprime dans les visions oniriques. Elles maintiennent le lien entre
les différentes générations de chamanes et permettent d’affirmer la
puissance chamanique. La voix des ancêtres devient celle du chamane et
cet héritage lui permet de maintenir l’équilibre entre tradition et
singularité : ce principe relationnel entre le chamane et son ancêtre,
entre la performance actuelle et son modèle transgénérationnel, explique
la grande stabilité de ces images dans le temps et dans l’espace.</span></div>
<figure aria-describedby="caption-attachment-12053" class="wp-caption aligncenter" id="attachment_12053" style="width: 580px;"><span class="placeholder-el el-loaded" data-svq-align=""><img alt="" class="size-full wp-image-12053 lazy lazy-is-loaded" data-height="441" data-sizes="(max-width: 580px) 100vw, 580px" data-src="https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2020/06/texte-dream-power.jpg" data-srcset="https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2020/06/texte-dream-power.jpg 580w, https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2020/06/texte-dream-power-45x34.jpg 45w" data-was-processed="true" data-width="580" height="441" src="https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2020/06/texte-dream-power.jpg" width="580" /><span class="svq-img-loader"></span></span><figcaption class="wp-caption-text" id="caption-attachment-12053">M. Olsen, Chamane khakasse face au feu, 1914.</figcaption></figure>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Un seul tambour est
utilisé pour de nombreux chants-itinéraires, ce qui signifie que les
dessins figurant sur la membrane ne présentent pas un récit linéaire
mais une iconographie intégrée à la gestuelle du chamane. Stepanoff
propose une approche sensorimotrice de cette iconographie : tambour,
costume, gestes et chants engagent les perceptions sensorielles dans
l’espace virtuel qui, comme l’espace immédiat, se construit dans la
motricité. La performance du chamane anime ainsi le passé et l’invisible
qui composent le présent, réinvestit et renouvelle un modèle
traditionnel. La singularité du chamane, son individualité est une
ouverture vers l’extérieur, vers le passé, la capacité à maintenir les
relations avec les défunts, leurs mémoires, leurs histoires et donc à
maintenir la tradition. C’est ce qui explique que les critères de
sélection des matériaux sont d’une constance surprenante sur des
milliers de kilomètres à travers l’Eurasie. Dans la plupart des
traditions hiérarchiques, le tambour est le double du chamane, ouvert et
apte à recueillir des entités invisibles et détruit à la mort de son
maître. Le couple chamane-tambour singularise l’être d’exception capable
de traverser les âges, les espaces et les catégories, il est un passeur
entre les mondes.</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Le costume singularise
le chamane dont le corps ouvert est profondément différent de celui des
profanes. Chez les Nganasan les chamanes disposaient même d’un costume
pour voyager dans le monde supérieur, d’un autre pour le monde inférieur
et d’un troisième pour le monde du milieu. Chacune de ces tenues
incluait un manteau, un plastron, des bottes, une coiffe, des gants et
une frange. Cette dernière, qui permet à l’officiant de réduire ses
perceptions visuelles et ainsi de développer des images mentales,
instaure une inégalité d’accès aux visions. Elle est un dispositif
capital du chamanisme hiérarchique. Le costume, de nature polysémique et
complexe, transgresse les frontières entre les catégories et est un art
de la mémoire. Chez les Evenki de la Toungouska Pierreuse, le chamane
demande souvent à la famille du malade de sacrifier un renne dont il
gardera une petite lanière de la peau cousue sur la partie inférieure de
son costume. Cette lanière lui permettra de se souvenir de cet
évènement.</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Les costumes
cérémoniels de Sibérie sont également couverts d’asymétries
polarisantes. Chez les Nganasan, par exemple, le gant gauche permet au
chamane de se faire passer pour un démon à trois doigts lorsqu’il
descend sous terre tandis que le gant droit l’aide à « s’extraire de
l’enfer ». La main gauche est donc associée à ce qui est inférieur et
obscur et la main droite à un mouvement ascendant. Les Nganasan ont
d’ailleurs mis au point une forme d’asymétrie latérale bien plus
spectaculaire que le nombre de doigts des gants. Certains costumes
étaient composés d’une moitié droite rouge, associée au soleil et au
printemps, et d’une moitié gauche noire liée à l’obscurité et l’hiver.
Lorsque le chamane tourne sur lui-même en plaçant la gauche du corps en
son centre, mouvement indiquant une descente d’un étage à l’autre ou
d’un monde à l’autre, le costume bipartite donne immédiatement à voir la
résonance cosmique du mouvement chamanique. Il en est de même lors
d’une giration solaire, c’est-à-dire qui met la droite du corps au
centre et indique, à l’inverse, une ascension. Le costume matérialise
donc des associations entre latéralité du corps, ombre et lumière, haut
et bas. Chez les Iakoutes, l’épaule droite du costume porte l’image
d’une grue et la gauche celle d’un plongeon :</span></div>
<blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> « La situation de ces
deux oiseaux dans le haut du corps est conforme au principe habituel
d’association entre verticalité du monde et verticalité du corps, mais
les types de mouvements qu’ils représentent sont fort différents. La
grue de Sibérie qui migre annuellement entre l’Inde et la Iakoutie
accomplit de longs parcours en altitude, alors que le plongeon est connu
pour ses piqués dans l’eau. La disposition des deux oiseaux couple
derechef la droite du chamane à un déplacement en altitude et la gauche à
un mouvement descendant. »</span></div>
</blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Les costumes
superposent des références cosmiques au schéma corporel du chamane
conférant à chaque geste une extraordinaire force d’évocation.</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> La documentation
ethnologique et historique ainsi que l’intégration de l’analyse du
plastron, élément vestimentaire tout à fait particulier couvrant la
poitrine et le ventre, permet à Stepanoff d’identifier les traditions
hétérarchiques comme ancien substrat circumpolaire partagé de part et
d’autre du détroit de Béring, peu à peu remplacé par le chamanisme
hiérarchique venu du Nord-asiatique. Comme en témoignent les tombes de
la culture de Glazkovo, le plastron de type toungouse faisait déjà
partie de l’habillement des chasseurs-cueilleurs de l’âge du Bronze dans
la région du Baïkal en Sibérie du Sud. Il est une partie intégrante de
l’habit ordinaire des Toungouses (Evenki et Even) et son schéma de
corps-univers est d’une saisissante stabilité de l’Altaï à l’Arctique,
du Ienisseï à la Mandchourie. Chasseurs-cueilleurs hautement mobiles
grâce à leurs déplacements à dos de renne, les Toungouses ont pénétré au
fil de leurs migrations à travers la taïga des territoires
extraordinairement vastes.</span></div>
<blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> « Avec l’expansion
toungouse, le plastron chamanique s’est diffusé vers l’aval du fleuve
Ienisseï jusqu’aux rivages de l’Arctique à travers les populations Ket,
Selkup, Enets, Nganasan, vers le nord et l’est sibériens le long de la
Léna à travers les Iakoutes et les Dolgan et vers la Mandchourie et le
Pacifique le long du fleuve Amour, à travers les Udeghe, les Neghidal et
les Daur. Le plastron constituait une pièce si essentielle pour les
chamanes udeghe qu’ils redoutaient de perdre la voix ou même la vie si
quelqu’un venait à le déchirer. L’ancien plastron chamanique des
Bouriates, orné de côtes, paraît également emprunté à leurs voisins
toungouses. »</span></div>
</blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"><b> Féminin/masculin, figuration des espaces</b></span></div>
<blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> « Certains chamanes
khakas affirment que les dessins de leurs tambours les aident à
‘s’orienter dans leur voyage’ et à ‘avancer’. Des chamanes evenki disent
également qu’ils leur permettent de ‘s’orienter dans les pays obscurs’.
Nulle idée ici de transmettre un message ou de ‘refléter’ des idées,
mais un rôle d’aide à l’orientation, un peu comme des boussoles de
l’invisible. Or qu’est-ce que ‘s’orienter’, sinon établir une
coordination particulière entre son propre corps et l’espace
environnant ? Les indications des utilisateurs des tambours suggèrent
ainsi que les dessins pourraient s’éclairer à la lumière des relations
entre corps et espace dans le contexte particulier de la performance
rituelle. »</span></div>
</blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> L’organisation des
figurations peintes sur le tambour, être vivant sur lequel se
rencontrent passé et présent, espace immédiat (profane) et espace
cosmique, respecte un agencement précis, similaire à l’espace domestique
de la yourte.</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> En analysant
scrupuleusement les représentations peintes sur le tambour, Stepanoff
remarque une asymétrie entre gauche et droite souvent soulignée par des
couleurs, comme pour le costume bipartite des Nganassanes. Afin de mieux
comprendre les figurations sur la membrane, il distingue, également, la
gauche et la droite du tambour correspondant au point de vue de
l’observateur, de la senestre et de la dextre correspondant au point de
vue du chamane. Il constate alors qu’au moment où le chamane chevauche
son tambour, la senestre s’associe à l’avant du chamane et la dextre à
son arrière. L’animal dont la peau constitue la membrane du tambour est
représenté à droite du point de vue de l’observateur mais, du point de
vue du chamane, il marche vers la senestre. Lorsqu’il chevauche son
tambour le chamane et sa monture regardent donc tous deux dans la même
direction.</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Cette asymétrie, qui
associe la senestre de la membrane à la gauche du chamane et à l’avant
du corps, et la dextre de la membrane à la droite du chamane et à
l’arrière du corps, correspond à une bipartition systématique entre ce
qui est clair et céleste et ce qui est sombre et inférieur. C’est ainsi
que la lune et l’ours sont à senestre, associés à l’ombre et à un
mouvement descendant, tandis que le soleil et le renne sont à dextre,
associés à un mouvement ascendant. Une opposition apparaît donc entre
ombre et lumière, ascension et descente.</span></div>
<blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> « Les tambours que
l’on peut qualifier de type “tatare” sont traversés de polarisations
verticales et horizontales d’une grande constance. Entre le haut et le
bas s’opposent le céleste et le terrestre, le sec et l’humide, le clair
et l’obscur. Les maladies que soignent certaines des figures
représentées y ajoutent une correspondance avec le corps humain : les
oiseaux traitent la tête, alors que les animaux de la partie basse sont
spécialisés dans le ventre et les jambes. […] Les maladies “ pures”, qui
touchent la partie haute du corps, sont donc à la charge des esprits
maîtres des chevaux, ces cavaliers représentés dans les parties médiane
et supérieure du tambour. En revanche, les maladies impures situées dans
le bas du corps, plus particulièrement les maladies gynécologiques,
relèvent du maître des moutons, qu’on a vu associé aux batraciens et aux
reptiles du bas du tambour. Il existe donc effectivement une
correspondance entre la verticalité du tambour et celle du corps humain
établie par l’intermédiaire de l’ordre spatial du paysage et de ses
habitants représentés sur la membrane. »</span></div>
</blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Cette opposition,
typique d’une cosmologie dualiste, se retrouve dans l’ordonnancement de
l’espace de la yourte, cercle orienté comme le tambour et comme lui
fortement polarisé. Chez les peuples nomades d’Asie septentrionale,
l’organisation de l’espace domestique est gouvernée par des principes
puissants appliqués avec rigueur et constance dans les différents lieux
habités. Ces principes sont toujours respectés chez les Khakas bien
qu’ils aient abandonné au XIXe siècle leurs yourtes de feutre pour des
structures de bois polygonales. Le foyer, surmonté d’un trou à fumée,
est installé au centre de la yourte. À l’opposé de la porte, orienté
vers l’est, et au-delà du feu, s’étend le coin d’honneur où est disposé
le lit des maîtres et où s’assoient les anciens et les hôtes
d’importance, visage face au levant. À leur droite, s’étend la partie
pure et masculine, le coté haut, le sud, et à leur gauche, la partie
opposée, féminine et impure, le « côté bas » qui est le nom du nord.
Tandis que les murs méridionaux portent les instruments masculins — le
fusil au sud-ouest et le harnachement des chevaux au sud-est, près de la
porte — les murs septentrionaux portent les instruments des femmes,
vaisselle et ustensiles de cuisine. Un contraste radical oppose le quart
nord-est, secteur deux fois inférieur, et face à lui, le quart
sud-ouest, deux fois supérieur où sont suspendus les objets sacrés. À
l’opposé, dans le coin nord-est, sont rangés des seaux contenant les
réserves d’eau et les produits laitiers. La yourte est traversée, comme
le tambour et le costume, par des oppositions communes :
céleste/souterrain, sec/humide, clair/obscur, masculin/féminin.</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> La yourte est un
microcosme lié à un macrocosme et dans lequel le cosmique est intégré au
quotidien. L’espace domestique n’est pas une copie du cosmos mais bien
une topologie morale qui oriente la perception affective d’espaces
parallèles dans lesquels s’opposent monde domestique et monde sauvage,
monde féminin et monde masculin, monde inférieur et monde supérieur. Les
nombreuses amulettes maintiennent cependant un réseau de
correspondances entre l’habitat, le corps humain, le paysage environnant
et une géographie lointaine. L’espace domestique est ainsi coordonné à
l’espace virtuel constituant un espace hybride figuré sur le tambour et
le costume qui portent en eux une série d’itinéraires potentiels. Les
étapes successives des trajets révèlent une cognition spatiale
structurée tout à fait typique d’une tradition nomade. C’est l’ensemble
de ces différents registres qui forment une technologie de l’imaginaire
et qui permet aux observateurs de penser l’espace virtuel « où se
rencontrent les puissances d’agir du chamane, des esprits convoqués et
des dieux visités. »</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"><b> Le prix pour la fiancée</b></span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Le passage d’un
chamanisme hétérarchique à un chamanisme hiérarchique a pu être observé
par les ethnologues chez les Yukaghir, groupe de langue paléo-asiatique
et dont les ancêtres étaient des chasseurs-pêcheurs dominant tout le
nord-est sibérien.</span></div>
<blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> « De la Léna au
Pacifique, les douze tribus yukaghir occupaient un territoire grand
comme la moitié de l’Europe. Pas de seigneurs cependant pour régner sur
leurs territoires à la façon de leurs voisins iakoutes : les seules
figures éminentes douées d’autorité étaient les “anciens”, les “ grands
chasseurs” et les chamanes. Leur déclin a été d’une brutalité sidérante.
À partir du XVII e siècle, la colonisation russe jointe à l’expansion
des populations d’éleveurs toungouses, iakoutes, puis chukch, a mené à
l’anéantissement ou l’assimilation de la majorité des tribus yukaghir.
Longuement isolés, les Yukaghir étaient moins immunisés que les
populations altaïques en contact depuis l’âge du Bronze avec les
populations méridionales et occidentales, et furent plus sensibles que
les Iakoutes aux virulents pathogènes amenés par les Russes.
D’épouvantables épidémies de variole à répétition causèrent chez eux
jusqu’à 60 % de mortalité. La disparition du gibier, chassé par les
troupeaux de leurs voisins éleveurs en expansion, provoqua ensuite de
terribles famines réduisant dans certains cas les Yukaghir à
l’anthropophagie. Les Toungouses attaquaient des groupes yukaghir et
réduisaient en esclavage les prisonniers. Au total les Yukaghir ont vu
leur population divisée presque par dix, tombant de 4 500 au XVIIe
siècle à 500 à la fin du XIXe siècle. Leur territoire s’est finalement
réduit au bassin de la Kolyma. Au début du XXe siècle, ils avaient
largement abandonné leur langue au profit des langues toungouse (even),
iakoute, russe et chukch. »</span></div>
</blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Les Yukaghir de la
toundra ont alors adopté le mode de vie des Toungouses fondé sur
l’élevage de rennes tandis que ceux de la forêt ont maintenu jusqu’à nos
jours une économie basée sur la pêche, la chasse et la cueillette et
demeurent l’une des seules populations de Sibérie à n’avoir pas adopté
l’élevage de rennes, même pour le transport. Les premiers ont adopté le
chamanisme hiérarchique tandis que les seconds pratiquent encore le
chamanisme hétérarchique. Stepanoff remarque également que les
prestations matrimoniales sont différentes chez ces deux groupes. Chez
les Yukaghir de la forêt, qui pratiquent encore le chamanisme
hétérarchique, le gendre se rend chez la famille de sa fiancée et aide
son beau-père. Le système uxorilocal et le service pour la fiancée
impliquent que le gendre réside dans la maison de ses beaux-parents et
demeure au service des aînés de sa femme tant que ceux-ci sont en vie.
Il doit en particulier remettre tout le produit de sa chasse à ses
beaux-parents qui se chargent de le distribuer. Sans bétail, ils
n’accumulent pas de biens échangeables de sorte que le fiancé n’a que sa
force de travail à offrir en échange d’une femme.</span></div>
<div align="justify">
<a href="https://www.blogger.com/null" name="_GoBack"></a><span style="color: black;">Au
contraire, chez les Yukaghir éleveurs de rennes le régime de prestation
est un mixte entre celui des Koriak et Chukch, peuples paléo-asiatiques
qui pratiquent encore le service pour la fiancée, et les peuples
altaïques en général qui pratiquent le prix pour la fiancée. Après un ou
trois ans de service pour la fiancée, un intermédiaire négocie, au nom
des parents et consanguins du prétendant, la valeur du paiement en
rennes qu’ils devront réunir en échange de la jeune femme. Une fois
l’accord passé, elle sera emmenée au campement du jeune homme avec sa
dot. Le prix de la fiancée et celui de la dot impliquent une négociation
et des transferts de biens entre les parents du fiancé et ceux de la
fiancée et donc un investissement collectif de richesse de la part d’un
groupe au bénéfice de l’un de ses membres.</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Il est remarquable que
chez les peuples altaïques l’investiture du chamane s’accomplisse sous
la forme d’un mariage, comme chez les Shor de l’Altaï :</span></div>
<blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> « Quand un jeune
homme, obsédé par les visites d’une fille-esprit dans ses rêves
érotiques (une “fille à sept nattes” ou “ à sept seins”), est reconnu
comme un chamane en devenir, un grand-oncle ou un grand-père lui
fabrique un tambour rituel qui incarnera sa fiancée céleste. »</span></div>
</blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Une relation amoureuse
entre chamane et esprit existe aussi chez les peuples de tradition
hétérarchique mais elle n’est pas ritualisée pour l’intégrer à la
communauté. La relation matrimoniale insère la communauté et brise ainsi
la relation dyadique des amants. La mise en scène du mariage entre
esprit et chamane, entre humain et non-humains, est similaire à un
échange transactionnel :</span></div>
<blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> « Cette situation de
face-à-face implique de concevoir d’une certaine manière l’humanité
comme un collectif séparé du reste du monde, même si cette séparation
conceptuelle a pour objet de penser une alliance entre humains et
non-humains. »</span></div>
</blockquote>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Le chamane est redevable à la communauté qui a payé le <i>kalym</i>
(terme turco-mongol qui désigne en Sibérie le prix de la fiancée) en
vue de la négociation matrimoniale. Il y a une appropriation de la
communauté de la relation dyadique.</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Chez les peuples
paléo-asiatiques de traditions hétérarchiques, les Chukch, les Koriak,
les Itelmen et les Yupik du Béring, le prix de la fiancée est exclu.
Pendant la durée du service du gendre, c’est son endurance, son adresse à
la chasse et son zèle dans l’élevage qui sont testés. Le principe de
substitution qui permet de payer pour autrui et d’échanger des biens
contre une vie n’existe pas et ce, malgré le fait que certains Chukch
soient riches. Vie et mort sont liées idéologiquement : un chamanisme
typiquement hétérarchique ne peut envisager la vengeance du sang que par
le sang (wergeld) et le service pour la fiancée, plaçant ainsi le corps
au cœur de la relation : aide physique pour le mariage, mort physique
pour la vengeance.</span></div>
<div align="justify">
<span style="color: black;"> Au vu de ce long
résumé, il semble bien que la maîtrise de l’imaginaire, du monde
invisible, octroie une certaine aura à un individu en particulier. La
singularité est alors l’apanage du chamane, ce qui condamne les autres
membres de la société à la peur de l’invisible, à l’anonymat, et induit
un appauvrissement des relations écologiques. Cette prise en otage de
l’imaginaire n’est pas à prendre à la légère. Il y a bien longtemps
qu’un livre ne m’avait fourni autant à ruminer, j’aborderai donc, dans
une seconde partie, les différentes réflexions qu’il m’a suggérées. </span></div>
<div align="justify">
<br /></div>
</div>
Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-89924897728952450502020-04-23T12:24:00.001-07:002020-04-23T12:38:09.681-07:00Ocre rouge<br />
<br />
<br />
<div align="center" style="font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; letter-spacing: normal; line-height: 150%; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="justify" style="font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; letter-spacing: normal; line-height: 150%; margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "nimbus roman no9 l" , serif;"><span style="font-size: small;">Femme
de boue aux cheveux de grémil dont les pas lents craquellent le sol</span></span></span></div>
<div align="justify" style="font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; letter-spacing: normal; line-height: 150%; margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "nimbus roman no9 l" , serif;"><span style="font-size: small;">Murmure
des crépuscules et des morts contre nos récits de déments</span></span></span></div>
<div align="justify" style="font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; letter-spacing: normal; line-height: 150%; margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "nimbus roman no9 l" , serif;"><span style="font-size: small;">Le
silence sur ses lèvres se consume et le mystère</span></span></span></div>
<div align="justify" style="font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; letter-spacing: normal; line-height: 150%; margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "nimbus roman no9 l" , serif;"><span style="font-size: small;">Langue
d’humus et de chair.</span></span></span></div>
<div align="justify" style="font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; letter-spacing: normal; line-height: 150%; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="justify" style="font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; letter-spacing: normal; line-height: 150%; margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "nimbus roman no9 l" , serif;"><span style="font-size: small;">Femme
de boue aux cheveux de grémil dont le souffle égraine feuilles et
plumes</span></span></span></div>
<div align="justify" style="font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; letter-spacing: normal; line-height: 150%; margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "nimbus roman no9 l" , serif;"><span style="font-size: small;">Mugissements
de pierres et d’orages contre nos flancs de béton </span></span></span>
</div>
<div align="justify" style="font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; letter-spacing: normal; line-height: 150%; margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "nimbus roman no9 l" , serif;"><span style="font-size: small;">À
quatre, six, huit pattes, des gouffres aux étoiles, </span></span></span>
</div>
<div align="justify" style="font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; letter-spacing: normal; line-height: 150%; margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "nimbus roman no9 l" , serif;"><span style="font-size: small;">Son
ombre chavire l’horizon.</span></span></span></div>
<div align="justify" style="font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; letter-spacing: normal; line-height: 150%; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="justify" style="font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; letter-spacing: normal; line-height: 150%; margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "nimbus roman no9 l" , serif;"><span style="font-size: small;">Femme
de boue aux cheveux de grémil dont la patience modèle le lit des
aubes</span></span></span></div>
<div align="justify" style="font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; letter-spacing: normal; line-height: 150%; margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "nimbus roman no9 l" , serif;"><span style="font-size: small;">Dont
l’urine est arche de mousse, les excréments fruits de vergers,</span></span></span></div>
<div align="justify" style="font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; letter-spacing: normal; line-height: 150%; margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "nimbus roman no9 l" , serif;"><span style="font-size: small;">Les
paumes tambours de deuil, le nombril puits de lait, </span></span></span>
</div>
<div align="justify" style="font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; letter-spacing: normal; line-height: 150%; margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "nimbus roman no9 l" , serif;"><span style="font-size: small;">Les
yeux œuf de serpent.</span></span></span></div>
<div align="justify" style="font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; letter-spacing: normal; line-height: 150%; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="justify" style="font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; letter-spacing: normal; line-height: 150%; margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "nimbus roman no9 l" , serif;"><span style="font-size: small;">Femme
de boue aux cheveux de grémil, bercée de sable et de feu, dont la
gorge aiguise les armes.</span></span></span><br />
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjjxge6PVZZdtLnzas0f3JdWPVVBBZLRevMou1S08rYiMkYsqPIZPDbs7HoXCwTdnID6WWeUImJ4-zC3hWY_SV9r-5sp20XWD8pQ55OXI8heVl2FGZCRYir46s79sh-OlIotWtq2gSt3rw/s1600/Ocre+rouge.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1200" data-original-width="1600" height="480" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjjxge6PVZZdtLnzas0f3JdWPVVBBZLRevMou1S08rYiMkYsqPIZPDbs7HoXCwTdnID6WWeUImJ4-zC3hWY_SV9r-5sp20XWD8pQ55OXI8heVl2FGZCRYir46s79sh-OlIotWtq2gSt3rw/s640/Ocre+rouge.jpg" width="640" /></a></div>
</div>
<style type="text/css">
p { margin-bottom: 0.21cm; background: transparent }</style>Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-17281843731147155542020-04-19T10:09:00.002-07:002020-04-19T10:09:47.251-07:00Deux aquarelles<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiPkcndSkLVEzy6hEPvOzIMO7DEbdCNaDtZpj8gjchiplXz5fhve1TmsQW5Eve0-PWLfoI8DbjIjHBAuZdYIJal3avsKZ5KhjQ43tPyDOGBgbKR2THRWSjg2C2OwJVu8lmbe5MKuoohpNw/s1600/IMG_20200325_125506.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1231" data-original-width="1600" height="491" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiPkcndSkLVEzy6hEPvOzIMO7DEbdCNaDtZpj8gjchiplXz5fhve1TmsQW5Eve0-PWLfoI8DbjIjHBAuZdYIJal3avsKZ5KhjQ43tPyDOGBgbKR2THRWSjg2C2OwJVu8lmbe5MKuoohpNw/s640/IMG_20200325_125506.jpg" width="640" /></a></div>
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiA1oLlengq4Fl2E2Ied2RgnWHpSuLqXFoNJKspX__DsfjS43o9VQ8spD32uYIqzljtDyWqinOGWfQGwnyVxBHakpprz67W3vrFwqmYRnq7gtQL0EgpdU7hOdj-JGO6y63F9UeUP6XBdLc/s1600/IMG_20200413_174040.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1269" data-original-width="1600" height="506" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiA1oLlengq4Fl2E2Ied2RgnWHpSuLqXFoNJKspX__DsfjS43o9VQ8spD32uYIqzljtDyWqinOGWfQGwnyVxBHakpprz67W3vrFwqmYRnq7gtQL0EgpdU7hOdj-JGO6y63F9UeUP6XBdLc/s640/IMG_20200413_174040.jpg" width="640" /></a></div>
<br />Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-69081964260015791162020-01-12T02:26:00.000-08:002020-01-12T02:26:33.831-08:00Revue GauekoLe numéro 2 de la revue est en ligne sur le site <a href="http://www.lesruminants.org/revue-gaueko-a161090260">lesruminants.org</a><br />
<br />
Ce numéro est dédié à mon grand-père dont le cœur a cessé de battre le 14 décembre 2019 :<br />
<br />"Je rêve souvent d'un voyage vers le Grand Nord<br />À la proue d'un bateau qui traverse les glaces<br />Accompagnée de proches<br />Je contemple le ciel étoilé et la banquise<br />Scintillante sous le clair de lune<br />Rien ne m'inquiète alors<br />
<br />À l'horizon des flammes apparaissent<br />Nous approchons du feu<br />Nous accostons sur la banquise<br />Des silhouettes dansent et chantent autour du grand foyer<br />Il y a là tous nos ancêtres<br />Ils nourrissent l'esprit des êtres et des choses<br />Et leurs souvenirs tissent l'avenir<br />
<br />Je sais que je te retrouverai<br />Dragon parmi les dragons<br />Une nuit prochaine<br />
<br />Tu danses déjà sûrement dans ce paysage d'âmes<br />Qui sème la vie sur Terre."<br />
<br />Ana MinskiMita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-4915144827144604562020-01-08T03:50:00.004-08:002020-01-08T03:51:24.737-08:00Femelles, 3 aquarelles sur papier<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjNssEmE6_azqomPGkSKQx70f3pUavAoPO9Me2Yjcmc6x8lGEVQ0A5Xiet7BIyNivDtma8epq1tn808JWdXLkvn71pLMH1B3WWyIjfITyyVVYwKPBHQ3f_5Zw2mUsLU_miOt951HxzG9tc/s1600/femelles.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1304" data-original-width="1600" height="520" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjNssEmE6_azqomPGkSKQx70f3pUavAoPO9Me2Yjcmc6x8lGEVQ0A5Xiet7BIyNivDtma8epq1tn808JWdXLkvn71pLMH1B3WWyIjfITyyVVYwKPBHQ3f_5Zw2mUsLU_miOt951HxzG9tc/s640/femelles.jpg" width="640" /></a></div>
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEirXnxe-Bf2NroV9yZ3Prh3FzRNXsUTkGBqE_npOEnrv9W7suOGVvVmvRX7BugGZ9AMoXgDH73er-zHG3fmu1ZSkvZ-cFIgZr-Gj6CEbCu2oVgnhQ1M_vPz-k7GvXKhXXjOkgC_EkQzsP4/s1600/cheval.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1208" data-original-width="1600" height="482" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEirXnxe-Bf2NroV9yZ3Prh3FzRNXsUTkGBqE_npOEnrv9W7suOGVvVmvRX7BugGZ9AMoXgDH73er-zHG3fmu1ZSkvZ-cFIgZr-Gj6CEbCu2oVgnhQ1M_vPz-k7GvXKhXXjOkgC_EkQzsP4/s640/cheval.jpg" width="640" /></a></div>
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgDowyw-q0FMy-xnYLdPGBH-8aOrCljmOLAiTpx2mw-kTpQRIoiMPGDeCXROi59JS37J-5udpFUtekJgwWQou_bWEJgO_mTmnEZmxYayvOi_QsXtLVmPVYJNDuc6R3jGA6AnEidWEJndAg/s1600/n%25C3%25A9penth%25C3%25A8s.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1155" data-original-width="792" height="640" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgDowyw-q0FMy-xnYLdPGBH-8aOrCljmOLAiTpx2mw-kTpQRIoiMPGDeCXROi59JS37J-5udpFUtekJgwWQou_bWEJgO_mTmnEZmxYayvOi_QsXtLVmPVYJNDuc6R3jGA6AnEidWEJndAg/s640/n%25C3%25A9penth%25C3%25A8s.jpg" width="438" /></a></div>
<br />Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-19328064488638323432019-10-11T04:05:00.002-07:002019-10-11T04:05:47.781-07:00Homo domesticus de James C. Scott<h2 style="text-align: center;">
<i>Homo domesticus </i>ou </h2>
<h2 style="text-align: center;">
le<i> Grand récit de la Voie mâle :</i></h2>
<h2 style="text-align: center;">
<span style="font-size: small;"><span style="font-weight: normal;">publié sur <a href="http://partage-le.com/">partage-le.com</a></span></span><i><a href="http://partage-le.com/" target="_blank"> </a></i></h2>
<div style="text-align: justify;">
<i> Homo domesticus, une histoire profonde des premiers États</i>,
de James C. Scott, est paru aux éditions La Découverte en 2018. Dans la
suite de cet article, sauf indication, les citations sans note de
renvoi en sont tirées.</div>
<div style="text-align: justify;">
Dans ce livre,
l’auteur, anarchiste et professeur de sciences politiques, s’appuie sur
une intuition — l’homme, depuis l’aube des temps, a façonné la nature
(plantes, animaux, paysages) selon ses besoins — pour réinterpréter les
données archéologiques et produire un récit transhistorique.</div>
<div style="text-align: justify;">
Dans ce récit, un anthropocène faible naîtrait dès la domestication du feu par <i>Homo erectus, </i>domestication qui participerait à l’hominisation de ses successeurs jusqu’à <i>Homo sapiens,</i>
maître de la domestication, roi des façonneurs d’environnements,
lui-même produit de cette domestication complète du monde. Les
chasseurs-cueilleurs du Paléolithique ne seraient donc pas moins des <i>Homo domesticus</i>
que les hommes modernes des sociétés capitalistes, et cette
auto-domestication expliquerait notre servitude volontaire envers
l’État.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<b>L’esprit du feu</b></div>
<blockquote>
<div style="text-align: justify;">
« Grâce
aux hominidés, la majeure partie de la flore et de la faune du globe se
compose d’espèces adaptées au feu (pyrophytes) et favorisées par son
usage. Les conséquences de l’ignition anthropogénique sont si massives
que l’on peut estimer, du point de vue d’une analyse équilibrée de
l’impact de l’être humain sur le monde naturel, qu’elles sont nettement
plus importantes que celle de la domestication des plantes et des
animaux. Si le rôle du feu anthropogénique en tant qu’architecte
paysagiste est largement absent de nos récits historiques, c’est
peut-être parce que ses effets s’étalent sur des centaines de
millénaires et sont attribuables à des peuples “précivilisés<i>”</i>, également connus comme “sauvages<i>”. </i> »</div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Le
feu anthropogénique serait donc le grand architecte paysagiste,
s’offrant aux hominidés pour qu’ils façonnent leur environnement selon
leurs besoins. Peut-être a-t-il même attendu l’apparition de l’homme
pour exister sur terre, comme les espèces ont aussi patienté, amoureuses
transies, pour servir l’homme dans ses grands projets de paysagiste et
s’adapter sagement au feu, au désert et aux cendres. James C. Scott
affirme que la domestication du feu a eu un impact bien plus important
que la domestication des plantes et des animaux toutes périodes et
cosmogonies confondues, renouvelant le mythe prométhéen qui fonde la
civilisation occidentale et son grand récit de la Voie mâle,
s’inscrivant dans la lignée des auteurs qui affirment que la possession
du feu a marqué une rupture dans la phylogenèse des hominidés, séparant
définitivement l’homme de toutes les autres espèces.</div>
<div style="text-align: justify;">
Dans
ce récit de Scott, l’homme aurait entamé sa marche vers la
domestication de son être et du monde il y a plus de 400 000 ans.
Pourtant, de nombreuses études pluridisciplinaires, menées ces dernières
années sur différents continents, s’accordent pour identifier les
premiers impacts de l’homme sur les environnements à partir de l’âge des
métaux et plus particulièrement de l’âge du fer.</div>
<div style="text-align: justify;">
Au
Gabon, l’homme préhistorique serait présent dès 300 000 ans avant le
présent. Cette longue histoire paléolithique est inscrite dans un
contexte de savanes préexistantes. D’importants changements
paléoenvironnementaux, qui ne se limitent pas à la seule période
Holocène, mais incluent le Pléistocène, ont été largement étudiés. Les
fluctuations de l’hydro-climatologie océanique de l’Atlantique seraient
responsables des variations de la mousson guinéenne dont dépendent les
écosystèmes de la zone concernée. Les vestiges archéologiques mis au
jour se concentrent dans ces zones ouvertes et confirment la relation
très étroite qui existe entre la proximité des cours d’eau et les
tailleurs de pierre qui y trouvaient de l’eau potable, de la matière
première abondante pour leurs outillages (galets), du gibier et une
importante disponibilité d’ignames sauvages, ressource alimentaire de
base<sup><a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-1" id="post-10736-footnote-ref-1">[1]</a></sup>.
Les hommes de la Préhistoire ont donc essentiellement vécu dans un
environnement ouvert et n’ont pénétré en forêt de manière ponctuelle
qu’au Néolithique. Au Gabon, un stade néolithique apparaît au IIe
millénaire avant J.-C., avant de céder la place aux paléométallurgistes
bantouphones, arrivés en provenance du Nord, vers 500–300 ans avant
J.-C. Les données anthracologiques indiquent une conjonction entre aléas
climatiques et développement des cultures néolithiques puis
métallurgistes — la maîtrise de la métallurgie ayant facilité les
déplacements —, et même si l’usage du brûlis est visible à l’époque des
proto-agriculteurs bantous, son impact forestier reste très faible<sup><a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-2" id="post-10736-footnote-ref-2">[2]</a></sup>.
Dans certaines régions, le bassin côtier et les plateaux du Nord-Est,
un impact anthropique est visible, sur 3 000 000 d’hectares de forêt
secondaire, brousses, jachères et plantations, mais il est postérieur
aux temps préhistorique et protohistorique et est lié à l’exploitation
forestière et aux défrichements agricoles, ainsi qu’à la production de
charbon de bois pour les besoins de la métallurgie traditionnelle et du
bois de chauffe<sup><a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-3" id="post-10736-footnote-ref-3">[3]</a></sup>.</div>
<div style="text-align: justify;">
En
ce qui concerne l’Amazonie, d’une manière générale, l’altération
précolombienne de la forêt et l’ingénierie paysagère ont été le plus
clairement associées à l’émergence de puissantes politiques régionales,
vers 1 500 ans avant le présent, suivie d’une période de jachère
forestière après le colonialisme européen. Cependant, les populations
agricoles densément établies n’ont pas dépouillé le paysage de ses
arbres, comme c’est le cas des pratiques modernes de développement, mais
ont plutôt créé des mosaïques parcellaires d’utilisation des terres
(dans l’espace et selon la saison). Comme aujourd’hui, elles auraient
incorporé diverses stratégies de gestion des forêts et des zones
humides, y compris la polyculture séquentielle dans les cycles de
rotation à long terme de l’agriculture et de l’arboriculture, la gestion
des zones humides à grande échelle, l’utilisation inégale des terres et
la « connectivité » des forêts à travers les corridors d’habitats<sup><a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-4" id="post-10736-footnote-ref-4">[4]</a></sup>.</div>
<div style="text-align: justify;">
En
France, même scénario : les impacts anthropiques sur les
paléoenvironnements apparaissent au Néolithique et s’aggravent avec
l’apparition de l’exploitation des métaux<sup><a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-5" id="post-10736-footnote-ref-5">[5]</a></sup>.
Les analyses palynologiques, géochimiques, pédoanthracologiques
identifient clairement les pratiques agricoles, pastorales et minières
comme les premières activités à impact anthropique significatif.</div>
<div style="text-align: justify;">
Mais
que signifie « domestiquer le feu », « maîtriser le feu » ? Les verbes
employés renvoient toujours à une force humaine qui s’impose au feu pour
l’asservir, c’est une vision militaire de la relation, une
hiérarchisation qui donne à l’homme le rôle actif et dominant et une
manière de réduire toutes les relations de l’homme avec le feu au récit
prométhéen. Ces verbes ne sont pas adéquats pour décrire les différents
usages du feu par les hommes du Paléolithique et ne rendent pas compte
de la diversité des pratiques des différentes populations. Pour de
nombreux peuples actuels, le feu est fondamentalement puissant et libre,
et cette puissance et liberté sont acceptées et vénérées. Chez les
peuples animistes, le feu est vivant, il a une volonté, il est un esprit
avec lequel il est possible de communiquer, il en était certainement de
même pour les peuples du paléolithique.</div>
<div style="text-align: justify;">
Le
feu, de la Préhistoire aux peuples indigènes actuels, est un esprit qui
s’inscrit dans le temps et l’espace ; il est un agent actif du paysage,
du clan, du monde, de la mémoire, du rêve ; il effraie, fascine,
émerveille. Il est bien plus essentiel d’être son allié que son maître.</div>
<div class="caption">
<img alt="" class="aligncenter size-full wp-image-10738 lazyloaded" data-src="https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2019/09/70725502_904256589943376_572778479272067072_n.jpg" data-srcset="https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2019/09/70725502_904256589943376_572778479272067072_n.jpg 960w, https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2019/09/70725502_904256589943376_572778479272067072_n-300x169.jpg 300w, https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2019/09/70725502_904256589943376_572778479272067072_n-768x432.jpg 768w" height="540" src="https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2019/09/70725502_904256589943376_572778479272067072_n.jpg" width="960" /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<b>Le grand domesticateur</b></div>
<blockquote>
<div style="text-align: justify;">
« Le
cas des moutons et des chèvres, premiers animaux domestiques non
commensaux du Moyen-Orient, constitue en revanche une profonde
révolution dans le monde des mammifères. Il s’agissait après tout
d’animaux qui avaient été pendant des milliers d’années les proies du
chasseur <i>Homo sapiens</i>. Au lieu de simplement les tuer, les
villageois néolithiques les ont capturés, clôturés, protégés des autres
prédateurs, les nourrissant au besoin et favorisant leur fécondité. Ils
ont tiré profit du lait, de la laine et du sang des animaux vivants,
avant d’exploiter leur carcasse une fois abattus, comme l’aurait fait un
chasseur… elles présentaient à l’état sauvage des caractéristiques qui
les prédisposaient à la vie dans la <i>domus</i>. Parmi les traits
mentionnés, citons avant tout la vie en troupeau et la hiérarchie
sociale qui l’accompagne, la tolérance à divers types de conditions
environnementales, un régime alimentaire au moins partiellement
omnivore, la capacité de s’adapter aux fortes concentrations et aux
maladies, celle de se reproduire en captivité et, pour finir, la
relative neutralisation des comportements de peur et de fuite face aux
stimuli externes. […] un trait symptomatique de la quasi-totalité des
espèces domestiquées : une diminution générale de leur réactivité
émotionnelle. On peut considérer cette espèce d’anesthésie émotionnelle
comme une condition de l’existence dans une <i>domus</i> surpeuplée et
sous surveillance humaine, à savoir un milieu où ne se manifestent plus
les violentes pressions liées à la sélection naturelle qui induisent
une réaction instantanée à la présence de proies et/ou de prédateurs. »</div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Cette
conception de l’animal domestique — adaptation au système
concentrationnaire, reproduction en captivité, indifférence aux stimuli
externes — méprise les capacités cognitives et sensorielles des
non-humains, nie la brutalité et la violence qu’un milieu
concentrationnaire exerce sur tout être vivant, même domestiqué, et
rejette l’importante diversité des relations qui s’instaurent entre les
hommes et les non-humains de la <i>domus</i>.</div>
<blockquote>
<div style="text-align: justify;">
« À
la lumière de l’histoire profonde et des effets massifs de ces
pratiques, l’idée de domestication doit être redéfinie sur une base
beaucoup plus large que celles de l’agriculture et de l’élevage. Depuis
l’aube de l’humanité, c’est la totalité de son environnement, et pas
seulement telle ou telle espèce, qu’<i>Homo sapiens </i>s’est employé à domestiquer. »</div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
La
définition élargie de la domestication, remise en cause par de nombreux
anthropologues et éthologues, permet de réduire et de généraliser des
comportements contrastés et fait étrangement écho à l’enthousiasme
d’Haudricourt pour la révolution néolithique :</div>
<blockquote>
<div style="text-align: justify;">
« Un
pas décisif fut franchi dans l’évolution de l’humanité avec la
découverte de la culture des plantes alimentaires et la domestication
des animaux. On l’a qualifié à juste titre de révolution. »</div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
C’est
pour éviter ce genre de généralisation et tenter de comprendre les
relations entre les humains et les autres animaux dans les différentes
sociétés qui ont existé et qui existent que le terme de
« domestication » a été redéfini par François Sigaut en 1988 :</div>
<blockquote>
<div style="text-align: justify;">
« […]
la notion empirique de domestication confond des réalités différentes,
qu’il faut démêler pour mettre fin à la confusion. Trois d’entre elles
me paraissent maintenant particulièrement évidentes :<i> l’appropriation</i> de l’animal, sa <i>familiarisation </i>avec l’homme, et son <i>utilisation</i>. »</div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Ces
trois notions ne sont pas nécessairement liées. Des animaux familiers —
chiens, chats, etc. — nous appartiennent mais n’ont aucune utilité
économique tandis que des animaux sauvages peuvent appartenir à certains
hommes, comme cela a été le cas au XVIe siècle lorsque le roi et les
seigneurs se sont approprié le gibier, condamnant le braconnier au vol.
Il en est de même pour les pigeons ou les lapins de garenne, animaux
sauvages dont l’habitat, la garenne et le pigeonnier, sont des
privilèges nobiliaires. L’utilisation des animaux sauvages peut
également se faire sans instaurer une réelle familiarité avec l’homme :
ainsi en est-il des animaux des spectacles, des zoos, des cirques.
Pendant longtemps, le chat, pour être efficace en tant que chasseur de
souris, était nourri juste suffisamment pour qu’il s’attache à un
territoire, mais il était déconseillé de se familiariser avec lui.</div>
<div style="text-align: justify;">
Tous
les animaux de la ferme, bœufs et vaches, moutons, porcs, etc., se
laissent facilement apprivoiser, soit par exemple lorsqu’on fait cadeau
d’un jeune à un enfant, soit lorsque pour des raisons diverses on doit
le nourrir au biberon et à l’écart de ses congénères. Lorsque l’animal
apprivoisé arrive à l’âge adulte, cela pose le plus souvent de sérieux
problèmes. C’est un cheval de près d’une tonne qui veut encore jouer
avec son maître comme lorsqu’il était poulain. C’est tel taureau qui ne
veut pas quitter la maison parce qu’il a trop peur des vaches et, plus
ordinairement, la crise de larmes que fait l’enfant lorsqu’on doit
abattre son mouton ou manger son lapin favori — genre de crises fréquent
dans des sociétés comme celles de Nouvelle-Guinée, où les porcelets
sont allaités par les femmes. Tout cela, encore une fois, n’est pas
anecdotique, mais montre au contraire combien familiarisation et
utilisation peuvent être dissociées. Le cas extrême est peut-être celui
de l’Amazonie, où l’animal familier a un véritable statut social qui
exclut explicitement qu’on le consomme.</div>
<div style="text-align: justify;">
Il
y a des animaux que les hommes s’approprient, avec lesquels ils nouent
certaines relations, et dont ils font certaines utilisations. Ne pas
prendre en compte cette écologie des relations et les différents usages
du monde nous condamne à répéter la dualité domestique/sauvage,
domestique/libre, sous-contrôle/hors de contrôle, dualité qui méprise le
domestique et fantasme le sauvage.</div>
<div style="text-align: justify;">
En
voulant démontrer que l’avènement de l’État n’est pas ce qu’on veut
nous faire croire (une avancée pour l’humanité), James C. Scott succombe
à un des mythes les plus importants qui fonde son avènement :
l’opposition binaire entre sauvage et domestique, entre forêt et <i>domus</i>. Il n’est d’ailleurs pas anodin qu’il qualifie <i>sapiens</i>
de « domesticateur en chef » — la forêt amazonienne elle-même devenant
un paysage anthropogénique — désormais, l’homme dispose de cette place
privilégiée que lui octroie la civilisation dans cette grande Histoire
de l’évolution. La définition de la domestication à laquelle Scott se
réfère est bien trop large et ne permet pas d’appréhender les
différences fondamentales qui existent entre le pastoralisme des Nénets,
par exemple, et l’insémination artificielle. Cette conception de
l’animal domestique entraîne également une grave confusion entre
« domestication » et « discipline ». Il est plus qu’incongru
d’appréhender l’apparition de l’État sans prendre en compte
l’environnement cosmogonique, économique, technologique et disciplinaire
qui le sert.</div>
<div style="text-align: justify;">
Scott insiste sur le rôle de la domestication dans le façonnement d’un monde correspondant aux besoins de <i>sapiens</i> :</div>
<blockquote>
<div style="text-align: justify;">
« Pat Shipman propose une réponse qui ne repose pas sur la plus forte fécondité supposée de <i>sapiens</i>. Selon elle, la différence fondamentale, c’est la maîtrise d’un autre outil, le loup domestiqué, qui a permis à <i>Homo sapiens </i>de
devenir un chasseur de gros gibier beaucoup plus efficace au lieu
d’être avant tout un charognard. Elle avance de façon convaincante
l’idée que les « chien-loups » ont été apprivoisés – ou se sont attachés
d’eux-mêmes à <i>Homo sapiens </i>– il y a plus de trente-six mille
ans, alors que les deux types d’hominidés cohabitaient. Elle affirme
qu’à la même époque, en raison de l’utilisation de chiens de chasse par <i>Homo sapiens</i>,
une bonne partie du gros gibier était en nette diminution, voire en
voie d’extinction. L’essentiel de son argumentation repose sur le
chevauchement spatial et temporel controversé des deux sous-espèces
ainsi que sur les terrains de chasse qu’elles se disputaient. Reste une
énigme à mes yeux : pourquoi <i>Homo neanderthalensis</i> n’a-t-il pas lui aussi domestiqué le loup ? »</div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Réduire
le loup à un outil montre à quel point l’auteur est sous l’emprise de
la culture capitaliste pour laquelle l’animal se doit d’être le plus
efficace possible au mépris de la nécessité. Ainsi en est-il également
de l’oubli manifeste des cosmogonies indigènes, tant il nous semble
improbable que l’auteur n’ait pas eu connaissance de l’animisme ou du
totémisme. Rappelons également que la chasse au grand gibier était
pratiquée depuis plusieurs millénaires, bien avant la domestication du
chien, qu’il est avéré depuis plusieurs décennies que nos ancêtres
néandertaliens et <i>sapiens</i> étaient tous deux d’excellents
chasseurs capables d’organiser des chasses collectives et que la
disparition du grand gibier n’est pas le fait des peuples de la
Préhistoire. Ce mythe est celui d’une culture qui a perdu le lien avec
les autres existants, qui ne connaît de l’homme que son pouvoir
destructeur et reste sourde à ce que nous disent les sociétés où l’État
n’a pas encore détruit les relations que tissent entre eux les terriens.</div>
<blockquote>
<div style="text-align: justify;">
« Si nous
élevons sélectivement ces espèces domestiques (moutons et chèvres),
c’est afin d’en obtenir les qualités recherchées : reproduction rapide,
tolérance à la captivité, docilité, production de viande, de lait et de
laine. »</div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
À nouveau,
James C. Scott ignore ce que de nombreux chercheurs actuels nomment
« les sociétés hybrides ». D’ailleurs, s’il envisage la possibilité que
l’animal ait eu un rôle à jouer dans cette longue histoire de la
domestication, c’est pour en conclure ironiquement :</div>
<blockquote>
<div style="text-align: justify;">
« La question de savoir qui est au service de qui est presque métaphysique, du moins jusqu’à l’heure du déjeuner. »</div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Et c’est pour cela qu’il peut affirmer :</div>
<blockquote>
<div style="text-align: justify;">
« Plus
généralement, il faut percevoir les ressources d’un territoire à la
façon dont le faisait sans doute un chasseur-cueilleur : comme une
réserve massive, diversifiée et vivante de poissons, de mollusques, de
noix, de fruits, de racines, de tubercules et de carex comestibles,
d’amphibiens, de petits mammifères et de gros gibier. Si l’une de ces
ressources venait à manquer telle ou telle année, une autre pouvait au
contraire être abondante. »</div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Cette
description du territoire des chasseurs-cueilleurs, réduit à une
réserve de ressources, démontre, pour ceux qui en doutaient encore,
l’anthropocentrisme et le sociocentrisme du récit de James C. Scott qui
ne sait concevoir l’environnement et les autres espèces autrement que
comme des objets passifs soumis à la volonté de l’homme. Il ne
s’inquiète pas des différentes socialités que tissent encore aujourd’hui
un certain nombre de peuples autochtones avec leurs compagnons,
socialités le plus souvent caractérisées par une interaction entre les
humains, les autres animaux et le paysage.</div>
<blockquote>
<div style="text-align: justify;">
« Il
y a longtemps, les rennes domestiques et les rennes sauvages
constituaient un seul et même troupeau. Lorsqu’ils ont été attaqués par
des loups une partie du troupeau a décidé de se joindre aux hommes pour
leur sécurité. L’autre partie du troupeau n’était pas d’accord et a
continué à vivre dans la nature. »<sup><a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-6" id="post-10736-footnote-ref-6">[6]</a></sup></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Ce
mythe des Nénets, peuple de l’Arctique pratiquant le pastoralisme,
montre que le renne est un agent possédant une volonté et une
connaissance du territoire, que la domestication est le fruit d’une
rencontre entre deux espèces, et que pour les peuples animistes, leurs
partenaires ne sont ni un produit, ni une marchandise. En Asie du nord,
les rennes sont élevés dans des conditions et selon des méthodes très
différentes : les rennes qui accompagnent les Nénets leur fournissent
nourriture, vêtements, logement et transport, ceux qui assistent les
éleveurs tožu sont rarement consommés — les apports de viande étant
fournis par la chasse —, chez les Touvas les rennes font partie de la
famille ; l’élevage pastoral de la toundra septentrionale peut
rassembler des troupeaux de plusieurs milliers de têtes destinés à la
viande tandis que dans les régions de taïga centrales et méridionales,
les chasseurs-collecteurs élèvent de petits troupeaux de quelques
dizaines de rennes pour le transport.</div>
<div style="text-align: justify;">
Pour
lutter contre les menaces internes (maladie) et externes (les
prédateurs), les éleveurs se fient à la mémoire et à la connaissance de
l’environnement des rennes, à leur compréhension des variations du
relief et du climat. Ce mode d’élevage stimule les compétences,
l’autonomie et la responsabilité des rennes dont le rôle actif participe
aux interactions entre les hommes et le milieu. Les rennes sont donc
élevés librement, sans clôture, et l’éleveur accorde au loup une part du
troupeau, le loup s’attaquant aux individus faibles ou malades. Le
comportement des rennes n’est pas codé par un instinct inné mais est
acquis épigénétiquement en contact avec l’environnement<sup><a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-7" id="post-10736-footnote-ref-7">[7]</a></sup>:</div>
<blockquote>
<div style="text-align: justify;">
« […]
dans la pratique quotidienne, les rennes changent et adaptent leur
comportement à celui de leurs maîtres humains de la même manière que les
éleveurs adaptent leur comportement à celui du troupeau. Le
comportement animal et humain se renforcent mutuellement dans une boucle
de rétroaction, donnant lieu à une « adaptation mutuelle dynamique »
qui varie selon les différents systèmes de troupeaux. Les itinéraires
migratoires sont déterminés conjointement par les besoins et la mémoire
des rennes et par les choix des éleveurs, et sont décrits comme une
circulation des volontés entre les humains et les animaux. »<sup><a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-8" id="post-10736-footnote-ref-8">[8]</a></sup></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
À
la relation entre l’homme et l’animal s’ajoute l’agente paysagère : les
hommes et les animaux sont attirés par des sites spécifiques qui
rendent possible leur coexistence et participent à la modification des
paysages. Les communautés pastorales sont des associations hybrides
d’animaux, de paysages et d’hommes, qui composent des niches
socio-écologiques spécifiques par leurs interactions mutuelles<sup><a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-9" id="post-10736-footnote-ref-9">[9]</a></sup>.</div>
<div style="text-align: justify;">
Il
est important de saisir, si nous voulons comprendre les conséquences
que les différentes relations qui s’établissent entre les hommes, les
autres animaux et les paysages ont sur les sociétés hybrides, de
comprendre qu’agir avec et dans la nature n’est pas transformer ou
façonner la nature.</div>
<div style="text-align: justify;">
D’aucuns
rappelleront que les peuples autochtones actuels ne sont pas les peuples
de la Préhistoire, et d’autres affirmeront que l’archéologie aurait mis
au jour des preuves permettant d’interpréter les animaux consommés
comme une ressource purement matérielle et nutritive pour les
populations. Le renne a abondamment été chassé par l’homme du
paléolithique, il est très peu représenté dans l’art pariétal, ce qui
supposerait qu’il existait une distinction forte entre une « sphère
matérielle » représentée par les restes osseux en tant que « déchets de
cuisine », et une « sphère symbolique » indépendante, représentée par
l’art pariétal. C’est oublier que le renne est fréquemment représenté
dans l’art mobilier, ses os et ses dents sont souvent employés dans la
parure corporelle, et certaines pratiques bouchères qui le concernent
(entre autres animaux chassés) montrent des signes de ritualisation : le
renne est donc clairement investi d’une dimension symbolique
importante.</div>
<div class="caption">
<img alt="" class="aligncenter size-full wp-image-10739 lazyloaded" data-src="https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2019/09/70234933_499252500872451_6042373121174929408_n.jpg" data-srcset="https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2019/09/70234933_499252500872451_6042373121174929408_n.jpg 960w, https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2019/09/70234933_499252500872451_6042373121174929408_n-300x219.jpg 300w, https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2019/09/70234933_499252500872451_6042373121174929408_n-768x561.jpg 768w" height="701" src="https://www.partage-le.com/wp-content/uploads/2019/09/70234933_499252500872451_6042373121174929408_n.jpg" width="960" /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<b>La voie mâle</b></div>
<blockquote>
<div style="text-align: justify;">
« D’autres
saisirent les opportunités historiques offertes par leurs contacts avec
les Européens afin d’accroître leur mobilité, tels les Sioux et les
Comanches lorsqu’ils mirent le cheval au service de leurs activités de
chasse, de commerce et de prédation, ou les Navajos lorsqu’ils devinrent
éleveurs de moutons. »</div>
<div style="text-align: justify;">
« Plutôt que
de compter uniquement sur un éventail restreint de ressources
alimentaires, les humains de l’époque [historique] ressemblaient sans
doute plutôt à des généralistes opportunistes gérant un large
« portefeuille » d’options de subsistance réparties sur plusieurs
réseaux alimentaires. »</div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Dans
le récit de Scott, l’être humain est un organisme qui, dans sa quête de
ressources, privilégie la rentabilité, calcule l’équilibre entre coûts
et bénéfices, comme s’il n’était pas tenu par des lois culturelles,
sociales, économiques. Cette conception de l’homme est parfaitement en
adéquation avec celle de la culture capitaliste qui, sous prétexte
d’objectivité et de rationalité, quantifie tout ce qu’elle peut, de nos
bols alimentaires à nos émotions les plus subjectives. Toute stratégie
de subsistance est ici soumise à la loi de la rentabilité, de
l’optimisation, comme si l’homme était seul maître des lieux.</div>
<blockquote>
<div style="text-align: justify;">
« La
domestication a changé la constitution génétique et la morphologie des
espèces cultivées et des animaux présents dans l’espace de la <i>domus</i>.
La cohabitation de plantes, d’animaux et d’humains qui caractérise les
sites agricoles a engendré un nouvel environnement largement artificiel
au sein duquel la pression de la sélection darwinienne a promu de
nouvelles adaptations. Les nouvelles cultures sont devenues des espèces
« handicapées » incapables de survivre sans des soins et une protection
constante de notre part. […] N’est-il pas plausible que dans un tel
contexte, un processus similaire ait affecté les êtres humains ? Comment
avons-nous été nous aussi domestiqués par la <i>domus</i>, par notre
confinement, par une plus forte densité démographique et par nos
nouveaux modèles d’activité physique et d’organisation sociale ? »</div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Les
espèces domestiquées ne cessent de surprendre les éthologues par leur
intelligence et leur capacité à appréhender leur environnement : il n’y a
pas si longtemps, les petits bergers des campagnes françaises étaient
défendus contre le loup par leurs propres vaches<sup><a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-10" id="post-10736-footnote-ref-10">[10]</a></sup>,
en méditerranée ce sont des moutons ou des chèvres qui mènent le
troupeau, et dans les transhumances, les bêtes meneuses guident le
berger qui ne connaît pas la route<sup><a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-11" id="post-10736-footnote-ref-11">[11]</a></sup>.
Les domestiqués sont également capables de se libérer de la protection
du « domesticateur » : le marronage est plus courant qu’on ne le pense,
et le réensauvagement est possible, comme en témoigne le mouflon de
Corse<sup><a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-12" id="post-10736-footnote-ref-12">[12]</a></sup>, le cheval de Przewalski, et peut-être aussi les Pottok et les Betizu. James C. Scott identifie la <i>domus</i>
comme lieu de déchéance, où des êtres sains mettent au monde des êtres
« handicapés », négligeant le fait que les sociétés d’éleveurs et de
cultivateurs n’ont pas toujours eu pour idéal de soumettre le vivant à
leur volonté et qu’ils n’ont pas, toujours et de tout temps, enfermé
leurs bêtes et contrôlé leur reproduction. Ce projet est celui de la
zootechnie fondée au milieu du XIXe siècle et qui établit les bases
théoriques de la science de l’élevage intensif et concentrationnaire,
rationalise les techniques d’élevages pour en augmenter la productivité.
L’enfermement des animaux a par ailleurs causé beaucoup de morts, car
quoiqu’en dise James C. Scott, aucun animal n’est adapté à la vie en
milieu concentrationnaire. C’est l’arrivée des antibiotiques qui a
permis d’obtenir des résultats exploitables. Avec l’analyse systémique,
développée au M.I.T (Massachussett Institut of Technology), un des
temples du rationalisme, l’exploitation agricole a sombré jusqu’à
l’externalité de tout l’atelier, rendant ainsi administrables bêtes et
éleveurs :</div>
<blockquote>
<div style="text-align: justify;">
« Dans la
vision systémique, la ferme n’est plus vue comme un équilibre entre
plusieurs activités complémentaires, mais comme un amoncellement de
productions optimisées. »<sup><a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-13" id="post-10736-footnote-ref-13">[13]</a></sup></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Le
projet de l’État est clairement d’intégrer l’élevage et l’agriculture à
l’industrie, à une logique de surproduction, parce que
l’industrialisation, bien plus qu’un processus productif et
bureaucratique, est une vision du monde. À l’heure où l’agriculture
biologique perd peu à peu son statut de pratique pour devenir une
marque, il est regrettable que James C. Scott ne se soit pas davantage
intéressé au rôle de l’État dans cette destruction systématique du lien
au sol qui a été la première raison d’être de la culture biologique. Si
l’obsession de l’État à déposséder dès que possible chaque être vivant
de ses moyens de subsistance est visible dans la domestication, il est
indispensable de définir précisément ce qu’elle est dans une société
étatique et capitaliste : un contrôle violent et imposé de la
reproduction.</div>
<div style="text-align: justify;">
La domestication du
loup par les préhistoriques ne peut être comparable à celle des
manipulations génétiques menées par l’INRA, par exemple. Progrès
scientifique et production industrielle sont nés dans un même mouvement
historique, l’un fournissant le cadre idéologique permettant la
progression des réalisations pratiques de l’autre, et il n’est pas
anodin que l’élevage scientifique soit depuis des décennies orienté vers
la sélection génétique. En France, c’est la loi de 1966, dite « loi sur
l’élevage », qui permet à l’État de mettre à profit les travaux de
l’INRA en matière d’amélioration génétique du cheptel par la génération
des techniques d’insémination artificielle. L’Institut National de la
Recherche Agronomique, fondé en 1946, peut enfin imposer son travail de
sélection génétique à la profession. Le projet « Voie mâle » de l’INRA
en dit long sur la vision du monde de l’État : contrôler et produire ce
qui est le cœur de la sphère domestique, l’alimentation et la
reproduction. Le nom même du projet en dit long sur l’état mental de
ceux qui adhèrent à ce projet de société : la femelle ne saurait être
productive par elle-même, c’est le mâle, le mâle génétiquement boosté
qui permet à la femelle de produire plus de lait, logique d’aliéné. Et
c’est ainsi que les chercheurs de l’INRA ne cessent de proposer des
mâles génétiquement sélectionnés, annonçant dans chaque tablette de
présentation que le fruit de leur travail servira à des transferts de
connaissances vers l’être humain.</div>
<div style="text-align: justify;">
Occultant
toutes les autres histoires et cosmogonies, James C. Scott nous invente
un Grand Récit qui englobe le passé, le présent et l’avenir pour
réduire <i>sapiens</i> à un « domesticateur ». L’auteur n’a pas été
épargné par l’idéologie de la « Voie mâle », sa définition du domestique
ne lui permettant pas de briser la binarité domestique/sauvage,
domestique/libre. C’est ainsi qu’il ne dénonce jamais ce que représente
la <i>domus</i> dans une société patriarcale et étatique : la sphère
domestique dans laquelle sont confinés femmes, enfants et esclaves,
celle des soins du corps — de l’alimentation et de la reproduction —,
celle qui a toujours été méprisée par ceux qui se nomment libres parce
que dispensés de ces activités qui leur rappellent leur condition
d’homme biologique et mortel. Les domestiqués, enchaînés aux besoins si
méprisables du corps, n’ont pas l’autorisation d’agir dans la sphère
publique, politique, intellectuelle, créatrice. Cette vision de la <i>domus</i> est celle du maître policé qui se pavane dans la sphère publique ignorant tout de ce qu’est la sphère domestique.</div>
<div style="text-align: justify;">
La
sphère domestique, puisqu’il « convient d’entendre le terme de
« domestication » — de « domus », la maisonnée, l’unité domestique — de
façon assez littérale », a de tout temps existé, mais c’est quand elle
s’est séparée de la sphère publique que la servitude a permis à l’État
de croître et de prospérer.</div>
<div style="text-align: justify;">
L’aliénation
des maîtres est née le jour où les mâles ont cru qu’ils pourraient
contrôler la fertilité et se libérer des nécessités du corps.
L’insémination et l’intelligence artificielles portent en elles le
projet de la civilisation : s’extraire des contingences du vivant. Ce
projet est le fruit d’une idéologie et non d’une espèce<i>. </i>Renouer
avec le domestique et le défendre c’est se réconcilier avec notre corps
et comprendre que le sauvage est cette part fragile et fascinante qui
surgit chaque fois que le mystère de la vie nous submerge.</div>
<div style="text-align: right;">
<b>Ana Minski</b></div>
<hr />
<ol style="text-align: justify;">
<li id="post-10736-footnote-1">Hladik, <i>Les plantes à tubercules de la forêt dense d’Afrique centrale</i>. Revue Écologie, Terre et Vie, vol. 39, p. 249–290. <a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-ref-1">↑</a></li>
<li id="post-10736-footnote-2">Peyrot <i>et</i> <i>al</i>., 2003, <i>Les
paléoenvironnements de la fin du Pléistocène et de l’Holocène dans la
réserve de la Lopé (Gabon) : Approche par les indicateurs
géomorphologiques, sédimentologiques, phytologiques, géochimiques et
anthropogènes des milieux enregistreurs de la dépression la Lopé.</i> L’Anthropologie, Paris, n° 107, p. 291–307 <a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-ref-2">↑</a></li>
<li id="post-10736-footnote-3"><i>Ibid</i>. <a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-ref-3">↑</a></li>
<li id="post-10736-footnote-4">Michael Heckenberger, <i>Bio-historical diversity, sustainability and collaboration in the Xingu</i>, Anuário Antropológico <a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-ref-4">↑</a></li>
<li id="post-10736-footnote-5">Stéphanie Goepp <i>et</i> <i>al</i>., <i>Pédoanthracologie, dynamiques de végétation et anthropisation dans les Hautes-Vosges</i> (Massif du Rossberg, Haut-Rhin, France) <a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-ref-5">↑</a></li>
<li id="post-10736-footnote-6">Charles Stépanoff, <i>The rise of reindeer pastoralism in Northern Eurasia: human and animal motivations entangled</i> <a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-ref-6">↑</a></li>
<li id="post-10736-footnote-7"><i>Ibid.</i> <a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-ref-7">↑</a></li>
<li id="post-10736-footnote-8"><i>Ibid.</i> <a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-ref-8">↑</a></li>
<li id="post-10736-footnote-9">David G. Anderson, <i>Cultures of reciprocity and cultures of control in the Circumpolar North</i> <a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-ref-9">↑</a></li>
<li id="post-10736-footnote-10">Jean-Marc Moriceau, <i>L’homme contre le loup. Une guerre de deux mille ans</i>. <a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-ref-10">↑</a></li>
<li id="post-10736-footnote-11">Anne-Marie Brisebarre, <i>Bergers et transhumances</i> <a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-ref-11">↑</a></li>
<li id="post-10736-footnote-12">F. Poplin, <i>Origine du Mouflon de Corse dans une nouvelle perspective paléontologique : par marronnage</i> <a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-ref-12">↑</a></li>
<li id="post-10736-footnote-13">Xavier Noulhianne, <i>Le ménage des champs, chronique d’un éleveur du XXIe siècle</i> <a href="https://www.partage-le.com/2019/09/homo-domesticus-ou-le-grand-recit-de-la-voie-male-par-ana-minski/#post-10736-footnote-ref-13">↑</a></li>
</ol>
Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-76676522744841070102019-09-19T03:43:00.002-07:002019-09-19T03:43:27.747-07:00Animaux en terres humaines I<br />
Mon premier roman n'a trouvé aucun éditeur.<br />
Écrit en 2014, il m'a permis de rencontré Louise à qui il offre une voix.<br />
Je le mets à disposition en .epub et .pdf.<br />
Il est possible d'en commander une version papier qui sera imprimée à la maison, cousu main et numérotée.<br />
<br />
<br />
<i>Animaux en terres humaines I Les bêtes noires</i> est donc disponible sur ce lien : <span style="color: blue;"><a href="http://www.lesruminants.org/romans-a170344056" target="_blank">Les Ruminants</a></span><br />
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhZ3g4qfr_Ql21knNyfnB30aABPm1IxPlc6F_cU42xZils1iwwqTj126EX6bXsQVkLFyFJAFWM4_FtUURU6dWq0MjOAlR1Rw_2HTyMnuKdGWv8PasWZiSmlhZbpX2rCCu27xoy5_r3VFwk/s1600/Roman+Minski+A.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="826" data-original-width="583" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhZ3g4qfr_Ql21knNyfnB30aABPm1IxPlc6F_cU42xZils1iwwqTj126EX6bXsQVkLFyFJAFWM4_FtUURU6dWq0MjOAlR1Rw_2HTyMnuKdGWv8PasWZiSmlhZbpX2rCCu27xoy5_r3VFwk/s400/Roman+Minski+A.jpg" width="281" /></a></div>
<br />Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-62011843024065802862019-06-17T14:30:00.001-07:002019-06-17T14:30:46.216-07:00Encres sur papier<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
"La cage est devenue oiseau <br /> et s'est envolée<br /> et mon cœur est devenu fou<br /> il hurle à la mort<br /> et sourit à mes délires<br /> à l'insu du vent...'' (A. Pizarnik)</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<img border="0" data-original-height="960" data-original-width="678" height="640" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgX0FL9zuB506SimCDx0GVPGXl692vlStW6LqRHDx-bCImAajBeiIyWyQ4Nog0PiVKnBxytQ9415rO6_AYx_8zcaAex8oKck2_krhah3FlRr61rMRN6aX6aHxAXu3ye-g5M1KyEJEK-th0/s640/64275545_10216821608005039_8671103452350251008_n.jpg" width="452" /></div>
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhJ2cCwVFh3aTa4WZCCJujfOlUs2ZVuNHi9AVYsQ3Mhb5cTFs2W2fmuPPYksy1boVMCy3RgGJSmJSRnnV3QYaqzNpu-GAMaB97aUJmv-QPKvlvLYkO4EV0aE6waP_3Iqso-9kew2xZIfa8/s1600/64330067_10216821606965013_8183290713367117824_n.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="960" data-original-width="666" height="640" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhJ2cCwVFh3aTa4WZCCJujfOlUs2ZVuNHi9AVYsQ3Mhb5cTFs2W2fmuPPYksy1boVMCy3RgGJSmJSRnnV3QYaqzNpu-GAMaB97aUJmv-QPKvlvLYkO4EV0aE6waP_3Iqso-9kew2xZIfa8/s640/64330067_10216821606965013_8183290713367117824_n.jpg" width="444" /></a></div>
<br />Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-63769316518169697442019-06-17T08:48:00.000-07:002019-06-17T14:27:11.431-07:00Trois encres sur papier<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj8QilnBaqTqZ_fzV0OIoEjR4j-iYnwDlyWfyM9T-Gz9atbH6Af6uKp2smwPRMfUQXtb-xP0bm5X9dtLHumYBS9OQIVfr-LdDCjOwuQVRgsUiFfVedA1l2mCtgC3pocxMvbIVA2L6h5F58/s1600/Sarya+2.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1098" data-original-width="1600" height="438" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj8QilnBaqTqZ_fzV0OIoEjR4j-iYnwDlyWfyM9T-Gz9atbH6Af6uKp2smwPRMfUQXtb-xP0bm5X9dtLHumYBS9OQIVfr-LdDCjOwuQVRgsUiFfVedA1l2mCtgC3pocxMvbIVA2L6h5F58/s640/Sarya+2.jpg" width="640" /></a></div>
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjbRbkvgjTssdBGryzSXkuhxKYkV8pTWHysPPETm4IO0WOFb63XeBOBOfHLS_elgerfP1DmHMCcJ1doQqT6f9yPYacyKqFMuPxa8HeBypaprZzQru3UzEZ58aO0QCssrffVsT4IPuEA8Lk/s1600/Sarya.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1600" data-original-width="1343" height="640" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjbRbkvgjTssdBGryzSXkuhxKYkV8pTWHysPPETm4IO0WOFb63XeBOBOfHLS_elgerfP1DmHMCcJ1doQqT6f9yPYacyKqFMuPxa8HeBypaprZzQru3UzEZ58aO0QCssrffVsT4IPuEA8Lk/s640/Sarya.jpg" width="536" /></a></div>
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjsOYmVJ838D6RdYgcMEjL_v4ccHxMqeHuWinW_IisEoxg7j8VAwMWch4U2rWyeClGXsK12gP8cnnXMtcZGk7Td3EzgJeHA2CRC_cwIsXleF5Wn1j1y2sHOf7-u5XdTXR9wWNu4wUzpz-0/s1600/64836110_10216820286812010_6150214858009739264_n.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="949" data-original-width="960" height="632" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjsOYmVJ838D6RdYgcMEjL_v4ccHxMqeHuWinW_IisEoxg7j8VAwMWch4U2rWyeClGXsK12gP8cnnXMtcZGk7Td3EzgJeHA2CRC_cwIsXleF5Wn1j1y2sHOf7-u5XdTXR9wWNu4wUzpz-0/s640/64836110_10216820286812010_6150214858009739264_n.jpg" width="640" /></a></div>
<br />Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-90502484969388154992019-03-29T07:32:00.000-07:002019-03-29T07:32:20.708-07:00Revue GauekoÀ lire sur le site <a href="http://lesruminants.org/" target="_blank">Les Ruminants</a> le premier numéro de la revue Gaueko<br />
Le prochain numéro est prévu pour l'été 2019, vous pouvez envoyer vos textes, poèmes ou nouvelles, 10 000 signes maximum.<br />
<br /><br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhY_9BjFrsNqSiu4OVvMkLsrX9KYd0veAA3kC7o22vBeW_hmghp9GtQHwtMMq36BS2vVjGXK_RShB4wd2eEpB7Y3pjlK7qDvTEOEnLxHmRFnpqhVjhfBhcK8ebeU0B20uCiYGEUptJV8ts/s1600/Couv+Gaueko.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1600" data-original-width="1129" height="640" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhY_9BjFrsNqSiu4OVvMkLsrX9KYd0veAA3kC7o22vBeW_hmghp9GtQHwtMMq36BS2vVjGXK_RShB4wd2eEpB7Y3pjlK7qDvTEOEnLxHmRFnpqhVjhfBhcK8ebeU0B20uCiYGEUptJV8ts/s640/Couv+Gaueko.jpg" width="450" /></a></div>
<br />Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-49841653033825820602019-02-06T12:49:00.000-08:002019-02-06T12:49:00.810-08:00Lecture chronique radio février 2019<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
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</div>
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</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<br />
<br />
<br />
<br />
Lecture du chapitre 3 du livre DGR, un mouvement pour sauver la planète disponible sur le site des éditionslibre.org<br />
<br />
Suivie de la chronique <i>Black Blocs et actions directes</i> à lire sur le site partage-le.com ou à écouter sur vivreencomminges.org<br />
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<iframe width="320" height="266" class="YOUTUBE-iframe-video" data-thumbnail-src="https://i.ytimg.com/vi/BmPFVliS0so/0.jpg" src="https://www.youtube.com/embed/BmPFVliS0so?feature=player_embedded" frameborder="0" allowfullscreen></iframe></div>
<br />
Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-68541544389665485822019-01-28T22:51:00.000-08:002019-01-28T22:54:56.480-08:00Toute civilisation est destructrice<i><span style="font-size: large;">Chronique radio de janvier</span></i> : extrait avec montage-sonore à écouter sur <a href="https://soundcloud.com/mita-ghoulier/toute-civilisation-est-destructrice-extrait-chronique-radio-ana-minski" target="_blank"><u>soundcloud</u></a><br />
<br />
L’extermination de la biodiversité est le fait
d’une culture dominante dont le mode d’organisation politique et sociale
est ce qu’on appelle une civilisation. Nous participons tous, à des
degrés plus ou moins importants, au fonctionnement destructeur de cette
civilisation. Nous devons accepter notre part de responsabilité si nous
voulons enfin devenir adulte et nous émanciper efficacement d’un système
socio-techno-économique mortifère qui nous aliène et nous enchaîne à
une productivité meurtrière.<br />
<br />
Il est important de comprendre que
la destruction de la planète est intimement liée aux injustices sociales
et à la destruction de nos santés physiques et morales. Le mode de vie
des civilisations, et de la civilisation industrielle en particulier,
doit être démantelé.<br />
<br />
Mais qu’est-ce-que la civilisation ?<br />
<br />
L’étymologie du mot « civilisation » provient du latin civis qui
signifie citoyen et du mot civitas, état-cité. Au sens strict, le mot
civilisation désigne les populations des villes et la ville en tant que
telle. La ville est une concentration de citoyens qui, contrairement à
un campement ou un village, nécessitent l’importation de nourriture et
d’autres denrées nécessaires pour vivre. Les premières villes remontent à
plus de 5000 ans et toutes possèdent des bases similaires : de l’Égypte
des pyramides aux palais de Cnossos en Crète.<br />
<br />
Au XIXe siècle
Lewis Morgan parlait d’une transition de la barbarie, un mode de vie
agricole, à la civilisation, centrée autour des cités. L’apparition des
villes a été caractérisée par l’archéologue Gordon Childe de
« révolution urbaine ». Ce passage du campement à la ville n’aurait
jamais pu se faire sans une transformation des moyens de subsistance,
c’est-à-dire, sans le passage d’une économie de subsistance basée sur la
cueillette et la chasse à une économie de subsistance dépendant de la
domestication des plantes et des animaux. Ce qui ne veut pas dire que
toute domestication mène fatalement au développement des villes, de
nombreux peuples actuels pratiquent des formes d’horticulture depuis des
centaines d’années sans n’avoir jamais constitué de cité-état.
L’agriculture, qui est la domestication des plantes, impose une
sédentarisation plus ou moins permanente de la population. La
civilisation ne peut naître sans ces deux modes d’existence que sont la
sédentarisation et la domestication des moyens de subsistance.<br />
<br />
L’amélioration des techniques agricoles au cours du néolithique
participe à la croissance démographique et à l’accumulation de réserves
alimentaires. Cette accumulation, ou stockage des surplus, facilite le
développement d’une élite qui s’en empare sous prétexte de protection.
Selon certains archéologues, les silos de stockage furent les premiers
temples et leur gardien la première élite. Avec l’extraction des métaux
la stratification sociale s’accentue et la constitution d’une élite est
de plus en plus visible, notamment par les richesses accumulées que les
archéologues mettent au jour dans les inhumations de l’âge des métaux.
Lorsque les centres urbains se développent, autour d’un village
existant, une élite constituée a déjà la main mise sur les surplus et
les moyens de subsistances. Pour nourrir une population toujours
croissante, il faut exploiter intensivement les terres alentour et le
travail agricole nécessaire à cette exploitation ne peut qu’être
laborieux. Les classes laborieuses naissent de l’exploitation des modes
de subsistance au fin de nourrir une population urbaine elle-même
exploitée par une élite qui, pour maintenir la division des classes
laborieuses, encourage la division du travail à grande échelle. Des
groupes spécialisés, dans la construction ou dans différentes formes
d’artisanat, par exemple, se constituent, complexifiant toujours plus la
vie sociale et accentuant la dépendance du plus grand nombre à
l’exploitation intense de l’environnement. L’une des premières grande
cité connue, datée de 5000 avant J.-C., est Uruk, en Mésopotamie. C’est à
Uruk que Gilgamesh aurait régné. Il est remarquable que le mythe de
Gilgamesh, premier mythe écrit, relate le déboisement des collines et
des vallées d’Irak afin de construire une grande cité. Dès son origine,
la civilisation détruit des écosystèmes entiers, dès son origine la
civilisation relève du biocide. D’autre part, toutes les civilisations
impliquent une certaine militarisation, parce qu’ainsi qu’en témoigne
l’histoire, toutes sont expansionnistes, voraces et intensément
compétitives.<br />
<br />
En séparant les populations de la terre, principal
moyen de subsistance (par la chasse, la cueillette, l’horticulture, la
permaculture…), la civilisation aliène les humains. La stratification
sociale et la division du travail qu’elle engendre condamnent des
milliers d’humains à vivre dans l’extrême pauvreté, dans des
environnements toxiques et nocifs. L’exploitation intense des terres,
indispensable pour alimenter la population des villes, est similaire à
l’exploitation intense de la main d’œuvre nécessaire et toujours plus
délocalisée, rejetée à la périphérie des centres urbains où se pavanent
des citadins toujours plus narcissiques, plongés dans une hallucination
collective où seul le monde civilisé, le monde domestiqué, a sa place.
Les citadins ne peuvent exister sans cette exploitation intensive, le
mépris des villes pour les campagnes provient-il de cette conscience
refoulée que sans la destruction en chaîne des territoires, la ville ne
serait pas ?<br />
<br />
Stanley Diamond écrit : « La civilisation découle
des conquêtes à l’étranger et de la répression domestique. » La
population s’accroît, les besoins augmentent, les ressources diminuent.<br />
<br />
Il faut étendre son domaine d’exploitation, augmenter ses
richesses au dépend des autres peuples et des autres existants. Le
passage de la chasse cueillette à la domestication est perçu par
certains anthropologues comme le passage du biocentrisme à
l’anthropocentrisme. Si certains peuples connaissent la domestication
sans nier l’importance à d’autres existants, il est indéniable que les
civilisations sont toutes fondées sur le suprématisme humain et plus
particulièrement le suprématisme de l’humain mâle. Les civilisations
sont patriarcales et érigent la virilité en norme sociale, elles
célèbrent le pouvoir et la violence, glorifient la militarisation. Elles
érigent des monuments à la gloire de l’élite, des batailles et des
armées, condamnent femmes, enfants et esclaves à la sphère domestique,
exterminent des écosystèmes entiers, exploitent les autres espèces pour
les spectacles et divertissements, etc. La démesure — l’hubris —, est ce
qui définit le mieux la civilisation.<br />
<br />
Pour maintenir son aura de
séduction, les civilisés privilégiés inventent le mythe du progrès. Les
civilisations nous promettent vie éternelle, santé éternelle, richesse
éternelle, confort éternel, satiété éternelle, amour éternel, etc. Un
jour, comme l’a si bien dit un étudiant de la Silicon Valley, l’homme
cessera d’être un sac à viande. Voilà la promesse de toute civilisation
qui condamne l’humanité à vivre aliénée de la terre et des terriens.
Nous pouvons aujourd’hui affirmer que le progrès est un mythe, que la
vie dans les cités est destructrice et que notre civilisation, qui
anéantit le vivant, est plus dangereuse que toutes celles qui l’ont
précédée.<br />
La violence de notre civilisation, patriarcale, raciste, militaire, capitaliste, mondialisée et mécanisée, est extrême :<br />
<br />
- chaque
année, ce sont plus de 120 000 filles et de 30 000 garçons de moins de
18 ans qui sont victimes de viol ou de tentative de viol : 81 % des
victimes de violences sexuelles ont subi les premières violences avant
l’âge de 18 ans, 51 % avant 11 ans, et 23 % avant 6 ans ;<br />
<br />
- plus de 400 personnes sans domiciles sont mortes dans la rue en 2018 ;<br />
<br />
- Il
y a plus 45 millions d’esclaves dans le monde, plus que jamais dans
l’histoire : prostitution, pornographie, esclaves domestiques,
enfants-soldats, etc. ;<br />
<br />
- 40 %
de l’ensemble des décès humains seraient liés à la pollution de l’air,
de l’eau et des sols, ce qui correspond à 63 000 décès par jour lié à la
pollution et dans d’atroces souffrances. Un homme sur trois meurt d’un
cancer : les substances toxiques sont dans l’air que nous respirons,
dans nos assiettes, dans nos maisons, dans le lait maternel ;<br />
<br />
- la
faim dans le monde ne cesse d’augmenter : en 1950, 20 % des 2,5
milliards de la population souffrait de malnutrition, en 2017 ce sont
57 % des 6,5 milliards de la population, soit plus de 3 milliards de
personnes qui souffrent de la faim ;<br />
<br />
- 30 %
de la surface du globe est menacée de désertification, dont 70 % des
terres arides, 52 000 km² sont transformés en désert chaque année ;<br />
<br />
- 200
espèces disparaissent chaque jour, 90 % des grands poissons ont disparu
des océans, 97 % des forêts ont été détruites, 70 % des insectes ont
disparu, plus de 200 espèces s’éteignent — sont exterminées — chaque
jour.<br />
<br />
Toutes ces violences ne sont pas les conséquences
de la nature humaine mais d’une culture qui détruit les terres et contre
laquelle nous devons combattre. Chaque nouvelle étude nous prouve que
le réchauffement climatique se produit bien plus vite que prévu. La
destruction du vivant a commencé il y a longtemps ; l’amnésie écologique
et l’aliénation industrielle nous font oublier la diversité des forêts
dont les arbres anciens, indispensables pour d’innombrables raisons,
étaient vénérés ; nous avons oubliés la gaîté de nos rivières où
frayaient par milliers les saumons, exterminés en quelques siècles par
les barrages, les moulins et la surpêche ; nous avons oubliés les
phoques paressant sur le sable de nos plages, les baleines et les
dauphins chahutant l’horizon marin. Toute culture qui se fonde sur la
destruction perpétuelle des équilibres et des dynamiques du monde
naturel est vouée à périr avec lui. Nous devons comprendre que la santé
de la biosphère est primordiale. Ainsi que Derrick Jensen l’écrit : « Le
premier principe de la soutenabilité est et doit être que la santé de
la terre est primordiale, et que tout le reste — vraiment, tout le reste
— lui est subordonné. »<br />
<br />
Aucune culture ne vaut plus que cette vie terrestre dont nous dépendons tous et qui ne peut perdurer qu’à l’état sauvage.Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-35671919615667011272019-01-16T20:32:00.001-08:002019-01-17T03:20:34.492-08:00La buveuse d'ombres<br />
<style type="text/css">p { margin-bottom: 0.25cm; line-height: 120%; }</style>
<br />
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<span style="font-size: large;">"Dans mon corps, l'eau froide du torrent, ses truites et ses vipères, </span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<br /></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<span style="font-size: large;">voix d’aïeules
m'offrant leur nom."</span></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEixiZfjFM7rfVJ9oSbkUtrkUeuF8LFfepSpCgb_I_b1j90yeg-8ZmTlcst-1iSJCXlDtP9xde9fB72N60jHIFysGWGzxVRA1iKhAju4LTYKaFgJfbyMG6GVHLoSuxLkvdCnOlHsYrk6sb8/s1600/La+m%25C3%25A9moire+du+dragon+2.jpg" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1083" data-original-width="1600" height="432" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEixiZfjFM7rfVJ9oSbkUtrkUeuF8LFfepSpCgb_I_b1j90yeg-8ZmTlcst-1iSJCXlDtP9xde9fB72N60jHIFysGWGzxVRA1iKhAju4LTYKaFgJfbyMG6GVHLoSuxLkvdCnOlHsYrk6sb8/s640/La+m%25C3%25A9moire+du+dragon+2.jpg" width="640" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Huile sur toile</td></tr>
</tbody></table>
<br />Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-17113259101548429642019-01-14T08:59:00.001-08:002019-01-28T02:58:44.008-08:00La mémoire des dragons<br />
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhYGbB_EcT-Dvvow7N1Hb4ZoX_3KQ9GgPO3lXdJ6zrOUkipNQTCiRCixSTKHwZADRElQW5fZZ2Bvg5EcS4vvSHFUCUyYkAdBHZ8y38KGkMYaMQRhjBB3LGq5BlVaYzUg4xF0fEZP6uQB4E/s1600/La+m%25C3%25A9moire+du+dragon+petit+huile+sur+toile+80x40.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="535" data-original-width="1088" height="314" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhYGbB_EcT-Dvvow7N1Hb4ZoX_3KQ9GgPO3lXdJ6zrOUkipNQTCiRCixSTKHwZADRElQW5fZZ2Bvg5EcS4vvSHFUCUyYkAdBHZ8y38KGkMYaMQRhjBB3LGq5BlVaYzUg4xF0fEZP6uQB4E/s640/La+m%25C3%25A9moire+du+dragon+petit+huile+sur+toile+80x40.jpg" width="640" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">La mémoire des dragons, huile sur toile, 80x40</td></tr>
</tbody></table>
<br />Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-69148279818945463432018-12-19T06:24:00.000-08:002018-12-19T06:24:18.260-08:00Scolariser le monde <div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<iframe width="320" height="266" class="YOUTUBE-iframe-video" data-thumbnail-src="https://i.ytimg.com/vi/OK2XWAbQt2A/0.jpg" src="https://www.youtube.com/embed/OK2XWAbQt2A?feature=player_embedded" frameborder="0" allowfullscreen></iframe></div>
<br />
<span style="font-size: small;">Extrait d'un article de Carol Black sur la nature sauvage des enfants et traduit sur le site<a href="http://partage-le.com/" target="_blank"> Le partage</a><a href="http://vivreencomminges.org/" target="_blank">⏯</a></span><br />
<span style="font-size: small;">Lecture radio de mars 2018 dans l'émission <a href="http://vivreencomminges.org/" target="_blank">Vive en Comminges</a><a href="http://vivreencomminges.org/" target="_blank">⏯</a></span>Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-63465566516173839882018-12-15T09:35:00.004-08:002018-12-15T09:35:46.449-08:00Lecture <span style="font-size: large;">Extrait du chapitre 2 du livre DGR un mouvement pour sauver la planète</span><br />
<br />
<span style="font-size: large;"><a href="https://soundcloud.com/mita-ghoulier/dgr-1-le-probleme-lierre-keith-lecture-ana-minski" target="_blank">Lien soundcloud ⏯</a></span><br />
<br />
<span style="font-size: large;"><a href="https://editionslibre.org/">https://editionslibre.org/</a></span><br />
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<img border="0" data-original-height="925" data-original-width="600" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh_o6BW7QT98R876Y6ZMiQxdcNMA8XYbqX3_e5h3pdb2foyef6VxtCo60G3TMmVFHpLQ7DJH0sjpJQI7b3nBgCfBvf_hWk_arxmP44k2IQLC7k837ByHlpNnwyNjpz3mRXwgPvsxwt3Kog/s320/prevente-fullres.png" width="207" /></div>
<br />Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-60553736233100943572018-12-05T01:54:00.001-08:002019-01-28T22:54:12.408-08:00En finir avec la culture du violNouvelle contribution sur le site <a href="http://partage-le.com/2018/12/en-finir-avec-la-culture-du-viol-par-ana-minski/" target="_blank">Le partage</a><br />
<br />
<ul>
<li style="text-align: justify;">94 % des auteurs d’agressions sexuelles
sur les femmes sont des hommes, les 3/4 des viols commis sur des hommes
ou des garçons sont perpétrés par des hommes, 80 % des victimes de viol
sont majoritairement de sexe féminin, femmes et filles qui, dans la
majorité des cas, ont moins de 18 ans ;</li>
<li style="text-align: justify;">dans 70 % des cas le viol est perpétré par un membre de la famille, un proche, un conjoint ;</li>
<li style="text-align: justify;">seul 11 % des viols sont perpétrés sous
la menace d’une arme, et seulement 10 % des victimes présentent des
blessures physiques, graves ou non ;</li>
<li style="text-align: justify;">7 % seulement des suspects sont atteints d’une maladie psychiatrique ;</li>
<li style="text-align: justify;">seulement 2 à 10 % des accusations de viols sont mensongères ;</li>
<li style="text-align: justify;">les agresseurs n’appartiennent à aucune
catégorie socio-économique spécifique, ils sont aussi bien
universitaires, chanteurs, chercheurs, gendarmes, qu’ouvriers ou
agriculteurs, etc.</li>
</ul>
<br />
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiduSikPiv0LaOSEXKNVK5pQ-qD_b2HrFF1J2J8eN-2TchgrbuCPR8eR91LLKt4TpbXNAOiDoKVzhbcU4SIaJ01gplSMnoQza0PheyZcTUXX2_qA5UY6QGfEnnPupvs7ArE1_6o293uaHo/s1600/sans+titre.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1176" data-original-width="1600" height="470" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiduSikPiv0LaOSEXKNVK5pQ-qD_b2HrFF1J2J8eN-2TchgrbuCPR8eR91LLKt4TpbXNAOiDoKVzhbcU4SIaJ01gplSMnoQza0PheyZcTUXX2_qA5UY6QGfEnnPupvs7ArE1_6o293uaHo/s640/sans+titre.jpg" width="640" /></a></div>
<br />Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-34781367935258667742018-11-22T08:35:00.000-08:002018-11-22T08:35:30.964-08:00Série Häxan, encre de chine sur papier<br />
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiFfS1QW73Mv2tRPS3BjPsVDxpUwnmtxz_fuJwkJOjp8qsNsZ2r6XuHJYWs7ymNR9ihDcnByNL4FVanyBlCXrDtzRrYR3z35_ZwBCtyYYO_X3X_EZkAMZI2Yfl1WuSYT2w4ar8HYhSlDj0/s1600/sans+titre.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1600" data-original-width="1165" height="640" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiFfS1QW73Mv2tRPS3BjPsVDxpUwnmtxz_fuJwkJOjp8qsNsZ2r6XuHJYWs7ymNR9ihDcnByNL4FVanyBlCXrDtzRrYR3z35_ZwBCtyYYO_X3X_EZkAMZI2Yfl1WuSYT2w4ar8HYhSlDj0/s640/sans+titre.jpg" width="464" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">encre de chine sur papier, 14,5x21</td></tr>
</tbody></table>
<br />
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiypTkWfH0BShak1eeGufIvP6QzntxIGD1QnJPTSVJy7V7O8rq9XJ5jMraJALPJY40OpaBmS0V_ijxuBkG3oKgN6Rn2TW2dHN_6I_josNaZXu3JEFMtKVESRPY4o9n5M2fCtfepkKkSDS8/s1600/Sarya.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1127" data-original-width="1600" height="450" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiypTkWfH0BShak1eeGufIvP6QzntxIGD1QnJPTSVJy7V7O8rq9XJ5jMraJALPJY40OpaBmS0V_ijxuBkG3oKgN6Rn2TW2dHN_6I_josNaZXu3JEFMtKVESRPY4o9n5M2fCtfepkKkSDS8/s640/Sarya.jpg" width="640" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">encre de chine et aquarelle sur papier, 14,5x21</td></tr>
</tbody></table>
<br />
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgn302YJHhbyzIYWIN7mTKYzT2zTAe5-FHn1LYBBGioHrlNhj4uQQSs00Eeqxk8dnVaknk5n7SgltcU-uppRhkHxGgYJbe0HtmpLZ5vqd7MeGa_jRCEN81puacUYxEW54Aw_EhspTCEY4c/s1600/Le+village+de+Sarya.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1154" data-original-width="1600" height="460" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgn302YJHhbyzIYWIN7mTKYzT2zTAe5-FHn1LYBBGioHrlNhj4uQQSs00Eeqxk8dnVaknk5n7SgltcU-uppRhkHxGgYJbe0HtmpLZ5vqd7MeGa_jRCEN81puacUYxEW54Aw_EhspTCEY4c/s640/Le+village+de+Sarya.jpg" width="640" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">,encre de chine sur papier, 29x42</td></tr>
</tbody></table>
<br />Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-22576707906876326362018-11-06T01:02:00.000-08:002019-01-28T22:53:42.688-08:00Une histoire d'amour...publié sur le site Le partage : <span style="color: red;"><span style="font-size: large;"><a href="http://partage-le.com/">http://partage-le.com/</a></span></span><br />
<br />
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg5N9nvJ-iqU287Wo9BentmgtKnZtaW9lKTcvG1w_xcbPXJNd6oRDL16SudYQkBIhz0_M8lZWDkCpEcg98Ns0og5pftKZrqeTglhC8sAJEmWJOwuPDFAxioxZu30IL1xgLhP_9xO4oIb54/s1600/scenes-de-chasse-en-baviere.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="534" data-original-width="800" height="426" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg5N9nvJ-iqU287Wo9BentmgtKnZtaW9lKTcvG1w_xcbPXJNd6oRDL16SudYQkBIhz0_M8lZWDkCpEcg98Ns0og5pftKZrqeTglhC8sAJEmWJOwuPDFAxioxZu30IL1xgLhP_9xO4oIb54/s640/scenes-de-chasse-en-baviere.jpg" width="640" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Scènes de chasse en Bavière de Peter Fleischmann</td></tr>
</tbody></table>
<br />
<blockquote>
<div style="text-align: justify;">
« … mon cauchemar à moi, le cauchemar de
l’adolescence, de grandir fille, de devenir femme dans un monde dressé
contre nous, un monde que nous avons perdu et où tout nous évoque notre
défaite. » (Kate Millett, La cave, méditations sur un sacrifice humain)</div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
« Moi, je chasse par amour », a dit
l’ancien porte-parole de la Fédération nationale de la chasse, sur
Europe 1 le 26 octobre 2018. Beaucoup se sont offusqués, récusant
l’amour que cet homme ressentirait pour l’animal qu’il chasse et tue.
Pourtant, on ne compte plus les crimes d’amour, les crimes passionnels :
du viol à la séquestration et au meurtre. Ils sont presque toujours
l’œuvre d’hommes, envers les femmes, envers les autres espèces, envers
la nature. Amour et passion vont de pair depuis longtemps, trop
longtemps peut-être, à chacun d’en juger. Bien souvent j’ai entendu :
« … je suis jaloux, je suis possessif parce que je t’aime passionnément,
tu me rends fou, avec toi je suis incapable de raisonner, je deviens un
animal », et ce, aussi bien dans la vie réelle qu’au cinéma, dans la
littérature et dans les confessions d’autres femmes. On se demande bien
pourquoi l’amour a encore si bonne presse, pourquoi l’amour possède
encore ce pouvoir de leurre. De quel amour s’agit-il ? Quel amour nous
vend-t-on ?</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Nous ne sommes pas dupes, l’ancien
porte-parole de la Fédération nationale de la chasse peut bien affirmer
que les femmes aussi aiment chasser, nous ne nous laisserons pas flatter
par ce désir intempestif de parité. Parce qu’il ne suffit pas qu’une
femme s’enorgueillisse d’être la première femme flic, ou chimiste ou
militaire, qu’elle accepte le sale métier de maton ou chancelière pour
qu’on puisse en déduire que toutes ces activités font partie de la
« nature » humaine. Parce que nous n’oublions pas, du moins certaines
d’entre nous, que la nature humaine qu’ils cherchent tant à réduire et
définir est celle d’<i>Homo sapiens, </i>espèce nommée par des mâles,
blancs et privilégiés, qui se rêvaient — et se rêvent encore — puissants
et supérieurs. Souvenons-nous que les femmes, les indigènes et les
autres espèces sont les premières victimes de cette idéologie obsédée
par les pyramides, les érections et les sacrifices<sup><a href="http://partage-le.com/2018/11/une-histoire-damour-par-ana-minski/#post-9973-footnote-2" id="post-9973-footnote-ref-2">[1]</a></sup>. Mais avant de parler d’amour, parlons de chasse.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
J’ai lu les <i>Méditations</i> <i>sur la chasse </i>d’Ortega
y Gasset, qui est, si l’on en croit Michel de Courval, auteur de
l’avant-propos, « le texte le plus souvent cité dans le monde sur le
sujet de la chasse ». Paul Shepard a lui-même tenu à ce que cet ouvrage
soit traduit en anglais et le cite dans son ouvrage <i>Retour aux sources du Pléistocène</i>.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
À l’origine, les <i>Méditations</i>
d’Ortega y Gasset étaient un prologue demandé par un aristocrate, ami du
philosophe espagnol, pour un ouvrage intitulé « Vingt ans de grande
Chasse ». Ces <i>Méditations</i> ont été rédigées en 1942 par un homme
qui ne chassait pas, mais qui s’intéressait à ce sport et était « un
ardent lecteur de livres qui en traitent ». Ses méditations sont donc
inspirées des livres qui traitent de la chasse, de ce que les chasseurs
et l’archéologie de ce début du XXème siècle en disaient.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Comme nombre d’auteurs, Ortega y Gasset
souffre d’un complexe devenu trop commun au fil des siècles, le complexe
de la pyramide. Il déclare : « Les autres êtres vivants existent, sans
plus. » Selon lui, l’homme, contrairement aux autres espèces, ne peut se
laisser vivre, il doit se consacrer à des occupations spécifiques.
C’est là son privilège et son tourment. Il affirme : « En elle-même, la
vie est insipide parce qu’elle se réduit à « être là » ». L’homme est
voué à mener des occupations forcées, imposées par la nécessité et qui
nous sont pénibles. Le travail, ce supplice atroce, lui vole tout son
temps libre. Mais, heureusement, l’homme est capable de se projeter et,
par sa fantaisie, d’imaginer des occupations qui ne lui feraient pas
perdre son temps mais en gagner. Il oppose ainsi une vie de plaisir et
de bonheur à une vie de travail, une vie qui « s’autodétruit », qui est
un « échec » ; et oppose au travail le sport qui s’accomplit librement
et par pur plaisir. Mais quelle est la classe qui a été la moins
opprimée par son travail et qui a ainsi pu se consacrer à parfaire son
bonheur ? L’aristocratie. Et en quoi consistaient, d’après Ortega, les
occupations de l’aristocrate : elles consistaient en des concours
équestres et sportifs, des fêtes, la danse, les rencontres sociales et,
« […] occupation la plus appréciée et la plus agréable pour l’homme
normal […], ce que les rois et les nobles ont préférés : la chasse. » La
chasse, qui serait un sport universel et plein de passion. Et plus
encore. La chasse qui n’aurait apparemment pas changé dans sa structure
générale depuis les temps anciens. Pour Ortega, chasser à l’arc ou au
fusil et avec chien ne change pas grand-chose, les changements dans
l’armement ne constituant pas, selon lui, un changement significatif.
Par contre, la supériorité technique, qui émane de la supériorité
rationnelle de l’homme, doit être contrôlée pour ne pas exterminer
toutes les proies. Ainsi, la chasse peut encore exister seulement si la
raison, qui constitue le plus grand danger pour l’existence de la
chasse, est mise en pause. Il différencie donc la chasse — relation
entre chasseur et chassé — et le combat entre deux prédateurs, qui
constitue une agression mutuelle et à égalité. « La chasse est
irrémédiablement un jeu du haut vers le bas », c’est ainsi que s’exprime
la « hiérarchie zoologique ». La finalité interne est la prise de
possession de la proie, morte ou vive. « Chasser est ce qu’un animal
fait pour prendre possession, mort ou vif, d’un autre être qui
appartient à une espèce essentiellement inférieure à la sienne. » La
chasse, affirme Ortega, est « une humiliation consciente et comme
religieuse de l’homme qui limite sa supériorité et se rabaisse vers
l’animal. […] un mystère fascinant de la nature se manifeste dans le
fait universel de la chasse : l’inexorable hiérarchie entre les êtres
vivants. La stricte égalité est trop improbable et anormale. La vie est
un terrible conflit, un concours grandiose et atroce. La chasse submerge
l’homme délibérément dans ce mystère formidable et a par conséquent
quelque chose de l’émotion et du rite religieux, où un hommage est rendu
à ce qui est divin et transcendant dans les lois de la nature. […] la
chasse, et spécialement dans ses formes supérieures — la chasse à
courre, la fauconnerie et la battue —, est une discipline vigoureuse et
une opportunité de montrer du courage, de l’endurance et de l’habileté,
qui sont les attributs authentiques de la puissance. » On ne peut
douter, à la lecture de ces citations, du suprémacisme humain qui
caractérise cette vision du monde, et qui caractérise l’idéologie de la
civilisation au moins depuis la <i>scala naturæ</i> d’Aristote, cette
« grande chaîne de la vie », ou « grande échelle des êtres », qui
considère l’être humain comme une créature supérieure. Et qui considère,
d’ailleurs, que l’homme est supérieur à la femme (ce cher Aristote
considérait que la femme est « inférieure par nature »).</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Si la chasse est un privilège et une
source de bonheur, nous dit Ortega, c’est parce qu’elle s’enracine au
plus profond de notre passé, parce que nos ancêtres s’y livraient
intégralement. « La chasse était alors la première occupation, le
premier travail et le premier métier de l’homme. » Bien qu’il
reconnaisse que la cueillette était aussi pratiquée, il affirme que
« cela ne signifiait pas grand-chose, car il n’en découlait pas
d’occupation formelle. » Il en conclut donc que la chasse était l’unique
activité de l’homme primitif et qu’être humain c’était avant tout être
chasseur. Ainsi, le premier homme du Paléolithique était une esquisse
d’humanité, un animal entremêlé de lucidités intermittentes, une bête
dont l’intellect éclairait de temps en temps la pénombre intime. Et
l’homme se serait lentement dirigé vers la raison en s’éloignant de son
intimité originelle avec la nature. Chasser constituerait donc un retour
vers l’intimité avec la nature, une vacance de l’humanité, et c’est
pour cela que la raison ne doit pas s’en mêler. Ainsi, selon lui, quand
l’homme chasse, il échappe à sa condition de <i>sapiens</i>
excessivement tourné vers la raison. La chasse constituerait une fuite
du présent et un moyen de renouer avec cette forme primitive de l’être
humain, celle qui inaugure l’histoire, parce qu’avant elle, il n’y a que
ce qui est permanent : la nature.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Comment est-il possible d’affirmer que
l’homme du Paléolithique, terme déplorable selon Ortega, était
uniquement chasseur ? En s’appuyant sur les figurations pariétales, il
affirme que les chasseurs peignaient des animaux à dessein de magie,
parce que l’homme primitif n’était pas entraîné à abstraire et à
distinguer, qu’il confondait la représentation des choses et la chose
même, il peignait par magie de la chasse et de la fécondité, « pour que
l’animal soit abondant et ses femelles fertiles ». Remarquons en passant
qu’il distingue l’animal, seul, mâle et participant au jeu de la
chasse, de ses femelles qui elles doivent être fertiles.
Malheureusement, l’interprétation de l’art préhistorique comme rituel
magique de chasse est écartée depuis plusieurs décennies<sup><a href="http://partage-le.com/2018/11/une-histoire-damour-par-ana-minski/#post-9973-footnote-3" id="post-9973-footnote-ref-3">[2]</a></sup>.
Et c’est vite oublier le nombre important de signes abstraits qui
existent dans l’art préhistorique, l’importance que nos ancêtres
accordaient aux pierres qu’ils taillaient et la complexité même des
différentes techniques de taille<sup><a href="http://partage-le.com/2018/11/une-histoire-damour-par-ana-minski/#post-9973-footnote-4" id="post-9973-footnote-ref-4">[3]</a></sup>.
Il semble d’autre part peu probable que les groupes du paléolithique ne
distinguaient pas la représentation de « l’objet », comme l’affirme
François Bordes, Préhistorien du XXème siècle, l’homme de la Préhistoire
était un homme comme nous. Mais, comme beaucoup, Ortega considère les
peuples indigènes actuels comme des « fossiles vivants ». Encore
aujourd’hui, les hommes des sociétés sans écriture représentent trop
souvent la part obscure, animale et sauvage de notre passé. Tour à tour
faire-valoir de notre civilisation, ou idéalisé pour en dénoncer les
dérives, l’homme « primitif » est encore trop souvent assimilé aux
pulsions fondamentales, essentielles, profondes, de la vie, comme s’il
n’avait pas accompli le saut « qualitatif » menant à la culture<sup><a href="http://partage-le.com/2018/11/une-histoire-damour-par-ana-minski/#post-9973-footnote-5" id="post-9973-footnote-ref-5">[4]</a></sup>.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Ainsi, <i>l’homme normal</i> pour Ortega est celui qui peut se libérer des activités d’<i>Homo faber<sup><a href="http://partage-le.com/2018/11/une-histoire-damour-par-ana-minski/#post-9973-footnote-6" id="post-9973-footnote-ref-6">[5]</a></sup></i>,
en exploitant les autres, pour se consacrer à l’activité religieuse
qu’est la chasse, qui l’unit mystiquement à l’animal, et plus
particulièrement à l’animal qu’un jour il fut.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Ortega précise que c’est : « … quand
l’homme en a exclus d’autres de son terrain de chasse, quand il a marqué
son territoire, qu’il a en même temps défini sa culture. […] Ce qui
coule au fond de toute chasse, ce sont des éléments orgiaques et
dionysiaques. » Il ajoute : « La terre tachée de sang est comme maudite.
Une guenille blanche tachée de sang n’est pas seulement répugnante,
elle nous semble violée et son humble matériel textile, déshonoré. C’est
l’effrayant mystère du sang ! […] Quand il est versé et que le dedans
essentiel sort dehors, une réaction de dégoût et de terreur se produit
dans toute la nature, comme si la plus radicale absurdité avait été
commise : ce qui est purement interne est devenu externe. […] Il y a un
cas où le sang ne produit pas ce dégoût : c’est lorsqu’il jaillit de la
croupe d’un taureau qui a été bien piqué et qu’il se répand des deux
côtés de l’animal. […] Le sang a une puissance orgiaque inégalée. » Il
nous apprend que déshonorer et tuer ont une même étymologie en espagnol
et désigne l’activité du boucher et du tueur. Comme l’écrivait Pierre
Moinot dans les années 1950 : « L’instinct de la chasse garde avec celui
de l’amour l’obscure parenté héritée du temps où ils assuraient seuls
la continuité de l’espèce. » Mais aux fantasmes de Pierre Moinot je
préfère l’honnêteté du Marquis de Sade : « C’est une chose très
différente que d’aimer ou que de jouir ; la preuve en est qu’on aime
tous les jours sans jouir et qu’on jouit encore plus souvent sans
aimer. »</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
La chasse, dans nos sociétés, est depuis
bien longtemps une histoire de jouissance et non d’amour. Et la
jouissance, dans une société patriarcale où le despote est un homme qui
bande, est intimement liée au viol. Comment doit-on interpréter cette
phrase : « <i>La seule réponse adéquate à un être qui vit obsédé par la peur d’être capturé est de tenter de le capturer</i>. »
Ortega nous livre ici, et malgré lui, l’obsession du mâle dans toute
société patriarcale : la pyramide, l’érection et le sacrifice.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Et c’est à cela que fait écho le livre de Kate Millet<i> La cave, Méditations sur un sacrifice humain</i>.
Kate Millett écrit : « … pour le chasseur professionnel. Voici enfin le
frisson. La dimension. Ce qu’on n’avait jamais vu. Le meurtre. Le seul
grand, le seul immense crime mystique. […] La cave, c’était un jeu de
garçons ; un jeu de jeunes enfants à ce stade où garçons et filles
jouent encore ensemble mais où la partie est menée par les garçons, par
cette violence obsessionnelle qui les envahit pour ne plus jamais les
quitter, au gendarme et au voleur, à l’Indien, et on ligote et on
exécute. Ou encore à l’assassin, jeu plus sophistiqué, plus cinéma, dans
la maison obscure ; on peut y jouer en haut, si on est seul chez soi,
si on est adolescent, et les filles y participent, dans un suspens à la
fois terrible et extatique, l’attente dans le noir, attente presque
sexuelle, le moment de l’attaque, moment décrit dans une centaine de
films où l’héroïne en négligée, la main sur le téléphone alors que le
bruit des pas se rapproche, ouvre la bouche pour hurler. Le téléphone
est muet, les fils sont coupés. Un millier de femmes retiennent leur
souffle et saisissent le poignet de leur compagnon. C’est ainsi que nous
sommes élevés. » La victime qui a hanté Kate Millett s’appelait Sylvia,
elle avait 16 ans. Celle qui me hante depuis mes 8 ans s’appelait Mari,
elle avait mon âge, nous étions voisines, nous jouions ensemble, elle a
été violée puis tuée, à coups de pierre et de hache, par un voisin de
18 ans. Combien sont hantées par ces victimes, ces proies ? Que les
tortures de Sylvia aient été orchestrée par une femme, elle-même victime
d’un compagnon violent, n’est pas sans lien avec une certaine vision de
la sexualité et du sacrifice dans nos sociétés et la question de ces
quelques femmes tortionnaires mérite d’être analysée en soi.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Pour finir, je voudrais donner un autre exemple de chasse qui résonne étrangement avec les propos aristocratiques d’Ortega :</div>
<blockquote>
<div style="text-align: justify;">
« Sous la photographie, on peut lire
« CHASSEURS DE MARMOTTES ». Deux hommes blancs, habillés en chasseurs,
sont assis dans une Jeep noire. La Jeep occupe presque tout l’espace de
l’image. Les deux hommes sont armés de carabines. Les carabines sortent
du cadre de l’image et s’étendent jusqu’à l’espace blanc qui l’entoure.
Les hommes et la Jeep font face à l’objectif. Une femme blanche est
attachée au capot de la Jeep noire. C’est une corde très solide qui la
retient. Elle est écartelée. Ses poils pubiens et son entrejambe sont en
plein milieu du capot et de la photo. Sa tête est tournée sur le côté,
maintenue dans cette position par la corde qui est tendue en travers de
son cou, qui s’étend et qui s’enroule plusieurs fois autour de ses
poignets, avant de passer autour des rétroviseurs de la Jeep, pour
revenir autour de ses bras, zigzaguer sous ses seins et autour de ses
cuisses, puis ramenée autour du pare-chocs et noue ses chevilles. Entre
ses pieds, sur le pare-chocs, un sticker orange annonce en lettres
noires « Je freine que pour Billy Carter ». Le texte qui accompagne
l’image indique : « Des sportifs de l’ouest nous font savoir que la
chasse aux marmottes fut particulièrement bonne dans toute la région des
Rocheuses la saison dernière. Ces deux chasseurs ont facilement atteint
leur quota dans les montagnes. Ils ont dit à HUSTLER qu’ils avaient
fourrés et montés leur trophée dès qu’ils l’avaient ramenée à la
maison ». Les hommes sur la photo ont la maîtrise d’eux-mêmes ; c’est à
dire qu’ils détiennent le pouvoir du moi. Ce pouvoir émane de la photo.
Ils sont armés : d’abord, parce qu’ils sont entièrement vêtus ; ensuite,
parce qu’ils transportent des carabines, qui ressortent de l’image à la
verticale, suggérant une érection ; puis, parce qu’en étant assis à
l’intérieur de la voiture, ils se retrouvent protégés par la
carrosserie, encadrés par le pare-brise ; enfin, parce que seule la
partie supérieure de leurs corps est montrée. La femme, elle, est
possédée ; c’est à dire qu’elle ne dispose pas de moi. Elle n’est rien
d’autre qu’un animal capturé, elle est nue, ligotée, exposée aux yeux de
tous sur le capot de la voiture, les traits de son visage ne sont pas
reconnaissables à cause de la façon dont sa tête est tordue et attachée.
Les hommes sont assis, extrêmement droits et confiants, exhibant la
proie piégée devant l’appareil photo. L’immobilité de la femme est
semblable à l’immobilité de la mort, analogie qui se trouve renforcée
par l’évocation de la taxidermie dans le paragraphe qui accompagne
l’image. Il est, il prend ; elle n’est pas, elle est prise. Cette
photographie glorifie le pouvoir physique des hommes sur les femmes. Ils
sont des chasseurs, ils utilisent des armes. Ils ont capturé et ligoté
une femme. Ils vont la fourrer et la monter. Elle est un trophée.
Certaines personnes seraient peut-être tentées d’arguer que la victoire
de deux hommes armés sur une femme ne prouve en rien leur supériorité
physique, mais cette affirmation ne tient pas dès lors que l’on fait
l’expérience (ou que l’on se souvient) de cette photo. La supériorité
physique des hommes est établie de manière irréfutable par l’existence
même de cette photographie et les connaissances que chacun.e y ajoute en
en faisant la lecture : l’image actualise une relation banale et bien
réelle où l’homme est fort et la femme faible, où la chasse – le fait de
cibler, pister, poursuivre, maîtriser, immobiliser et même blesser –
est une pratique courante, qu’elle soit appelée poursuite sexuelle,
séduction ou romance. » (Andrea Dworkin, <i>Pornographie, les hommes s’approprient les femmes</i>)</div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Nous chassons depuis longtemps, mais pas
de cette manière-là, pas avec tous ces fantasmes que seul, peut-être,
un aristocrate pouvait oser avouer : « C’est l’histoire de tous les gens
cruels en volupté ; la faiblesse, la délicatesse d’une femme les
irritent bien plus, leur férocité a bien plus d’action sur la débilité
que sur la force ; moins on peut se défendre, plus ils attaquent avec
violence, et comme il entre ainsi plus de scélératesse dans le crime,
ils ont aussi plus de plaisir. T’a-t-il bien fait mal ? » (Sade, <i>Histoire de Juliette</i>, 1797)</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Cette cruauté voluptueuse, c’est elle
qu’il nous faut regarder en face si nous voulons devenir autre chose que
des victimes sans devenir bourreau. Et elle nous concerne tous parce
qu’elle torture quotidiennement des enfants, des femmes, des hommes, des
animaux… Au cœur de cette cruauté se trouve peut-être l’altérité
engendrée par le premier dualisme masculin/féminin, qui se réfléchit
dans celui qui oppose culture/nature, civilisé/indigène, homme/animal…</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<ol>
<li id="post-9973-footnote-2"><a href="http://partage-le.com/2018/04/9258/">Animal, femme, indigène : trois figures d'une même peur</a></li>
<li id="post-9973-footnote-3"><a href="http://mitaghoulier.blogspot.com/2018/01/art-prehistorique-2.html">Interprétations de l'art figuré du Paléolithique</a></li>
<li id="post-9973-footnote-4"><a href="http://vivreencomminges.org/Art-paleolithique-avant-la.html" target="_blank">L'art du Paléolithique : avant la figuration</a> </li>
<li id="post-9973-footnote-5">PRICE S., 2006 – Arts primitifs, regards civilisés, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, 203 p.</li>
<li id="post-9973-footnote-6"><a href="http://partage-le.com/2018/03/9133/">Expropriation des corps, destruction des esprits : les cordes de pensée contre l'aliénation</a></li>
</ol>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<b></b>Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-84914845763031291442018-10-26T01:24:00.001-07:002018-10-26T01:24:27.644-07:00La mémoire du dragon<br />
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjnGrB7Yp9cv3JJ4dYz6mCsLgprTpPtjNXumOgnpECeXAw_sZCht6lkrlhDPnSD2dF2JxWsxOJZcHxFwslIYCBDvly8Z4lULqDcelqvW3jPZno39yayIh1TqsJtPnNR8Y4NSdspZllrhSU/s1600/La+m%25C3%25A9moire+des+dragons.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1600" data-original-width="1587" height="640" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjnGrB7Yp9cv3JJ4dYz6mCsLgprTpPtjNXumOgnpECeXAw_sZCht6lkrlhDPnSD2dF2JxWsxOJZcHxFwslIYCBDvly8Z4lULqDcelqvW3jPZno39yayIh1TqsJtPnNR8Y4NSdspZllrhSU/s640/La+m%25C3%25A9moire+des+dragons.JPG" width="634" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">acrylique sur toile, 40x40</td></tr>
</tbody></table>
<br />Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-23246979353333296272018-10-17T13:03:00.000-07:002018-10-17T13:03:02.362-07:00Encres, série Häxan<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjTJNBZMisdlygdkpfmkABdmVBsHXHsh50Zsa9DUjH_t2PiCqM7Y-KyXRcyM-Hn2Dl1RP8Y5cd3S8tfNB2qDtXXliVmriXwp3CAeFdV4xto-4X_uv6G7KAVXLdQi-1Z2D5IFV6FlJkV2gk/s1600/IMG_20181017_184635.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1204" data-original-width="1600" height="480" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjTJNBZMisdlygdkpfmkABdmVBsHXHsh50Zsa9DUjH_t2PiCqM7Y-KyXRcyM-Hn2Dl1RP8Y5cd3S8tfNB2qDtXXliVmriXwp3CAeFdV4xto-4X_uv6G7KAVXLdQi-1Z2D5IFV6FlJkV2gk/s640/IMG_20181017_184635.jpg" width="640" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">L'île, encre de chine sur papier</td></tr>
</tbody></table>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjm8ewHY-N2b_qhY6EltJXkAg4EWp7g4CFOAbYymwSVPpOkjzh3zbUoPXbZSl0MdxEFyaYZFYVN-Bk8LL_rvVkUpMKpXlqE3rY-yoQne16ABMtoqUSmQUn6ZcZIgvi6h_Ijf0JZMswZiFs/s1600/Le+b%25C3%25BBcher.jpg" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1194" data-original-width="1600" height="475" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjm8ewHY-N2b_qhY6EltJXkAg4EWp7g4CFOAbYymwSVPpOkjzh3zbUoPXbZSl0MdxEFyaYZFYVN-Bk8LL_rvVkUpMKpXlqE3rY-yoQne16ABMtoqUSmQUn6ZcZIgvi6h_Ijf0JZMswZiFs/s640/Le+b%25C3%25BBcher.jpg" width="640" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Le bûcher, encre de chine sur papier</td></tr>
</tbody></table>
<br />
<br />
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhh5rngKevAdz1vy66Elw3kpqJmhycq9chwOE2AI-1k-QIvg5429QVM1EI3P6hVZn_BHxStNqMZ_nytV8_iHz4itCokLrxxdQcgVFTKmjNG-QEfiyIiIC7aQCyg_atAPBOu43lV2LfVKtE/s1600/Le+radeau.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1260" data-original-width="1600" height="502" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhh5rngKevAdz1vy66Elw3kpqJmhycq9chwOE2AI-1k-QIvg5429QVM1EI3P6hVZn_BHxStNqMZ_nytV8_iHz4itCokLrxxdQcgVFTKmjNG-QEfiyIiIC7aQCyg_atAPBOu43lV2LfVKtE/s640/Le+radeau.jpg" width="640" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Le radeau, encre de chine sur papier</td></tr>
</tbody></table>
<br />Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-43438828663862812782018-10-12T12:04:00.000-07:002018-10-12T12:04:44.609-07:00Palimpseste<br />
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiGNzsaUTBHo69MNaYS60gQdZSlPz7QE_TFpZ2QNzknqKVyl1A0ZHRHxlLnZQ37qsRwFOMQskWP7KRupVEjLpAO3llspwr3mrARCM5JI70utN7kwi5FQjx3z2nht6ACLxn8rkyWvE_jXrs/s1600/Palimpseste+petit.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="918" data-original-width="750" height="640" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiGNzsaUTBHo69MNaYS60gQdZSlPz7QE_TFpZ2QNzknqKVyl1A0ZHRHxlLnZQ37qsRwFOMQskWP7KRupVEjLpAO3llspwr3mrARCM5JI70utN7kwi5FQjx3z2nht6ACLxn8rkyWvE_jXrs/s640/Palimpseste+petit.JPG" width="521" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Pastels sur papier</td></tr>
</tbody></table>
<br />Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-60011975384241621932018-10-07T17:42:00.000-07:002018-11-06T01:03:57.142-08:00Le rêve est une langue sauvage<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-size: large;">Publié sur le site<span style="color: red;"> <b><span style="color: red;"><a href="http://partage-le.com/2018/09/le-reve-est-une-langue-sauvage-par-ana-minski/" target="_blank">Le partage</a></span></b></span></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEioamJqiv-UqIwErBJVxLb6h-pov4c3mu-7FalHHBTExQc3U-BEtmCi8GMFkEVGA_IdTSu3yfiSocfMyigc_cnNVFQniDcFhQ2PTXMCJoa4TnC82XSv33nOcYHq6upg53x0jbAG3VCuDFM/s1600/L%2527animal+que+je+suis.JPG" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="630" data-original-width="784" height="257" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEioamJqiv-UqIwErBJVxLb6h-pov4c3mu-7FalHHBTExQc3U-BEtmCi8GMFkEVGA_IdTSu3yfiSocfMyigc_cnNVFQniDcFhQ2PTXMCJoa4TnC82XSv33nOcYHq6upg53x0jbAG3VCuDFM/s320/L%2527animal+que+je+suis.JPG" width="320" /></a></div>
<br />
« Je pensais à une phrase d’un poème aztèque que j’ai lue il y a des
dizaines d’années : « Que nous venions au monde pour vivre n’est pas
vrai : nous y venons pour dormir, pour rêver ». » (D. Jensen, Dreams)<br />
<br />
<div style="text-align: justify;">
Nous croyons à tort, depuis Freud, que
l’importance du rêve est reconnue dans nos sociétés. La puissance du
rêve est au contraire détruite par les rationalisations que la
psychanalyse et d’autres cultures du bien-être nous vendent.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Pour contrôler et exploiter le monde il
faut établir des lois qui permettent la perpétuation de ce contrôle et
de cette exploitation. Ces lois réduisent le monde, sa luxuriance et sa
beauté, et plongent l’homme dans la solitude et l’angoisse narcissique.
Parce que l’angoisse nous emporte dans les méandres du nombrilisme et
inversement, nous ne sommes plus capables de comprendre le langage qui
nous unit au vivant et qui nous permettrait de recouvrir notre santé
mentale et physique. Il nous faut détruire cette angoisse née du mythe
de la séparation et de la solitude et pour cela, nous devons nous
réapproprier le rêve, l’imaginaire. À lui seul, bien sûr, il ne nous
sauvera pas mais si nous voulons démanteler une fois pour toute cette
civilisation androlâtre, patriarcale et guerrière, nous devons accepter
les forces immanentes qui nous composent et renouer avec elles pour
anéantir le ver de l’angoisse.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Le rêve est à la source de toute
création. L’analyser avec le langage du quotidien capitaliste c’est le
réduire à un produit marchand. Vouloir lui donner un sens c’est limiter
son pouvoir créateur, le circonscrire à une interprétation. Nous vivons
dans une société où le « terrorisme du réel »
normalise l’imaginaire. Toute émotion, toute sensation doit être
localisable, mesurable, réduite au langage du bilan scientifique dont
l’ambition sera toujours de veiller à réduire « les états inadaptés, y
compris les troubles mentaux ».
Mais qui définit les troubles et les inadaptations, sinon les tenants
de cette science, une élite économique et intellectuelle, rendue malade
par une civilisation qui est incapable de comprendre la communication
que des corps de chair, d’os et de sang, entretiennent continuellement
avec le monde qui les compose ? Et pourquoi laisserions-nous des
« experts » nous déposséder de notre liberté de choisir ce que nous
ressentons comme bon ou mauvais pour nous-mêmes ? Notre individualité
est une richesse, nos handicaps émotionnels, notre colère, notre trop
grande sensibilité ne sont pas des troubles mentaux. La santé qu’ils
nous vendent est celle d’une mécanique bien huilée. Ils déterminent
type, caractère, milieu, quadrillent et maîtrisent toute la réalité et
souhaiteraient que nous nous soumettions à ce règne de la
classification, ce règne de la police. Le sensible est asservi à la
répétition mortifère de lois établies par des statistiques.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiMDT6W_ZQVMZNm1Z4ft0Y6BEyCPbZQfaZcF1L0fuI1hTqfIPJr3sk7gA1WquG41oyyDpQweoDiDlrL29yhiRcnaKVCsVkjwQ5klzp8HI0xeQL5DxCgr5D4MfxLut1pKQVJBvMBNHJcGZg/s1600/for%25C3%25AAt.jpeg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="733" data-original-width="1026" height="228" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiMDT6W_ZQVMZNm1Z4ft0Y6BEyCPbZQfaZcF1L0fuI1hTqfIPJr3sk7gA1WquG41oyyDpQweoDiDlrL29yhiRcnaKVCsVkjwQ5klzp8HI0xeQL5DxCgr5D4MfxLut1pKQVJBvMBNHJcGZg/s320/for%25C3%25AAt.jpeg" width="320" /></a></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Si être humain c’est accepter les
limites de notre corps, de notre chair, sa fragilité et sa mortalité,
c’est aussi écouter avec ce corps, ses nerfs, son imagination, ses
rêves, ce que ces autres — animaux, végétaux, et nos propres morts, etc.
— nous disent, les relations qui existent entre nous et eux. Parce qu’à
l’heure actuelle, il semble incroyable de ne pas comprendre que tout
esprit est matière et que toute matière est esprit. Mépriser l’un c’est
mépriser l’autre.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Comme le dit Andrea Dworkin : « […] ceux
qui détiennent le pouvoir cannibalisent aussi bien les gens que le
langage. » Le langage de la science, de l’économie, de la cybernétique
est une arme « utilisée pour détruire les capacités d’expression des
opprimé.es en détruisant leur perception de la réalité ».</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Quel autre langage pourrait donc contrer celui du patriarcat ?</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
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Le rêve s’exprime de différentes
manières et les peuples non civilisés, de la Préhistoire à nos jours, en
témoignent : la peinture, le chant, les contes, la poésie.</div>
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<br /></div>
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Ursula K. Le Guin le dit clairement : <i>l’attitude anti-fiction est surtout masculine</i>.
Les récits de fiction ne sont pas pris au sérieux et plus
particulièrement par le mâle industrieux, les hommes qui sont aux
commandes, qui vouent un culte au travail et mènent une poursuite
acharnée de la richesse. Pour ces hommes, ce sont des histoires de
bonnes femmes qui n’ont aucune valeur éducative, ne procurent aucun
avantage personnel. On ne les lit que par complaisance ou par refus
d’affronter la réalité.</div>
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<br /></div>
« Mais l’imagination est une faculté humaine absolument nécessaire. Si
l’imagination est rejetée ou méprisée elle se transforme au mieux en
rêverie égocentrique, au pire elle prend ses rêves pour des réalités, ce
qui est extrêmement dangereux. Le mauvais réalisme est le moyen qu’a
inventé notre époque pour ne pas affronter la réalité : pornographie,
polars ultra-violents, feuilletons sportifs, les cours de la bourse. »<br />
<br />
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Pour éviter de devenir prisonnier de
l’isolement désespéré de l’autisme, nous devons nous identifier avec ce
qui existe à l’extérieur, au-delà de nous, avec ce qui est plus vaste
que nous. Mais pour cela, nous devons également reconnaître la part
sombre qui règne en chacun de nous et nous tourner vers l’intérieur,
nous éloigner de la foule, pour atteindre les territoires où nous nous
rencontrons tous.</div>
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Je me suis souvent inquiétée de
l’absence d’intérêt des mouvements anticapitalistes pour les créations
imaginaires. Pour ne parler que de la poésie, quand elle n’est pas
cantonnée à la naïveté, à l’intellectualisme et au sentimentalisme, on
exige d’elle simplicité et épure pour coller aux règles du pamphlet ou
de l’article journalistique. Il est bien sûr important qu’elle s’engage
dans le langage du quotidien mais elle ne peut être cantonnée à cela.
Beaucoup la déclarent plus impuissante dans l’action qu’un ornement de
tombe. C’est que certains s’acharnent à nous faire croire que les mots
ne sont pas importants. Mais aucun mot, qui naît dans un espace du
corps, le traverse pour surgir à la bouche, n’est innocent.</div>
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<br /></div>
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Le langage de la société capitaliste
réduit et avilit notre intériorité, ne véhicule que stéréotypes et
clichés. Il est urgent de refuser la réduction que l’on nous impose et
de résister à la passivité qui en découle. Revendiquer la luxuriance et
la fertilité de l’émotion et de l’imagination est un acte de résistance.
La création imaginaire doit engager l’homme dans le monde, accroître
notre attention à la vie, aux autres, et par la richesse de ses
métaphores lier ce qui semblait irrémédiablement opposé. Certains
reprochent aux rêves leur hermétisme, mais c’est oublier qu’ils sont,
comme la poésie ou la peinture, une langue secrète qui exprime les
multiples relations liant les êtres et la matière. Ils nous extraient de
la pure nécessité et ne sauraient être économes sans se perdre.</div>
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<br /></div>
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Le rêve est l’arme nomade par
excellence, il nous permet d’explorer les labyrinthes de nos plaines,
déserts, forêts, montagnes. Il ne craint ni l’inconnu ni
l’inconnaissable, la vérité et le temps ne sont pas son affaire mais les
relations complexes entre les mondes intérieurs et extérieurs.
Souterrain, il est de ces intensités qui parcourent le corps et
décentrent toujours davantage, produisant des espaces par-delà l’homme. À
la fois corps et pensée, chair et cosmos, révolte et contemplation,
destruction et résilience, le rêve, avec ses filles l’imagination, la
musique, la peinture, la poésie, révèlent les mondes qui nous
environnent et dans lesquels nous baignons.</div>
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<br /></div>
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Sans vouloir le définir, je dirais que
le rêve, et ses différentes formes d’expression, sont profondément
terrestres et que nous devons les accepter tels qu’ils sont : indociles
et sauvages.</div>
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<br /></div>
Bibliographie :<br />
<br />
Annie Le Brun, <i>Les châteaux de la subversion</i><br />
Andrea<i> </i>Dworkin<i>, Pornographie, les hommes s’approprient les femmes</i><br />
Ursula K. Le Guin<i>, <i>Le langage de la nuit</i> </i>Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5703821168383773513.post-61136417893826024422018-10-03T02:04:00.001-07:002018-10-03T03:05:52.898-07:00Häxan, composition sonore et poèmes<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiTyc-CobUtkh4MJqX2FqN2fxOWPKqLRPp0aQsBo-NrP8nyO4EwzNAsslUci2mYKew0T94EkFCJouVTE4QOPXHp-sGB8Ih_kTKJi5s6blebokXTmgY-vifGhwvR0EtS3OPXD0k1hPPHZZU/s1600/L%2527appel+petit.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="674" data-original-width="803" height="268" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiTyc-CobUtkh4MJqX2FqN2fxOWPKqLRPp0aQsBo-NrP8nyO4EwzNAsslUci2mYKew0T94EkFCJouVTE4QOPXHp-sGB8Ih_kTKJi5s6blebokXTmgY-vifGhwvR0EtS3OPXD0k1hPPHZZU/s320/L%2527appel+petit.jpg" width="320" /></a></div>
<span style="font-size: large;">Lien<span style="color: red;"> <span style="color: red;"><a href="https://soundcloud.com/mita-ghoulier/haxan" target="_blank"> <span style="color: red;"><b>soundcloud</b></span></a></span></span></span><br />
<span style="font-size: large;"><br /></span>
<span style="font-size: large;">Poèmes : extrait du recueil<a href="http://www.lesruminants.org/dehiscences-poemes-a128170942" target="_blank"> <span style="color: red;"><b>Déhiscences</b></span></a> </span>Mita Ghoulierhttp://www.blogger.com/profile/05455412749524882674noreply@blogger.com0